Eglise évangélique réformée (EERV) – Rite de bénédiction des couples homosexuels

J’aime mon Eglise non parce qu’elle aime la modernité, mais parce qu’elle aime tout être humain, quel qu’il soit, quoi qu’il fasse, quoi qu’il croit, non pas parce qu’il fait ce qu’il fait, parce qu’il croit ce qu’il croit, mais parce qu’il est ce qu’il est : un être aimé de Dieu. J’aime mon Eglise parce qu’elle n’aime pas seulement les croyants et les bons chrétiens, mais aussi ceux et celles qui ne se reconnaissent pas en ce qu’elle croit. Elle va plus loin : elle reconnaît que les autres pourraient avoir raison ; cela fait partie de sa foi, c’est sa force et sa faiblesse. L’amour, ou la miséricorde, la sympathie, la compassion, – l’empathie dirait la modernité -, est la clé, chrétienne, protestante, réformée, pour lire le reste, la bible dans son ensemble, et la vie dans son ensemble. Le double commandement de l’amour, – tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force … et tu aimeras ton prochain comme toi-même (Marc 12,29-31) -, régit le reste, la bible toute entière, le premier et le deuxième testament. C’est biblique, profondément biblique, et c’est évangélique, profondément évangélique, et par là c’est chrétien, profondément chrétien. Cela nous enracine dans l’histoire judéo-chrétienne, les Lumières et la modernité incluses. Cela s’appelle, dans la modernité, la dignité humaine ; celle-ci est biblique, celle-ci est évangélique. Elle est intouchable, elle est inaliénable. Celui qui y touche, ne peut pas l’abîmer, quand on la viole, elle n’est pas violée, atteinte ou souillée. C’est la raison profonde de l’égalité des humains, c’est ce que nous exprimons quand nous disons que l’être humain est créé à l’image de Dieu et à sa ressemblance, créé « homme et femme ». C’est ce qui interdit fondamentalement la peine de mort et toute discrimination, souvent mortifère.

Ainsi nous arrivons au débat autour d’un rite pour couples homosexuels. On peut être pour, on peut être contre, mais c’est toujours secondaire, toujours à subordonner au commandement d’amour. Dans les débats qui ont lieu ces temps-ci, cette perspective est sur le point d’être perdue. Tout le monde prétend maintenir le primat de l’amour du prochain, les catholiques le font, les évangéliques et les réformés, mais plus personne se pose la question comment est ressenti le conflit par ceux et celles dont il s’agit, les personnes concernées, les personnes homosexuelles. Celles-ci, pour ne pas se faire stigmatiser davantage, doivent se taire. Le débat est devenu en lui-même discriminatoire, et haine se fait jour. Sommes-nous prêts à recevoir les questions et les interpellations des personnes concernées, leurs besoins, leurs désirs et leurs droits, ensemble devant Dieu, à les accueillir elles-mêmes, pas seulement comme croyants de seconde classe, mais comme égaux devant Dieu ? Sommes-nous prêts à matérialiser cette égalité ? Sommes-nous prêts à entendre, les uns et les autres, que Dieu nous a créés « homme et femme », à traiter les femmes comme les hommes et les hommes comme les femmes, les homosexuels comme les hétérosexuels : mêmes et autres ? Sommes-nous prêts à recevoir l’altérité sans en faire une discrimination ? Je plains ceux et celles qui quittent ou menacent de quitter mon Eglise aujourd’hui et je leur reproche de ne pas me respecter et m’accueillir moi-même en Eglise dans mon altérité d’homme et d’hétérosexuel, de croyant évangélique et libéral, moderne et conservateur, soucieux de conserver le commandement d’amour, soucieux de cette aspiration qui pour moi nous fait Eglise. Je leur reproche de mettre leur loi en-dessus de l’amour du prochain et je les plains, parce qu’ils quittent l’Eglise. Je leur reproche de vouloir m’imposer mon hétérosexualité et de ne pas la recevoir comme un don de Dieu.

Reste la question du rite de bénédiction pour couples homosexuels : pas de confusion avec le mariage, afin de respecter l’altérité, dont le vis-à-vis entre l’homme et la femme est le symbole. Mais un rite, parce qu’on est en église, donc en institution, parce il y a et il y doit avoir égalité et droits égaux (ce qui ne veut pas dire identiques). Si le mariage signifie l’union dans l’altérité, la bénédiction des couples homosexuels devrait signifier la différence et l’altérité dans l’union. Si le mariage signifie l’union, la bénédiction des couples homosexuels devrait signifier la séparation, cette séparation créatrice qui traverse le récit de la création, la séparation « des eaux avec les eaux » (Genèse 1,6), et cela au nom de l’amour créateur. Un rite, oui, mais pas le même que le mariage, parce qu’il s’agit, au nom de l’égalité, de marquer la différence et l’altérité. Nous ne sommes pas tous « mêmes », mais nous sommes tous (et toutes) aimés de Dieu. Et quand doute voire contestation de ce fondement il y a, en église, en institution, il faut (re)signifier le fondement par un rite. Plus discriminatoire le débat autour d’un rite de bénédiction des couples homosexuels devient, plus nécessaire est aussi le rite lui-même.

