« ReSpirE – Spir » : spiritualité, un langage qui devient message (définition)

Spiritualité et spiritualités

Dans mon article « ReSpirE – grammaires éthiques, spirituelles, religieuses » je définis trois niveaux de ce qu’on peut appeler « spiritualité » :

  1. Spiritualité comme quatrième dimension dans un modèle bio-psycho-socio-spirituel
  2. Spiritualité comme esprit ou âme, donc culture d’une organisation ou institution
  3. Spiritualité comme orientation, nommant origines et finalités, donc l’ultime, le sens et la motivation

Expliquons-nous :

  1. La spiritualité comme une des quatre dimensions d’un modèle bio-psycho-socio-spirituel de la vie humaine, avec ce qui compose cette dimension de la vie : ses aspects religieuses, artistiques et éthiques. Dans une approche par « grammaire spirituelle » on parlerait ici de lettres, de mots et de phrases, d’un vocabulaire, de l’orthographe et d’une syntaxe.

Ce sont les objets, les textes et les faits, ce qui est « littéralement » donné et manifeste, la parole au premier degré, les pratiques, les rites, la musique, les chants, les jeux, les actes. C’est ce qui se perçoit immédiatement dans une organisation ou une institution, dans le quotidien ou lors d’un événement particulier, ce qui se perçoit sans connaissance préalable. Quand on le voit ainsi, à l’état brut, même la distinction entre ce qui est acte pratique, artistique ou religieux n’est pas possible. Quand on lave, quand on mange, quand boit, quand on se regarde, quand on se parle, on ne saura si c’est pour nettoyer, nourrir, soigner, surveiller et suivre ou pour autre chose, se faire un plaisir, un rite religieux ou une expression artistique, un sport ou un « happening ». C’est ici aussi où les actes du quotidien pourraient et devraient comporter et véhiculer une certaine attitude, donc finalement une dimension spirituelle, exprimant que ce qui est nature est plus que nature et renvoie à une certaine culture. Cela nous amène aux autres niveaux de ce que j’appelle la spiritualité, ce qui est méta ou hyper[1] (ou hypo).

  1. Le jeu qui se joue, – à partir et avec les objets, les textes et les faits, pris au premier degré -, exprime au deuxième degré un ensemble qui donne sens au jeu, l’esprit ou l’âme d’une organisation ou d’une institution, son identité, sa culture et ses valeurs, tout ce qui transcende le premier degré. C’est l’enveloppe, dont les éléments du bio-psycho-socio-spirituel sont porteurs de sens et de transcendance ; ces derniers deviennent ainsi symboles, dans le sens fort du terme, signifiants visant un signifié qui englobe, rassemble et vise au-delà du premier degré, vers autre chose, une réalité qui donne sens à l’état brut des objets, des textes et des faits qui, souvent, en tant que tels s’imposent comme obstacles et provoquent des résistances (handicapent[2] ). C’est l’esprit de la lettre au-delà de la lettre, ce qui se joue et se dit entre les lignes, sans être dit d’une manière explicite. C’est le spirituel par excellence, dans son sens le plus propre, le souffle, l’air et l’atmosphère, en ce sens aussi insaisissable et indéfinissable en tant que tel. Pour être cerné, il doit pointer quelque chose : le sens dans le sens d’orientation.
  1. Orientation veut dire savoir d’où on vient et vers quoi on va. Pour avoir une orientation, il faut nommer les origines, les visées et les finalités de ce qu’on fait, les motivations de son agir, de ses actes et de ses actions. Et l’éthique, les chartes et les procédures ne suffisent pas ; elles ne donnent que les règles du jeu, mais ne fournissent pas du sens.

Le sens est transcendantal :

ou bien on ne sait pas pourquoi on fait ce qu’on fait, et c’est le matériel, donc le premier degré, qui mène le jeu, – l’argent et les finances pour être clair -,

ou bien on dé-couvre les motivations, pas seulement historiquement, factuelles, mais aussi au niveau des « mythes fondateurs »[3]. On est donc dans le « religieux », soit-il proprement religieux ou séculier, conscient ou inconscient. Cela donne peut-être une assise, aussi un sens communautaire, – une même filiation, sous condition que tout le monde la connaisse et s’y retrouve -, mais le « flou spirituel » persiste, notamment là où la « laïcité » est érigée en dogme et nouvelle religion[4]. Donc : savoir d’où je viens ne suffit pas pour savoir vers où je vais ; sauf si l’origine n’est pas seulement mythologique, mais aussi « logique », habitée par une parole porteuse dans le présent et nourrissant pour l’avenir : « viaticum »[5].

Reste finalement la question :

Vers quoi tendons-nous ? Qu’est l’ultime auquel nous aspirons ? Quel est le dieu que nous voulons servir ? Quel est notre Orient, en avons-nous encore ?

En résumé spiritualité en résumé :

  • L’art pour le bonheur et le plaisir[6]
  • L’éthique pour les procédures, la déontologie et l’art du métier (ou de vivre[7])
  • Et la religion pour le sens, la motivation et la finalité

Armin Kressmann 2012


[1] D’un autre ordre, « métaphysique » ou « hyper- » ou « hypo-textuel », ce qui relit l’ensemble du premier ordre sous un autre angle, avec d’autres a priori. Les réinterprétations de textes même à l’intérieur de textes comme la bible est ce que Jean Zumstein appelle « l’hypertextualité » :

« … un rapport entre deux textes où l’hypotexte (= source) n’est pas repris comme tel, mais de façon modifiée et distanciée. » (L’Évangile selon saint Jean ; Labor et Fides, Genève 2007, p. 97)

[2] Ne pensons qu’aux soins indispensables qui sont désagréables et qu’il faut souvent imposer.

[3] Les narrations et légendes tournant autour de ce qui s’est passé lors des origines d’une organisation ou institution, ce qui se transmet par exemple par rapport à Charles Subilia et l’Institution de Lavigny ou Julie Hofmann et Eben-Hézer ou la Fondation John Bost qui porte encore le nom de son fondateur.

[4] Conséquence dans ce cas-là est que le premier degré s’impose comme finalité, le matériel, argent et finances, les procédures, une démarche « qualité » en tant que telle dans une « logique hygiéniste et sécuritaire ».

[5] L’argent de voyage (!) ; donc : rien contre l’argent, mais comme moyen et non pas comme finalité ; l’argent est là pour être dépensé et non pas accumulé ; pour quoi dépensé, pour qui ?

[6] Le plaisir du jeu ; non pas l’art pour l’art, mais l’art du jeu, sa beauté, sa justesse

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