Cet œcuménisme qui nous précède – L’hospitalité eucharistique en institution socio-éducative

Il y a des lieux où ne pas pratiquer l’hospitalité eucharistique, voire l’intercommunion, serait péché par excellence : refuser la présence réelle de Dieu en Jésus Christ. Il y a des lieux où l’œcuménisme nous précède ; rien à construire, rien à chercher, rien à discuter ou à contester. Il y a des lieux qui ne connaissent pas une confession, peut-être même pas une religion. Qu’on soit dans une église ou non, l’ultime est présent. Que voulez-vous, si Dieu est, il est là. Et s’il est là, il n’y a plus de religion. Si vous ne le reconnaissez pas, vous manquez le rendez-vous de votre vie.

Un tel lieu est la chapelle de l’Institution de Lavigny, quand, lors d’une culte ou d’une célébration catholique, lors d’un service funèbre ou d’une fête de Noël, se rassemblent personnes polyhandicapées, autistes, trisomiques ou autrement handicapées, membres de leurs familles, patients de l’hôpital, visiteurs, bénévoles et accompagnants. Et moi, plongé dans mon humanité radicale. Moi devant lui, lui incognito, me parlant, me sollicitant, me provoquant à travers ses actions et ses réactions, ses émotions et ses paroles, ses cris et ses exclamations, ses exhortations et ses colères, ses joies et ses peines, ses questions et ses crises, à accueillir comme cadeaux, comme présences, comme paroles et comme Parole. Me voici !

Qui est catholique, qui est protestant, qui est d’une autre religion, ou qui n’a pas de religion, qui sait ou qui ne sait pas ce qu’il est ? Pour la majorité des personnes présentes nous ne le savons pas. Et pour ceux et celles dont nous le savons et qui eux-mêmes ont le privilège de le savoir, cela n’a pas d’importance. Parce que dans cette assemblée importance a ce qui est important. Ce n’est pas la confession, ce n’est pas la religion, ce n’est pas ce qui nous sépare ou divise, mais ce qui nous unit et réunit. Que ça plaise aux Églises ou que ça leur déplaise, ça n’a pas d’importance. Ce qui importe, c’est Dieu pour toi, moi pour toi, nous pour et avec toi, vous avec nous et nous avec vous, devant lui, devant ce qui est vie et qui permet de vivre, d’affronter la vie, et la mort, et l’angoisse, et la solitude et l’incompréhension, la nôtre et la leur, la mienne et la tienne, la révolte, et la tristesse, de trouver et retrouver la joie et la force pour poursuivre, vivre et parfois, souvent, trop souvent survivre. Ce qui compte est penser, en ce moment même, à ceux et celles qui ne sont pas là, avec nous, mais dans leur chambre, dans leur lit, sur le groupe, en hôpital, parce qu’ils ne peuvent pas, parce qu’il ne supporteraient pas, parce qu’on n’a pas compris qu’ils aimeraient aussi être là. Il sont là, même s’il ne sont pas là, comme le Christ est là, Dieu quand il ne semble pas être là. C’est à pendre, c’est comme ça. Sinon, votre foi, et votre théologie, et votre doctrine, et votre éthique ou morale, votre Église est vide, et morte, parce que vous refusez la vie qui vous précède et qui vous est donnée.

Sachez, il y a des lieux, où il n’y a pas d’agnostiques, ni de protestants, ni de catholiques, même pas de chrétiens, mais des hommes et des femmes qui se rendent compte que Dieu nous précède et que la salutation apostolique est une confession de foi : la grâce et la paix nous sont données ! Eucharistie, les uns avec les autres, est leur réponse, la seule adéquate.

Il y a des lieux où Dieu est là avant qu’on l’invoque ; la chapelle de l’Institution de Lavigny n’est pas le seul. Et j’aimerais que nos églises soient aussi de tels lieux.

Armin Kressmann 2013

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