(avec la TOB, Traduction oecuménique de la Bible, 2012 ; André Chouraqui ; Marcos, Evangile selon Marc ; JClattès, 1992, p. 170ss ; Joachim Gnilka, Das Evangelium nach Markus, EKK II/2, Benziger, Zürich 1989 ; Etienne Trocmé, L’Évangile selon saint Marc ; Labor et Fides, Genève 2000 ; Walter Bauer, Wörterbuch zum Neuen Testament ; de Gruyter, Göttingen 1988)
v. 46 Bartimée – « Ce nom peut dériver du grec timaios, « honorable », ou probablement de l’araméen timaï, « contaminé » (Chouraqui ; contesté par Gnilka)
Cette dernière étymologie me semble convaincante quand on regarde l’ensemble de l’évangile de Marc. Il pourrait y avoir lien entre
10,46 « Fils du contaminé » (Chouraqui), ou de l’impur ; notre passage
3,11 « souffles contaminés », les mauvais esprits, les démons, qui disent « Tu es bèn Elohîms », « Fils de Dieu »
« Un souffle contaminé, tamé en hébreu, … est celui des idolâtres, mais la contamination n’épargne pas ceux des fils d’Israël que leurs fonctions, dans le contexte politique, lient à l’occupant. » (Chouraqui, p. 102) … « indique un possédé » (p. 63) … « cas de possession » (p. 137)
5,7 où le « fou de Gérasa », « possédé » par un « esprit impur », confesse Jésus « Fils du Dieu très haut », « Fils d’Elohîms le Sublime »
10,47.48 « Fils de David » – Titre populaire du Messie
« En saluant Iéshoua’ du titre de bén David, l’aveugle le reconnaît comme prétendant légitime au trône d’Israël. D’où l’émoi d’un grand nombre qui essaient en vain de le faire taire, cette proclamation publique risquant de les envoyer sur la croix. L’aveugle est sûr que Iéshoua’ peut le guérir et ne se préoccupe pas des conséquences prévisibles de ses cris enthousiastes. » (Chouraqui p. 179)
« L’aveugle cite le nom de Jésus au vocatif, ce qui a quelque chose de familier et que ne se permettent en dehors de lui que les démons (1,24 ; 5,7). » (Trocmé). De nouveau ce lien que je vient d’évoquer.
v. 47.48 « aie pitié de moi » … « matricie-moi » (Chouraqui) ; « matrice, matriciel » miséricorde, miséricordieux (cf. Rm 12,1)
v. 48
« viele fuhren ihn an » (Gnilka), parce qu’il est « un obstacle sur le chemin de la foi ». « Il s’agit davantage de foi que du miracle effectué … Au centre est Bartimée et sa foi. »
« Man wehrt die lästigen Rufe des Bittstellers ab. So wird dessen Glaube auf die Probe gestellt. » (Gnilka)
Au v. 49 Jésus « s’arrête », « histamaï », ainsi il « (re)institue », donne « statut » à Bartimée, fils de celui qui était « contaminé » par l’idolâtrie.
v. 51 « anablepô », ce que demande Bartimée, un changement de perspective, d’avoir une (nouvelle) perspective de vie
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« aufblicken, wieder sehen, emporblicken »
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« zum Himmel hinaufblicken » … lever le regard pour voir le ciel, « Ascension », résurrection
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« das Gesicht erlangen, sehend werden », « die Augen (wieder) öffnen »
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« hinblicken »
… je dirais : pouvoir la voir et voir la réalité telle qu’elle est, et cela dans une perspective de (nouvelle) vie, changement de perspective, voir son chemin, trouver du sens, donc orientation, c’est ça le miracle. C’est le regard sur un fait qui fait de ce fait un miracle.
v. 52
« Anstelle eines Heilungsgestus steht die Feststellung Jesu, dass der Glaube den Blinden gerettet hat. » (Gnilka)
Il s’agit donc davantage d’une « histoire de foi » (« Glaubensgeschichte »), plus qu’une « histoire de miracle », « Wundergeschichte » (Gnilka).
« (Bartimäus) hat nicht bloss das Augenlicht gewonnen, sondern auch durch seinen Glauben Zugang zu Jesus, der ihn zu retten vermag, erhalten. … Der einstige Blinde wird zum Nachfolger Jesu. Als Nachfolger ist er Jünger. Der Weg, den er mit Jesus einschlägt, ist der Weg zur Passion. » (Gnilka) …
« Au bord du chemin » (v. 46) … « sur le chemin » (v. 52)
« L’aveugle est … invité à repartir, pour reprendre une existence nouvelle. » (Trocmé). Tillich parlerait de « nouvel être », de « salut » : « Va, ta foi t’a sauvé » (v. 52).
Bartimée, par sa foi et la rencontre avec Jésus, est « (re)mis sur le chemin », chemin qu’est le Christ, Messie, « Fils de David », chemin de Passion, de croix et de résurrection (Marc 11-16).
C’est lui, Bartimée, « fils du contaminé », qui rompt le secret messianique, rend public le chemin qu’est celui du Christ.
Son histoire est passage s’inscrivant dans le passage du Galiléen de son parcours à travers sa patrie à sa destination et sa destinée, c’est-à-dire Jérusalem, la croix et la résurrection. C’est aussi le destin du disciple (que Bartimée est devenu).
« Der Bettler von Jericho ist für Markus wirklich ein Glaubender, weil er die richtige Orientierung für seinen Glauben gewann. Sie liegt im Kreuz, das man Jesu und seinen Nachfolgern bereitet (8,34). » (Gnilka)
Cette « institution » est donc rite de passage, passage à une identité qui assume la mort dans une perspective de résurrection, de vie nouvelle :
« Aie pitié de moi … Matricie-moi » (Chouraqui), fais de sorte que ce qu’est vide, le tombeau, et angoisse du vide devienne « matrice », lieu de vie (nouvelle).
L’aide apportée à celui qui souffre, – « die dem Notleidenden gewährte Hilfe ist königliche Pflicht Jesu » (Gnilka) -, est « devoir royal pour Jésus », donc devoir humain et chrétien. L’éthique comme conséquence de la foi.
Armin Kressmann 2015