Cette humanité qui nous précède …

Il y a des raisons philosophiques et théologiques pour défendre l’humanité de tout humain, voire la personnalité de tout humain[1] (Spaemann ; Zzizek). Elles sont notamment liées à la question du fondement. Si humanité et personnalité de tout humain ne sont pas données a priori, il faut les justifier. Toute justification a besoin de critères. Ceux-ci sont soumis à discussion, varient dans le temps, selon les écoles de pensée et d’un contexte à l’autre, sont exposés à des pressions de pouvoir, peuvent être instrumentalisés et manipulés. La contestation de l’humanité et de la personnalité d’un humain fragilise toute humanité et ouvre la porte à l’ambiguïté et à l’abus. En fin de compte mon humanité est mise en question.

Je pars de l’axiome que l’humanité est donnée, qu’elle ne se justifie pas, mais qu’elle est appelée à s’épanouir vers une plénitude individuelle et personnelle dans un contexte donné favorable qui la promeut et la soutient. Je parle de potentialité et de « capabilité », et non pas de déficit. Théologiquement je parle de foi et de justification par grâce. L’humanité ne se prouve pas mais s’affirme et se confirme. Elle s’atteste ; elle est attestée par l’affection et l’amour d’abord, – comme la personnalité avant la naissance même, ce qui pose quelques dilemmes éthiques bien connus -, par la loi et l’institution ensuite, par l’acte humaniste et humanitaire, au-delà de la loi et du devoir, la solidarité morale enfin.

En conséquence, le phénomène du handicap n’est pas d’abord un problème personnel du « handicapé », mais une phénomène social et moral global. Il s’agit d’appartenance, d’appartenance à un corps, corps social, culturel ou spirituel (religieux). Si d’autres justifications il n’y avait pas, il y aurait toujours fraternité en l’humanité. Théologiquement c’est la question de la vie en Dieu, de participation au et de place dans le corps du Christ[2].

Armin Kressmann 2010


[1] cf. notamment R. Spaemann, Personen, Versuche über den Unterschied zwischen „etwas“ und „jemand“, Klett-Cotta Suttgart 1996

[2] « Die Sache Gottes und die Sache Christi »

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