Matthieu 3,1-12(13) – « Se tourner vers le règne de Dieu » ou « Le baptême qui dépasse le baptême » (notes exégétiques et homilétiques ; commentaire)

(avec la TOB (Traduction œcuménique de la Bible) ; André Chouraqui ; Matyah, Evangile selon Luc ; JClattès, 1992)

Matthieu 3,1-12, le texte (TOB)

Lecture et prédication v. 1-6 et 11-13

Baptême v. 13-17

Introduction du récit de la vie publique de Jésus :

  • Prédication de Jean 3,1-12
  • Baptême de Jésus 3,13-17
  • Tentation de Jésus 4,1-11

v.1 Jean, « Iohanân », « Dieu (Yah) a fait grâce »

« Baptiste » – l’immergeur ou le baptiseur

Le baptême comme « purification de toute contamination entravant le ‘communio in sacris’, préparation à la venue du Roi Messie dont chacun attendait l’ultime libération. »

La visée de cette advenue annoncée est donc la libération, individuelle et collective : qu’est-ce que c’est d’être libre ? Politiquement et spirituellement, et l’un et l’autre ou l’un ou l’autre ? La conversion comme soumission qui fait sujet, une hétéronomie qui rend autonome, autonomie dont le « nomos » (ici l’institution qu’est le baptême), la loi, la règle rend libre, libre de tout, aussi du « nomos »1. Ce ne peut être que l’amour. Ce qui est annoncé majestueusement et avec solennité entre par la suite discrètement ; il se soumet au même « nomos », les mêmes règles, en demandant le même traitement (humain), le même baptême. Le baptême qu’administre le baptiseur au Christ est un baptême universel ; il dépasse ce qu’est le baptême chrétien tel que Matthieu le promeut à la fin de son évangile (« au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », Mt 28,19)2.

Dans le désert, en retrait ; aussi le désert de loi, un lieu où règne une autre loi que la loi positive instituée. Mais c’est ici que le baptiste appelle à la conversion vers celui qui rend caduque la loi, ce qu’il signifie par l’exigence de la soumission à cette loi à travers le baptême. En découle la nécessité d’une réflexion sur le baptême des enfants et des adultes, le premier étant un baptême sans loi, seulement possible en Christ (Dieu lui-même !) ayant déjà rendu caduque la loi, le second par le même passage symbolique que celui qu’a aussi pris ce même Christ. On pourrait maintenant argumenter dans les deux sens, en insistant sur le baptême des adultes en disant que ce n’est qu’à travers la soumission que l’accès au sujet croyant n’est possible ou, au contraire, défendre le baptême des enfants en disant que tout baptême cherchant une nouvelle soumission, donc ce qu’on attendrait du baptême des adultes, ne viserait rien d’autre que la reproduction du sacrifice, la soumission, déjà accompli par le Christ. Dans cette deuxième vision, tout baptême, aussi celui des adultes, ne serait que baptême d’enfant, vision soutenue par l’exigence de « devenir comme les enfants » (Mt 18,3 où d’ailleurs il y a aussi l’invitation forte de « changer »). La vraie conversion ne serait donc pas celle qui se tourne vers le Christ adulte, mais celle qui se tourne vers cet enfant en nous-mêmes qui se remet entièrement au Christ, une confiance en nous-mêmes, non pas en notre autonomie, mais la pleine conscience de notre hétéronomie, notre (inter)dépendance de l’autre. Cette perspective est soutenue par la construction de cette partie de l’évangile, l’appel par Jean, le baptême de Jésus et les tentations. Ces dernières rendent explicite la tentation à laquelle est exposé le sujet autonome rendu libre par la soumission au baptême et qui se croit maintenant adulte (dans la foi).

