Marc 13,24-(28)32 (Mc 13,24-32) – Parlons de l’humanité des humains – Commentaire (notes exégétiques et homilétiques)

(avec la TOB, Traduction oecuménique de la Bible, 2012 ; André Chouraqui ; Marcos, Evangile selon Marc ; JClattès, 1992, p. 208ss ; Joachim Gnilka, Das Evangelium nach Markus, EKK II/2, Benziger, Zürich 1989, p. 199ss ; Etienne Trocmé, L’Évangile selon saint Marc ; Labor et Fides, Genève 2000, p. 321ss ; Elian Cuvillier, L’évangile de Marc, Labor et Fides, Genève 2002, p. 206ss ; Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, Maredsous 1987)

Nous sommes maintenant à Jérusalem (Mc 11,1-11, l’entrée triomphale dans la ville, « les Rameaux »). Bartimée a révélé ou rompu le secret messianique, « Fils de David, Jésus » ; l’aveugle a reconnu en Jésus le messie, l’envoyé, l’oint de Dieu (Mc 10,46-52). Tout a été dit, depuis longtemps d’ailleurs : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » (Mc 1,15). Celui-ci, Jésus l’a rendu présent, audible, visible, tangible, lors de son parcours à travers son pays (Mc 1 à 8). Les trois annonces de la croix et de la résurrection l’inscrivent dans l’épaisseur et les contradictions de la vie, comme réalité incontournable : « Il faut vivre », dans sa suite, en sa présence, incarner, donc donner forme à l’amour.

L’amour ?

Il fait partie du contexte :

  • La résurrection des morts : Marc 12,18-27
  • Le double commandement de l’amour : Marc 12,28-34
  • La question du messie : Marc 12,35-37
  • Le jugement de Jésus sur les scribes (ce qui nous menace aussi, nous « les pasteurs ») : Marc 12,38-40
  • L’offrande de la veuve, c’est-à-dire ce qui veut dire donner forme ou incarner l’Évangile : Marc 12,41-44
  • L’annonce de la ruine du temple, ce qui menace toute institution, l’Église aussi, quand l’institutionnel, dont l’argent est la forme ultime, n’est plus moyen, mais devient finalité : Marc 13,1-4 ; l’Église, en soi et pour soi, n’a pas de sens, comme d’ailleurs l’État ou la « nation » non plus.

Tout a été dit, démontré, mais personne ne le comprend, même pas les disciples, sauf, peut-être l’aveugle, Bartimée, – « Fils du contaminé, ou de l’honorable », et ce n’est pas une contradiction quand l’honorable est exclu, parce qu’il a un fils « en situation de handicap » -, comme l’autre déjà, le « fou » (Mc 5,1-20).

Donc, ne rien que simple conséquence, « petite apocalypse de Marc » : Marc 13 ?

Et c’est Dieu lui-même qui en assume les conséquences : Marc 14ss Pâque, procès, condamnation et croix.

Vous auriez pu la savoir, vous pourriez toujours le savoir.

« ‘Maître, regarde : quelles pierres, quelles constructions !’ Jésus lui dit : ‘… il ne restera pas pierre sur pierre ; tout sera détruit. » (Mc 13,1.2)

En soi-même, l’institution n’a pas de sens.

L’apocalypse, la « révélation », dans la tradition apocalyptique judéo-chrétienne, le développe (Mc 13).

La révélation, ce qui est caché par et dans le secret messianique : le messie revient, l’Évangile, ou l’amour, est plus fort que ce qui, en soi-même, n’est que mortifère.

Avenir, passé ou présent ? « Dis-nous quand cela arrivera et quel sera le signe que tout cela va finir ? » (Mc 13,4). Éternelle question, celle sur le sens de la vie et des institutions censées soutenir la vie.

Noël est derrière nous, et parmi nous, et devant nous ; comme Pâques. Donc « veillez » (Mc 13,33-37).

Le « figuier desséché » d’un côté (Mc 11,20-26)), la croix et la mort, de l’autre côté le figuier qui « repousse » (Mc 13,26-32). C’est la condition humaine, une inclusion, l’horizon de la mort et celui de la vie.

Et la condition chrétienne ?

« Le Fils de l’homme est proche, il est à vos portes » (Mc 13,29), rappel de « le Règne de Dieu s’est approché » (Mc 1,15).

Le Fils de l’homme ?

« Cette expression sémitique … désigne ordinairement un membre de la race humaine et a pratiquement la même acceptation que le mot « hommes » … utilisé seul. … le titre « fils de l’homme » ne signifie donc pas autre chose que « homme », mais avec une certaine emphase. Il a cependant été appliqué à Ézéchiel d’une manière singulière et il a servi de désignation messianique et eschatologique dans certains cercles du judaïsme, desquels Jésus l’a repris. » (Dictionnaire encyclopédique, p. 480)

Et si, suite à cela, nous y reconnaissions rien d’autre, mais ce n’est pas rien, l’humain en toute son humanité dans le sens le plus noble de ce terme ?

