Texte de Jocelyne Laurent ; Dessin Amélie Buri
Bulletin de l’Institution de Lavigny, décembre 2006
Le questionnement permanent: une tournure d’esprit
Le parcours professionnel d’Armin Kressmann peut sembler atypique, bien que lui-même le juge tout à fait cohérent. Le point commun est probablement son attrait pour la pensée philosophique. La transmission du savoir et de la foi est une autre constance de sa trajectoire.
Il passe son enfance à Berne. A Zürich, il appréhende le monde de la génétique, alors en plein essor, en étudiant la biologie moléculaire. Après quelques années de recherche fondamentale, il change de cap. Il participe en tant que scientifique à la création du musée de l’Alimentarium de Vevey. Il remarque: «de la biologie aux sciences humaines, l’alimentation permet d’accéder au monde humain à travers toutes ses dimensions».
Il porte un regard émerveillé sur ses diverses expériences professionnelles: «j’ai eu une chance extraordinaire et des possibilités inespérées. Je me suis trouvé à des endroits de créativité inouïe. J’ai fait de la biologie moléculaire à un moment où personne n’en parlait encore. C’était l’essor d’une communauté mondiale de recherche scientifique. On ne savait pas encore décrypter le génome de l’ADN». Il ajoute: «je suis profondément chercheur, joueur et expérimentateur. La biologie m’a permis de faire l’apprentissage de l’humilité. En tant que chercheur, on apprend que la réussite intervient après plusieurs expériences qui n’ont pas toutes abouti».
La question de la foi demeure cependant une préoccupation: «en arrière pensée, j’étais habité par la théologie». C’est ainsi qu’à 36 ans, il débute des études de théologie à l’Université de Lausanne. Selon lui, ces disciplines sont toutes deux des sciences de la vie, à une nuance près. La biologie est la science «du comment», alors que la théologie concerne «le pourquoi et en vue de quoi». La question de l’origine et de la destinée est au centre du débat théologique, qui considère avant tout le monde à travers l’angle de la question du sens. Pour Armin Kressmann, science et foi sont complémentaires et n’entrent pas en contradiction. Elles ne sont que deux facettes d’une même réalité, comportant différents angles. Il faut veiller seulement à ne pas confondre ces deux dimensions. Chacune est un regard porté sur la réalité.
Son mémoire de fin d’études en théologie a déjà un lien avec le monde du handicap. Composé de deux parties -la symbolique de la Sainte Cène et le statut particulier du handicap mental- il est notamment le reflet d’une démarche intellectuelle récurrente chez Armin Kressmann: la remise en question de certaines notions communément admises. En l’occurrence, le handicap. Lorsque l’on côtoie le monde du handicap, on est parfois confronté à un raisonnement qui n’est pas toujours similaire au nôtre. Armin Kressmann s’interroge. Ce type de raisonnement est-il déraison, folie ou est-ce une autre raison, répondant à une autre logique? Selon lui, ce débat est fondamental dès lors que l’on côtoie le monde du handicap. Pour l’aumônier, la réponse est évidente. Il s’agit d’un autre registre de raison, que l’on doit tenter de comprendre. Il estime même que la découverte du sens propre à cette autre raison peut constituer un apport pour l’ensemble de la société.
De même, il s’interroge sur la notion d’intégration. S’agit-il d’intégrer la personne en situation de handicap à la société ou d’effectuer le mouvement contraire? S’agit-il d’en faire des personnes dites normales? Qu’est-ce qui est normal et où est l’exception? Il a plutôt tendance à penser que l’univers du handicap comporte le normal et non le contraire.
Alors, quand il s’agit concrètement de faire se rencontrer ces deux mondes, Armin Kressmann prône une nouvelle voie commune, en forme d’utopie, mais une utopie à réaliser. Il est d’avis que les personnes handicapées trouvent leur propre rôle dans la société, plutôt que de chercher à entrer dans les rôles établis par celle-ci. Selon lui, il y a un rôle et une place pour tous.
Il partage son temps professionnel entre deux activités. Aumônier protestant à 50 % au sein de l’Institution depuis 2003, il a aussi un poste en lien avec la jeunesse, puisqu’il coordonne le réseau cantonal des catéchumènes et des jeunes de l’Eglise protestante vaudoise.
Ces deux missions sont l’occasion de réaliser un objectif qui lui tient à cœur: créer des ponts entre l’Institution et la région.
Il prône l’ouverture du monde du handicap vers l’extérieur, mais en effectuant une démarche qui soit en quelque sorte une intégration à l’envers.
Il souhaite favoriser le contact entre ces 2 mondes, en associant les gens de l’extérieur à la vie de l’Institution, à l’image des activités de l’Avent ou des rencontres régulières avec les jeunes catéchumènes de la région.
Le handicap a pour lui une dimension personnelle, puisqu’il a une fille handicapée de 28 ans. Mais il déclare: «ce monde me fascine en lui-même. Il est plus vaste que le monde dit normal. La normalité est une exception et j’ai eu l’occasion de le constater en tant que scientifique. C’est la diversité et la richesse qui en résulte qui constitue la règle».
Croyant ou non, Armin Kressmann se fera un plaisir de se lancer dans des joutes philosophiques avec vous…
Bonjour Armin,
C’est un honneur de voir mon clown, là, sur votre blog. Et je crois qu’il s’y sent bien…
Merci
Aurélien
Le portrait de Charly, tel qu’il figure sur l’entête, est l’œuvre d’Aurélien (AK)
Depuis un moment, le clown d’Aurélien a émigré … vers l’autreCharly