« proclamer » – « grec « kèryssein », qui a donné « kérygme », proclamation de l’évangile du règne de Dieu ou des cieux ; « il crie dans le désert » (Chourqui) : « annonce de la parole libératrice »

v. 2 « convertissez-vous »

Changement de direction, « retour inconditionnel au Dieu de l’alliance » (cf. aussi plus haut) ; « faites retour … à Adonaï et sa Tora … condition de la libération … et de la venue du Royaume des cieux, qui libérera de toutes les injustices et de toutes les tyrannies de ce monde » (Chouraqui). En vue de ce que j’ai développé plus haut, je remets en question cette perspective qui interpose toujours le sujet adulte entre nous et Dieu (et sa grâce) comme condition de libération3. Il n’y a pas de condition autre que de se recevoir soi-même (enfant) interdépendant des autres, donc en se soumettant, – sans devoir se soumettre, parce ce que c’est une catégorie inappropriée à la vie et le vécu des enfants ; on ne se soumet pas à la confiance, on a confiance ou on n’en a pas -, à la loi des autres (ici le baptême).

Conversion authentifiée par des actes cf. 3,8

Règne des cieux (ou de Dieu). Celui qui est aux cieux, donc loin de tout, règne sur le monde. Ce règne de toujours s’approche des hommes dans la personne de Jésus ; il est devenu proche ou/et présent :

    • réalisé
    • inauguré
    • bientôt manifesté

Le baptême comme rite d’incorporation à la « communauté messianique » (Chouraqui) fondée par Jésus.

Qu’est-ce la communauté messianique ? L’Église universelle ? Ou institutionnelle ? Autre chose ?

v. 4 Costume classique des prophètes

v. 6 « baptiser », le baptême, qui n’est reçue qu’une fois, est offert à tous.

« confesser ses péchés », retour à Dieu en vue d’obtenir le pardon.

v. 8 La vraie justice se reconnaît à ses fruits, dont le mûrissement est annonciateur du royaume des cieux.

TOB : « Produisez donc un fruit qui témoigne de votre conversion », « un fruit digne de votre conversion »

Chouraqui : « Faites donc un fruit qui vaille pour le retour. »

Un fruit, au singulier ! Toute la conduite de l’homme.

v. 11 « dans », le « be » hébraïque n’a pas nécessairement un sens locatif, mais peut avoir une valeur instrumentale : « par l’eau, par l’Esprit »

« le fort », qualification qui caractérise Dieu dans l’Ancien Testament et, du temps de Jésus, le Messie attendu.

« ôter ses sandales » est un geste caractéristique de l’esclave.

Le feu symbolise l’action de Dieu qui purifie : la colère de Dieu et l’Esprit Saint qui épure comme le feu.

v. 12 La moisson est l’image du jugement dernier de la fin des temps.

v. 13 « Noter le contraste entre la prédication de Iohanân annonçant l’apparition d’un juge eschatologique, et l’humble arrivée de Iéshoua’ qui se glisse pour être immergé dans le Jourdain comme un homme anonyme. » (Chouraqui)

Cri- Proclamation :

    • Conversion
    • Règne ou royaume des cieux
    • « feu » et flammes
    • Fruit

… et l’entrée discrète : Élie ! (1 Rois 19)

Armin Kressmann 2013

 

1Se pose évidemment la question si le « nomos », ici le baptême, est encore nécessaire. Non pas en tant que tel, mais comme lieu événementiel où l’acte de soumission a symboliquement lieu. Jésus lui-même s’y soumet ; il brise ainsi le « nomos », dès le début de son ministère, ce qui s’accomplit sur la croix. La soumission à la loi pour la rendre caduque ! Ce n’est donc pas la loi qui rend libre, mais l’acte de la soumission, la « kénose », le dépouillement.

2Cet enjeu est important : devons-nous reconnaître tout baptême au nom du Dieu Un (p. ex. aussi celui administré par les Témoins de Jéhovah) ou seulement le « baptême chrétien », prononcé au nom de la trinité ?

3Et, en conséquence, l’institution qui gère ou édite la loi, le « nomos », donc l’Église et sa dogmatique.

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