Le messie, donc celui qui est annoncé et qui revient, l’être humain, vraiment humain, les humains humains les uns avec les autres, le proche, – deuxième commandement d’amour -, et le lointain, l’autre, – premier commandement d’amour ?

Le messie, une promesse pour tous ? Et Jésus Christ sa (pré)figuration, celui qui lui a donné forme, « Gestalt », et cela d’une manière ultime.

L’Évangile, le message chrétien, rien d’autre, mais ce n’est pas rien, que la promesse adressée à tout un chacun qu’il peut devenir humain, non, une affirmation, rendue visible en Jésus Christ, donc en Jésus Christ, qu’il est humain ?

Vous êtes humains ! Soumis à la croix, c’est vrai, c’est un fait, mais promis à la résurrection !

Et désolation, – « inhumanité », « abomination de la désolation » (Mc 13,14 ; cf. la note de la TOB) -, pour celui qui n’entend pas, qui ne reçoit pas (l’amour) et qui jette désolation et abomination sur autrui, « l’Abominable Dévastateur » (Mc 13,14 dans la traduction de la TOB).

Cette révélation, « apocalypse », n’est-elle pas évidence même, ici, dans ce chapitre 13 de l’évangile de Marc, seulement illustrée dans la pensée et les images de l’époque :

« On peut ainsi imaginer l’hypothèse suivante : dans les années 40 ou 60 aurait circulé en quelque sorte un ‘tract’ judéo-chrétien. Celui-ci décrit le déroulement d’événements attendus dans un futur proche et dont le point culminant va être la venue du Fils de l’homme. Ce ‘tract apocalyptique’ prend naissance dans un contexte de crise profonde et il en rend compte explicitement : guerres, famines, tremblements de terre, persécutions. Ce n’est qu’après 70 que s’exacerbe, autour de ce tract et des événements dramatiques qui viennent de se dérouler, l’attente impatiente de certains chrétiens. La glose explicative du v. 14 (‘que le lecteur comprenne’!) semble d’ailleurs être une allusion à la destruction de Jérusalem et du Temple et a pour but de signifier que maintenant tout est dit de l’histoire des hommes. Le Seigneur ‘a choisi, il a abrégé ces jours’ (v. 20).

Les constations qui précèdent nous amènent à formuler l’hypothèse selon laquelle Marc écrit juste après 70 et qu’il a affaire à un mouvement apocalyptique enthousiaste issu des communautés chrétiennes. Ce mouvement discernait, dans la destruction de Jérusalem et du Temple, les signes avant-coureurs du retour du Christ. Le ‘tract apocalyptique’ que Marc intègre dans son récit est la profession de foi de ce mouvement chrétien enthousiaste. » (Elian Cuvillier, p. 262)

Nous le dirions nous aujourd’hui par l’holocauste, les autres génocides « modernes », ce qui se passe au Proche Orient, le flux des réfugiés, etc. etc. ? Désolation, dévastation, abomination !

Cependant, l’humain est venu, advenu, il est toujours présent, et il reviendra, le « Grundgesetz » allemand, sa « constitution », dirait : « La dignité humaine est inaliénable. »

« C’est moi ! », qui est-ce ? (Mc 13,6 ; nous renvoie à Exode 3,14 et aux « ego eimi », « je suis » johanniques).

Dans cette logique, notre texte n’est donc pas prophétie, mais constat ; il parle de « faits » (« Tatsachen ») : n’attendez rien de nouveau. La nouveauté est ancienne et elle est déjà parmi vous. Vous attendez des signes : il n’y aura pas d’autres.

v. 24 Nous sommes « en ces jours-là »

v. 30 « cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive » est toujours valable, il le sera pour toute génération.

Soyons donc humains, les uns avec les autres, comme était humain ce Jésus de Nazareth en qui nous reconnaissons le Fils de l’homme, ce qui veut dire « être humain ».

Ce n’est pas la divinité de Dieu qui m’étonne et m’émerveille, mais son humanité ; et je comprends que certains aimeraient reléguer Dieu au ciel, pour pouvoir poursuivre « tranquillement » leurs « désolations, dévastations et abominations » sur terre.

Ma réponse ? Celle de l’apocalypse, de la grande, derniers mots de la bible :

« La grâce du Seigneur Jésus soit avec tous ! » (Ap 22,21)

Le projet de Dieu, c’est l’humanité des humains.

Armin Kressmann 2015

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.