Assistance au suicide : une situation – conflits et enjeux éthiques

– Que se passe-t-il dans une institution qui a la particularité d’avoir en son sein un secteur hospitalier et un secteur d’hébergement, c’est-à-dire un lieu de vie ? Faudrait-il une même « philosophie » ou différencier les secteurs ?

Dans une vision commune, je plaide pour le respect de la spécificité de chaque secteur. L’hôpital est un lieu de passage pour des personnes vivant ailleurs qui se trouvent en situation de crise de santé plus ou moins aiguë. Le secteur socio-éducatif constitue le domicile pour les personnes qui y résident.

– La situation particulière d’une institution qui, à part l’hôpital, héberge aussi des personnes avec une déficience mentale impose une prudence toute particulière. Il faut absolument éviter que ce qui se passe à l’hôpital ait des retombées symboliques négatives sur le secteur hébergement (imaginaire « eugénique »). Cet aspect parle pour la position qui veut que l’assistance au suicide ne se fasse pas à l’hôpital même. Par contre, un accompagnement d’un patient chez lui à son domicile me semble envisageable, sans que le personnel de l’institution soit directement impliqué dans les actes de « l’assistance ». Tenons aussi compte de la charge symbolique qui s’exerce sur ce dernier ; il faut l’accompagnons. Chacun, chacune doit rester libre et être respecté par les autres dans sa décision d’être associé aux derniers instants. Cela implique que les uns connaissent la position des autres, sans la juger.

– Face à l’autonomie du patient, évoquée dans la position du Conseil d’Etat vaudois (cf. document de l’AVDEMS 2002) : à mon avis, elle ne peut pas être invoquée en faveur du suicide, du fait déjà que la suppression du sujet de l’autonomie anéantit cette même autonomie. L’autonomie, – se donner sa propre loi, mais une loi en principe universellement valable (cf. Impératif catégorique de Kant) -, est un mauvais argument en faveur de la liberté de se prendre la vie. L’argument de la libre volonté du patient est en conséquence plus fragile qu’on pense souvent. Ce sont sa souffrance et sa dépendance qui prennent de l’importance ; elles sont à mettre en rapport avec son droit à l’autodétermination (que nous voulons tous respecter ; dans la mesure de nos possibilités bien sûr). Il faut toujours entendre la souffrance ; elle nous implique davantage et nous rend coresponsables des décisions prises. Nous ne pouvons plus nous réfugier derrière la seule volonté du patient « capable de discernement ».

Qu’en est-il dans le cas esquissé auparavant ? Le patient, est-il encore en mesure d’exercer son autodétermination ? Avec son « Parkinson « et son « Alzheimer », est-il « capable de discernement » ? Et si oui, – la réponse appartient aux médecins -, est-il encore en mesure de passer à l’acte par ses propres moyens ? Que se fait-il pour des personnes qui intellectuellement et mentalement sont capables de prendre des décisions qu’elles ne peuvent plus mettre en acte physiquement ?

Et son raisonnement, est-il recevable éthiquement ? De ne plus pouvoir rester avec sa famille, est-ce raison suffisante pour lui donner assistance à son suicide ? Quelle est la part de la souffrance physique, psychique et morale ? Ou, autrement, est-ce que souffrance morale et souffrance physique s’équivalent ?

– Je reviens au double caractère de notre institution, hôpital et lieu de vie : les résidents sont très dépendants et souvent aussi très souffrants. En conséquence, pour eux et pour le personnel, – ce dernier intervient parfois dans les deux lieux -, la charge symbolique s’alourdit encore. Il est confronté à un patient qui demande « l’euthanasie » tout en étant objectivement beaucoup moins atteint dans sa santé que son « voisin » résident.

– Dans le même sens, n’oublions pas les proches. Pour eux, qu’est-ce que cela représente d’avoir un membre de leur famille dans une institution où on « pratique » l’assistance au suicide par rapport à des personnes « moins atteintes » que leur proche ? Auraient-ils la possibilité de demander la même pratique pour celui-ci, pour celle-ci ? Et quelles seraient les conséquences pour la mission de la fondation ?

Après avoir donné ces quelques réflexions et « réserves » lors d’un colloque, je me suis exprimé en tant que membre de l’institution en disant :

En principe et d’un point de vue général, les recommandations de l’AVDEMS me semblent aussi adaptées au secteur hospitalier comme celui de l’Institution de Lavigny :

AVDEMS 2002

AVDEMS 2004

Armin Kressmann 2004

« Assistance au suicide 1 : une situation

Assistance au suicide 3 : une définition »

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