Soins et spiritualité : le spirituel face au modèle bio-psycho-social

Spiritualité et spiritualités

Dans une formation interne à l’Institution de Lavigny, Etienne Rochat, pasteur et aumônier du site de Plein-Soleil, a présenté un modèle de soins et d’accompagnement de la « personne institutionnalisée » qui ne tient pas seulement compte de ses besoins corporels, psychiques et sociaux, – le modèle bio-psycho-social – , mais aussi de ses besoins spirituels  :

« Le modèle bio-psycho-social et spirituel est en voie d’implémentation dans divers milieux de soin, notamment les soins palliatifs. L’évaluation structurée de la dimension spirituelle de la personne institutionnalisée peut être associée à une prise en charge et en soin de meilleure qualité. »

A partir du constat que la couche biologique, à travers la médecine, est devenue régulatrice du psychique et du social, il se pose la question de la place du spirituel. Ce dernier, dans une approche constructiviste, est volontairement défini comme équilibre composée de ce qui fait

– sens (S)

– transcendance (T)

– identité (I)

– et valeur (V)

pour la personne hospitalisée ou institutionnalisée :

à chaque dimension (S, T, I et V) correspond des besoins et l’équilibre globale des quatre, « le STIV », est ce qu’Etienne Rochat définit et appelle le spirituel (dans la ligne de travaux antérieurs).

La transcendance est le fondement extérieur de la personne, ce qui la fonde et l’enracine au plan existentiel.

L’identité se combine d’une part des trois éléments S,T et V, ce qui permet le passage du général au particulier, des aspects psychosociaux qui permettent un maintien de la singularité de la personne d’autre part.

La grande nouveauté est maintenant l’introduction du spirituel, à côté du biologique, comme régulateur du psychique et du social.

Ce pas est déterminant et permet enfin de comprendre pourquoi, notamment en soins palliatifs, certaines personnes attribuent une plus grande importance aux soins spirituels qu’au soins médicaux.

Je me permets d’aller une étape plus loin :

1. à ramener les quatre dimensions du bio-psycho-socio-spirituel au même niveau

2. à les fonder sur des paramètres communs

3. à étudier leur interaction

4. à distinguer nettement ce qui est spirituel de ce qui est religieux

Le spirituel, ou la spiritualité, lie, articule, englobe, dépasse et transcende quatre dimensions de la personne humaine, – ce qu’on peut appeler son corps, sa psyché ou son âme, sa relation à autrui et son esprit (donc le bio-psycho-socio-spirituel dans le sens restreint) ; le religieux ou sa religion est ce qu’une personne indique comme fondement et souci ultime de sa vie (quel est ta religion, quel est ton d/Dieu ? indépendamment de ton appartenance religieuse ou institutionnelle), soit-il matériel, psychique, social ou spirituel (donc religieux dans le sens traditionnel), en un moment donné dans sa vie, ce qui stabilise ou déstabilise, équilibre ou déséquilibre la personne en cette situation de vie là.

Je développerai cette approche lors de prochains articles.

Armin Kressmann 2010

2 réflexions au sujet de « Soins et spiritualité : le spirituel face au modèle bio-psycho-social »

  1. Je trouve votre exposé très intéressant, toutefois je ne peux m’empêcher de me questionner sur cette séparation que vous faite entre le spirituel et le biologique.

    Pensez-vous donc que l’esprit d’une personne, sa psyché, est indépendante d’un substrat biologique ? Pensez-vous que la personnalité d’un être humain, ses valeurs, ses croyances, ses émotions, ne peuvent être la simple résultante des processus physiques intervenants dans son organisme biologique ?

    Si l’on admet qu’un être humain n’est rien d’autre qu’une machine biologique d’une complexité phénoménale, il devient clair que ce que vous appelez « soins spirituels » ne se distingue d’un soin médicamenteux que par le mode d’interaction avec l’organisme biologique qu’est la personne souffrante.

    Pour éviter tout malentendu je précise que je ne prône pas la supériorité de la médecine « médicamenteuse » sur une approche qui tient compte de la psyché du patient. Ce que je m’efforce de dire, c’est que l’on a pas besoin de créer une distinction entre le corps et l’esprit pour s’intéresser au monde intérieur de l’être humain.

  2. Merci pour ces remarques judicieuses ; elles me permettent d’apporter une clarification.

    Pour moi biologie et spiritualité d’un être humain ne sont pas deux réalités séparées, mais deux dimensions, entre d’autres, d’une même réalité, celle de la personne humaine.

    Comme le « Groupe de travail sur la prise en compte de la dimension spirituelle chez les personnes hospitalisées en C(U)TR », auquel je fais allusion dans le lien de la citation que je donne, je complète la définition de la santé qu’utilise l’OMS, qui ne parle que du physique, mental et social, par la dimension spirituelle :

    « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

    Ceci ne veut pas dire que ces dimensions sont « séparés », mais différentes facettes d’une même réalité, dont le substrat est physique, où je vous retrouve, sans aller aussi loin de penser que la « détresse spirituelle », terme utilisé par le groupe de travail, puisse être soignée « médicamenteusement » (je laisse ouvert le sens traditionnel donné aux espèces eucharistiques, le pain et le vin de la sainte cène, compris comme « pharmacon »).

    Je développe les pistes données dans l’article

    Soins et spiritualité : le passage au religieux

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