Banaliser l’art pour le valoriser : l’artiste, c’est toi !, disais-je dans une de mes réflexions sur la création artistique, faire de sorte que le spectateur d’art devienne lui-même artiste. Point de départ de ma démarche est ce qu’on entend régulièrement dire certains visiteurs d’expositions devant l’une ou l’autre œuvre : « Cela, j’y arriverais aussi. » « Alors, pourquoi tu ne le fais pas ? », y répondrais-je volontiers.
A la base il y a une réalité humaine profonde, la dimension spirituelle de l’être humain, de tout être humain. L’art, dans le sens large du terme, tout ce qui articule, nous transcende, nous questionne dans notre identité et nourrit d’une manière ou d’une autre notre quête de sens est spiritualité. Contempler une œuvre d’art, se laisser en inspirer est un premier pas, y entrer pour la reproduire, puis la transcender elle-même et se dire, exprimer ce qui est ressenti et vécu, devenir finalement soi-même artiste, est la visée ultime. Artiste est celui et celle qui articule. Faire articuler est le sens du vivre ensemble, de l’éducation, de l’enseignement, de toute formation, de la politique et de la religion : grandir les uns avec les autres, grandir soi-même en faisant grandir l’autre, afin que l’autre devienne soi-même et soi-même un autre, quelqu’un qui inspire l’autre parce qu’il est inspiré par l’autre. C’est pourquoi je parle volontiers de banalisation de l’art pour le rendre évident pour tous. Je conteste la culture de l’excellence qui sépare une élite de la masse et soumet la dernière à la première, tout en laissant même une bonne part de l’élite sur le carreau. L’art brut n’existe pas. Art il y a ou il n’y a pas, articulation et expression qui inspire. « Fais-le, sinon tais-toi », pourrait être une maxime. Mystique ou ascèse, tertium non datur, hédonisme ou abstention. Et les deux contestent le marché, la commercialisation et l’instrumentalisation de l’art et des artistes, finalement de nous tous dans notre jugement artistique ou esthétique.
Armin Kressmann 2015