Publier sur « facebook » : quelle règle de conduite ?

Pour le protestant que je suis (que j’espère être), c’est la parole qui fait Église, Parole parfois majuscule, parfois minuscule, église minuscule, parfois majuscule. C’est la parole qui fait communauté, Parole reçue, parole rendue. La communauté est l’écho de la parole, Église quand c’est l’écho de la Parole (« katéchéô »[1]).

Maintenant, « facebook », pour moi, ou plutôt l’Internet dans son ensemble, n’est rien d’autre qu’un autre support pour la parole, comme les tessons il y a longtemps, les papyrus, les parchemins d’autrefois, le papier et les livres jusqu’à nos jours. De quoi s’énerver, de quoi s’enthousiasmer. Rien ne change, sinon l’accès à la parole, et par là, peut-être, la tentation d’être un petit peu plus bavard.

En conséquence, écrire sur « facebook » est exégèse et herméneutique, un va-et-vient (« vas-et-viens ») entre la vie et son interprétation, celle-ci[2] vie nouvelle pour moi si tout va bien dans mon exégèse et mon herméneutique à moi ; pour le chrétien, devant Dieu, en Jésus Christ, ou, pour rester protestant, devant sa Parole, ou, pour être opérationnel et vraiment protestant, sa Parole déjà interprétée : la bible. Rien de nouveau sous le ciel, sauf, peut-être, l’accès à la parole.

Publier sur « facebook », ou l’Internet en général, se fait donc comme prise de parole en public, le dimanche en chaire, la semaine en séance, en colloque, dans le journal, devant et dans un groupe ou une assemblée. Et ce qui me fait ami ou non, ou église, n’est pas « facebook », mais le fait que parole soit reçue et rendue, proclamée et réalisée. Ce n’est parce que nous sommes amis que nous sommes amis, mais il se pourrait aussi que nous soyons amis, avec ou sans « facebook », selon notre fidélité à la parole, parfois minuscule, parfois majuscule.

Ainsi « facebook » peut former communauté et église, ou ne pas le faire, comme le livre qui se trouve dans ma bibliothèque, lu ou pas lu, compris et traduit, bien ou mal, ou pas du tout. Et je peux être en Église grâce à « facebook » (comme moyen, et non pas principe, cause ou finalité), comme je peux ne pas être en Église quand, le dimanche, je vais à l’église.

Publier sur « facebook » est ainsi soumis aux même règles de conduite que parler en public, restreint ou vraiment public. Rien ne change, sinon l’accès du public à ma parole. Et les règles qui devraient gouverner mon attitude sont les mêmes que celles de la vie, tout court, devant Dieu, avec lui et parfois sans lui, loin de lui ou proche de lui. Et parfois j’espère que mon Dieu reste dans son ciel et ne lit pas ce que j’écris ; et s’il le fait, quand même, qu’il fasse la sourde oreille ou m’accorde, encore une fois, sa grâce, comme un père, un bon père le fait. Eh oui, j’aimerais bien qu’il n’entende que ce que je veuille qu’il entende. Mais c’est la même chose avec ma femme, ou mon fils ou ma fille, ou avec vous, cherEs amiEs dont j’ai le « visage » sur mon « livre » ou « journal ».

L’éducation en matière d’utilisation de « facebook » devrait ainsi conduire à ce point où l’adulte est adulte[3] et peut rendre public son « profile », d’une manière profilée, « professionnelle »[4] et adulte[5].

Savoir jouer avec soi-même, mais pas avec l’autre, mais soi-même comme autre et soi-même dans l’autre, sans blesser l’autre dans son altérité, est être adulte, soit-il sur « facebook » ou dans la vie, la « réelle », comme certains pensent et disent. Au service de la vie.

Armin Kressmann 2012


[1] C’est ça la catéchèse, et non pas un moyen pour faire de nouveaux membres d’Église, mais des personnes qui ré-fléchissent sur leur vie.

[2] Oui, l’interprétation comme vie nouvelle, celle-ci, la vie nouvelle, de nouveau interprétation, et ainsi de suite.

[3] Être adulte n’est pas seulement être adulte, au premier degré, mais aussi, et surtout, au deuxième degré (méta) avoir une vision et attitude adultes de ce que c’est d’être adulte. Education, enseignement et catéchèse se retrouvent ici.

[4] En professant avec professionnalisme ce qu’il pense et croit.

[5] C’est le propre de l’enfant, et voulu par « facebook », de confondre son « profile facebook », ses photos, liens et commentaires, avec ce qu’il « est ». C’est aussi un aspect, douloureux, de ce que nous appelons le handicap mental : vouloir être « comme si … » sans se rendre compte que nous faisons tous « comme si … », ou semblant, même sans hypocrisie.

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