Voilà ce qui arrive au théologien quand il se retrouve à l’hôpital, « hors ses murs », et a le temps pour regarder, écouter, réfléchir et prier, jour et nuit. Bonne nuit, et que Dieu vous bénisse. Je veille sur vous.
Il y a des temps où l’heure n’avance pas.
Chronos qui nous écrase et kaïrois qui nous sauve ou nous condamne.
« La science remplace l’étonnement par le sentiment d’avoir compris. Elle remplace l’émerveillement par un ‘bien sûr' » (Rola Younes suite à Wittgenstein)
« Nous devons jeter l’échelle après y être monté. » Wittgenstein pour la philosophie; encore plus vrai pour la théologie, me semble-t-il.
La théologie ne sert pas à comprendre Dieu ou sa parole, mais à clarifier l’impossibilité de les comprendre.
Théologie et philosophie délimitent la science. Elle la mettent à sa place. Rien d’autre que ça, mais c’est déjà énorme.
La théologie, celle qui comprend qu’elle ne peut comprendre Dieu, donc celle aussi qui mérite son nom, n’est pas une science.
Et si Dieu nous avait donné sa réponse à nos questions, avant même que les ayons posées ? Il nous faudrait que la découvrir…
L’hébreu montre, le grec dit.
Qu’est-ce l’angoisse, quand l’angoisse de ne pas recevoir les médicaments contre l’angoisse est plus grande que l’angoisse elle-même ? Les médicaments une fois reçus, il n’était plus angoissé, avant même de les avoir avalés.
Mes réactions, disait la doctoresse, « je dirais qu’elles ne sont pas volontaires ». Sont-elles donc volontaires ?
Il joue avec les boutons de sa chemise et moi avec les poils de ma barbe. L’autre est un miroir.
Attention, cherEs amiEs, ne confondez pas nature et création, sinon Dieu, dans son plan de création, cautionne tout ce qui est nature, avec toutes les conséquences. Comment dire à des parents qui se trouvent p.ex. devant un nouveau né avec spina bifida que Dieu, dans sa bonté infinie, l’a voulu ainsi. Nature est fait, c’est ainsi, création est parole. Dieu, que nous dit-il, dans une situation donné, devant les faits, la nature, telle qu’elle est ? Le salut est inscrit dans la création, mais pas dans la nature. Celle-ci, au départ, pour notre famille, est tohu-bohu. L’homosexualité est un fait, nature, c’est ainsi, comme l’heterosexualité, c’est plus basique, élémentaire et lapidaire que vouloir la justifier ou rejeter avec des arguments théologiques. Le débat est clos avant que commence la théologie.
Il n’a pas encore passé la porte et son lit est déjà nettoyé.
« Je dois pisser » disait ma voisine à l’infirmier en arrivant à l’hôpital où je me suis retrouvé avec elle. Pour elle son exclamation n’avait rien de vulgaire. C’était vital. Que dirions-nous pour rejoindre sa préoccupation ? Aller aux toilettes ? Elle ne pouvait pas y aller. Uriner ? Est-ce mieux ? Faire pipi ? C’est ce que je dis à mes petits-enfants. Nous avons aussi parlé de Dieu. Voilà le problème quand c’est existentiel. Et ne me dites pas que c’est toute autre chose, surtout pas à l’hôpital. J’aurais été béni si j’avais pu pisser… Seigneur, mon Dieu, Père, laisse-moi… De quoi te plains-tu ? m’a-t-il répondu, du fait que j’étais bon pour elle ?
Presque une heure dans cette terrible machine qui te renvoie à toi-même et qui te montre pourquoi tu ne peux plus te tenir debout.
Il y a des bruits qui sont silence, comme il y a des silences qui crient.
Il est dans la maison, mais pas encore dans ta chambre. Arrivera le moment où il sera dans ta chambre, mais pas encore dans ton lit. Et arrivera le moment où il entrera dans ton lit et vous en sortirez ensemble. Qui suis-je ? Ne le dites pas.
Est-il mâle ou femelle ?
Homme chez moi, femme chez vous. Bizarre.
Il y a des mondes qui tournent 24 heures sur 24. Et vous dormez ?
Combien sur 10 ?
Ils te demandent « ça va ? », pourtant ils savent que ça ne va pas. Ils ne peuvent pas autrement.
Ça va ?
Dieu m’a sondé.
Il pleut, semble-t-il. Le ciel pleure.
Chez moi, elle aussi est mâle.
Armin Kressmann 2019