Armin Kressmann 2012

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5 réflexions au sujet de « Eglise évangélique réformée (EERV) – Rite de bénédiction des couples homosexuels »

  1. Cher Armin,

    Nous avons déjà un tel « rite » en église, qui dit notre égalité fondamentale devant la grâce de Dieu: la Cène. Pourquoi ne pas plutôt le réinvestir? (c’est ce que j’ai proposé ici:

    http://www.theologeek.ch/2012/11/15/des-difficultes-dans-les-debats-engendres-suite-au-recent-synode-de-leerv/)

    Quant à la stigmatisation, elle aura malheureusement lieu de toute façon. Le refus du rite serait douloureux pour les homosexuels qui s’assument, comme l’est aussi l’acceptation du rite pour les homosexuels qui luttent contre leur homosexualité (et il y en a aussi dans notre église) — comment recevons-nous l’altérité de leur combat? Comment les aimons-nous?

    Sincèrement,
    Olivier K.

  2. Wouaw, merci beaucoup Armin pour ce magnifique témoignage. Ça fait tellement de bien de lire un texte comme le tien.
    Amitié
    Anouchka

  3. Merci à Olivier. La cène comme rite qui signifie l’égalité fondamentale devant Dieu, en un premier temps j’y ai aussi pensée. Cependant :

    – La cène, ici sacrement (ce qui n’est pas le cas pour la bénédiction, ni d’une union entre partenaires hétérosexuels, ni de celle qui est en discussion, l’union entre partenaires homosexuels), ne vise pas spécialement le couple en tant que tel, l’échange et l’alliance entre deux individus (devant l’Église en présence de Dieu et bénis par lui ; d’ailleurs, en régime protestant, la partie « sacramentelle », si j’ose dire, a de toute façon lieu à l’État civile ; un couple hétérosexuel ne se marie pas non plus dans l’église, mais y reçoit la bénédiction du mariage conclu à l’État civile)

    – Elle renouvelle l’alliance (eh oui ; elle est fête d’alliance par excellence) entre Dieu et son peuple, lui et les croyants (elle est donc confession de foi en Dieu et non pas d’abord engagement pour et confiance en un/e partenaire)

    Poursuivons …

  4. Cher blogueur, vous mettez le doigt en début de votre billet sur le nœud du problème: l’amour. Mais votre définition de l’amour est trompeuse, issue de l’humanisme laïque des Lumières qui corrige et altère la source biblique et chrétienne, désolé, désolé dix mille fois: l’agapé (biblique) n’annule pas la Loi; je paraphrase Jésus et dis qu’il en est l’accomplissement – et c’est tellement différent! La modernité confond l’amour avec la réconcilitation entre le bien et le mal.

  5. La lecture de l’article d’Armin Kressmann m’a laissée scotchée sur ma chaise.
    Dans le Lévitique au chapître 18, la Parole est suffisamment claire !
    L’homosexualité est mise au même plan que toutes les autres déviances sexuelles.
    L’amour selon la Bible n’est pas l’acceptation de tout ce qui se fait sous le soleil. Dans le nouveau testament, nous pouvons lire que : Si ton frère a péché, reprends-le ; s’il ne t’écoute pas, que deux ou trois t’assistent. Donc, si quelqu’un s’engage sur une voie inconvenante, il est recommandé de lui expliquer qu’il se trompe, et de tenter par la raison et en douceur (tant que faire se peut) de le ramener à de meilleures dispositions.
    Il n’est pas question là de stigmatiser les homosexuels, mais de leur démontrer, autant que possible leur erreur et leur confusion.
    Lorsque l’on gronde un enfant, est-ce parce qu’on ne l’aime pas ?
    Au contraire, c’est par amour qu’on le guide dans le droit chemin.
    Il faut noter que les homosexuels ne sont plus pourchassés comme il y a à peine 30 ans. Ils ont même acquis des libertés que je veux bien ne pas contester, encore qu’elles aient conduit à certains excès), mais il convient de ne pas aller trop loin !
    En qualité de chrétiens, nous devons respecter la Parole de Dieu. Et Jésus lui-même nous enseigne que si l’on enfreint un commandement, on les enfreint tous.
    Donc, ne pourchassons pas les « homos » par rigorisme, mais n’acceptons pas tout et n’importe quoi sous couvert de tolérence !

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