Dimanche 27 octobre 2019 ; Siracide 35, 15b-17.20-22a ; 2 Timothée 4, 6-8.16-18 ; Psaume 32, 2-3, 16.18, 19.23
Ezéchiel 33,13
Luc 18,1-8 ; La condition humaine et l’éthique ou la déontologie chrétienne (ou divine)
Luc 18,9-14 Comment se mettre devant Dieu et les autres, comment danser avec eux et avec Dieu ? De la justice et du péché ; exégèse 2016
Luc 18,1-8 Le silence du juge … de Dieu … la persévérance du croyant ; rappel à Dieu d’être Dieu
Luc 18,9-14 Le risque qui guette le croyant : se prendre plus fidèle que Dieu
Luc 18,15-17 La posture devant Dieu, – et les autres -, à prendre, celle des enfants
Voici la question fondamentale :
« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (18,8)
Quelle attitude, quelle posture prendre devant Dieu et les hommes ?
Les trois textes (péricopes) sont indissociables. Ils illustrent la posture à prendre devant Dieu, « Juge et Père » : foi ou morale ? Le passage que l’adulte, conscient de sa faillibilité (18,13), devrait prendre pour devenir « comme un enfant » (18,16), confiant que le « Père » le justifiera. Ne pas redevenir enfant, mais devenir comme un enfant, attention. C’est la foi qui sauve, et non pas la morale1 (18,14).
Il s’agit du vieux enjeux entre Évangile et Loi, et, par rapport à la Loi, entre loi instituée, le « juge », « étatique » dirions-nous aujourd’hui, « droit public », « État de droit », d’un côté, et la loi morale ou éthique de l’autre côté.
L’une, la loi, est publique, « tu dois », sinon sanction pénale ou civile il y a, l’autre privée, de l’ordre de l’appropriation personnelle ou communautaire, « tu devrais ». Il y a distinction entre ce qu’en allemand on dit par « müssen », personne n’y échappe (en État de droit), et « sollen », avec une marge de liberté. Pour le second, on pourrait aussi parler de déontologie, personnelle ou collective.
Le premier texte (Luc 18,1-8) traite du droit public ; finalement le juge applique la loi ; il faut seulement y insister.
Le deuxième texte (Luc 18,9-14) traite la foi qui inspire la morale. Le Pharisien se justifie par sa morale. Il se sanctionne lui-même, il parle à lui-même, il reste sur place, le texte l’oublie finalement. Le péager, collecteur d’impôts, – par ailleurs ayant une fonction publique, comme le juge, inique lui aussi, cependant pas pour des raisons personnelles, comme le juge, mais par sa fonction elle-même, induite par une « iniquité légale », imposée par le pouvoir -, prend distance, ou mieux, respecte la distance par rapport à l’instance qui l’inspire, Dieu, l’auteur de cet Évangile qui inspire son action. Il prend distance par rapport à lui-même, là où par rapport à la légalité il n’en aurait aucune obligation. Il devient ce que le troisième texte propose comme attitude à prendre pour entrer dans le royaume de Dieu, là où ne règne que l’Évangile : c’est l’autre qui m’inspire, c’est l’autre qui inspire mon action ; je suis entièrement tourné vers et mu par autrui, dont le tout-autre est la figure ultime. Celui-ci, pour que je ne sois pas trompé, instrumentalisé, manipulé, doit incarner l’Évangile, c’est-à-dire lui aussi, et d’abord, être tourné vers ce qui pour lui constitue l’altérité, c’est-à-dire l’humain, finalement moi-même. Il le fait, selon notre foi, en ce Jésus de Nazareth qui parle ici.
Ce lâcher prise, cette disponibilité plénière, cette dépendance, c’est l’enfant, les bébés du troisième texte (Luc 18,15-17), qui l’incarne. Cependant, pour l’adulte qui devient comme lui, c’est un chemin conscient à choisir, c’est presque un acte de volonté, mais une volonté qui ne peut se transformer en acte seulement par la repentance que le collecteur fait dans la deuxième péricope. Devant Dieu « il devient veuve », abandonné, « bébé », il doit se remettre entièrement à Dieu ; mais maintenant avec l’insistance, c’est-à-dire la volonté, de la veuve du premier texte.
Il y a donc toute une chorégraphie, une danse comme je l’ai indiqué dans mon commentaire précédant.
La foi devrait nous inspirer à danser avec Dieu, – Cantique des Cantiques ! donc « érotique »-, et les uns avec les autres, où nous tous et toutes nous remettons à Dieu, qui lui nous guide dans cette danse qui s’appelle « agir selon l’Évangile », dont les pas sont définis par cette loi inspirée par l’Évangile qui s’appelle la morale (ou l’éthique). Mais ce n’est pas la loi qui nous fait danser, mais l’Esprit de Dieu, l’esprit qui inspire la danse.
Armin Kressmann 2019
1D’une actualité brûlante où les « marches pour tous » et les « marches pour la vie » enflamment les débats politiques notamment en France.