Définition minimale (Robert Spaemann)
Larousse ; Dictionnaire des racines des langues européénnes
dek-, dak-, recevoir
I. Gr. dekhomai, recevoir ; dokhê, récipient
D’où lat. doga, vase
Lat. decet, il convient ; decus, -oris, décence ; décorare, orner – dignus, digne ; dignitas, dignité
Du latin :
A. fr. daintié, plaisir, friandise
Fr. décence ; décorer, décor – digne, dignité ; daigner ; dédaigner, dédain
Lalande ; Vocabulaire de la philosophie
Dignité, humaine (Principe de la)
D. Würde et mieux Menschenwürde ; E. Dignity
On désigne sous ce nom le principe moral énonçant que la personne humaine ne doit jamais être traitée seulement comme un moyen, mais comme une fin en soi ; autrement dit que l’homme ne doit jamais être employé comme moyen sans tenir compte de ce qu’il est en même temps une fin en soi (Kant. Fond. de la Métaph. des moeurs)
Dictionnaire culturel en langue française
empr. au latin dignitas « mérite », puis « estime, considération » et « honorabilité, beauté majestueuse ». Dignité a supplanté l’ancienne forme pop. deinté, issue de l’accus. latin dignitatem au sens de « bien » et « puissance, seigneurie »
I Fonction, titre ou charge qui donne à qqn. un rang éminent (… dignitaire)
II 1 Littér. Respect que mérite (une catégorie d’être, de personnes) (… grandeur, noblesse)
2 Respect de soi (… amour-propre, fierté, honneur)
Allure, comportement qui traduit ce sentiment.
Durand, Guy ; Introduction générale à la bioéthique ; Histoire, concepts et outils ; Fides, Québec 1999, p. 396ss
… les moralistes ou éthiciens sont accoutumés à distinguer ce qui a un prix et ce qui à une dignité.
Ce qui a un prix, écrit Kant, peut être aussi bien remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité. (Fondements)
Et Kant de s’appliquer longuement à expliquer que la personne a une dignité, du seul fait de son existence.
… Patrick Verspieren à distingué quatre sens principaux du mot dignité.
1. Un sens social … échelle des honneurs
2. Un sens moral … dignité est alors synonyme de moralité, de valeur morale
3. Un état de la personne … est réputé digne celui ou celle qui correspond à l’image qu’on se fait dans la société de la personne humaine …
4. Un attribut essentiel … le terme « dignité » en est venu à désigner la grandeur, et donc le droit au respect, de tout homme et de toute femme, en raison de son « humanité », c’est-à-dire de son humanitude si l’on désigne ainsi le fait d’être un humain avec ce qui caractérise un tel mode d’exister, et de son appartenance à l’ensemble de l’humanité, ensemble tissé de multiples liens. Cette « humanité » de l’individu humain est sinon justifiée du moins désignée aujourd’hui par des termes différents : « sociétaire du genre humain », « membre de la famille humaine » ou tout simplement : personne.
Dans cette perspective éthique et juridique, dignité et « humanité » sont intimement liées. ce qui affirmait en 1991 le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) français : « La dignité de l’homme tient à son humanité même. » Cela rejoint La Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU (1948) qui affirme, dans son préambule, l' »égale dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine. »
Que ce sens du mot dignité soit gardé en mémoire par tous donne une grande portée à l’emploi de termes tel que indignité ou perte de dignité. Certains ne veulent ainsi désigner que des situations humaines caractérisées par des altérations graves. Mais, recourant à la problématique de la dignité, ils contribuent, volontairement ou non, à la négation de l’humanité de ceux qui ne correspondent plus à l’image idéale que nos sociétés se de la personne humaine.
Spaemann, Robert ; Notions fondamentales de la morale ; Flammarion, Paris 1999
… y a-t-il une responsabilité de l’homme en tant qu’homme, une responsabilité qui incombe à chaque homme ? … Kant a formulé l’exigence qui s’adresse à chaque homme en disant qu’en aucune action nous ne devons nous traiter ou traiter les autres comme de simples moyens. … Ce qu’il voulait dire, c’est que nous devons nous utiliser mutuellement comme moyen que partiellement. Nous profitonsn de certaines capacités et performances d’autrui. Mais en cela nous ne méconnaissons pas le fait qu’autrui est pour sa part une fin en soi, qu’il a également le droit de prétendre à des services de la part des autres hommes. (p. 86s)
…. le caractère de fin en soi, la dignités de la personne (p. 87)
Parler de la conscience revient à parler de la dignité de l’homme. (p. 90)
… l’universel, l’objectif, l’absolu sont déjà présents dans l’individu humain : c’est pour cette raison et pour aucune autre que nous parlons de la dignité de l’homme. (p. 92)
La dignité de l’homme … réside dans le fait qu’il constitue une totalité de sens. (p. 101)
Le point décisif, c’est simplement que dans ce système personne ne soit seulement un moyen, que personne ne soit un moyen sans être en même temps aussi une fin, c’est-à-dire sans pouvoir, dans ce contexte, poursuivre également ses propres fins.
C’est pourquoi Kant disait que l’homme n’a pas un prix, mais une dignité. Car tout prix est commensurable et peut entrer dans un calcul comparatif. Nous appelons « dignité », en revanche, la qualité en raison de laquelle un être échappe à tout calcul comparatif, parce qu’il est lui-même norme de calcul. La dignité de l’homme est liée à ce qu’il est lui-même, … une totalité de sens, qu’il est lui-même déjà l’universel. (p. 112s)
« Le début, le principe de la science de la morale, écrit Hegel dans sa thèse d’habilitation, est le respect que nous devons porter au destin. » Principium scientae moralis est reverentia fato habenda. … la dignité de l’agir humain … réside dans le fait qu’il ne se contente pas de s’intégrer comme un élément partiel et inconscient dans une série événementielle plus vaste. Toute vie humaine est bien plutôt elle-même une totalité de sens. L’individu doit lui-même répondre de ses actes en un sens inconditionné. … C’est en tant que tel que l’individu doit assumer ce fait. (p. 123s)
Spaemann, Robert ; Das unsterbliche Gerücht ; Klett-Cotta, Stuttgart 2007
Religion scheint dem Gedanken einer nicht durch die Gesellschaft vermittelten, sondern von ihr vorausgesetzten Menschenwürde erst einen definitiven Inhalt zu geben. (p. 114)