Hier matin, eh oui c’était un jeudi, le jeudi après Pâques, à la cathédrale de Lausanne, devant la grille qui sépare la salle capitulaire de la nef de l’église, j’ai suivi un culte, vécu en petite communauté de personnes âgées, très âgées. Un culte réformé en toute sa simplicité.
La prédication portait sur la visite des disciples au tombeau vide de Pâques, leurs réactions, leurs interprétations, leur foi, et cela selon l’évangile de Jean (Jn 20,1-10).
Marie-Madeleine d’abord, qui constate que la pierre est roulée, que le tombeau est ouvert : « On a enlevé le Seigneur. » Son Seigneur, disait le prédicateur, celui qu’elle avait côtoyé côte à côté, a été enlevé, son corps a disparu. « On m’a pris mon Seigneur. »
Sur ce constat, ce sont Pierre et « l’autre disciple » qui courent au tombeau ; « l’autre » arrive d’abord, mais il n’entre pas. Il voit les bandelettes. Pierre, lui, il entre et il analyse la situation comme un scientifique le ferait.
Et c’est maintenant seulement que l’autre disciple entre lui aussi : il voit et il croît.
Pour le prédicateur, c’est cette dernière, la posture que vise la foi chrétienne, et il ajoute que le contenu de cette foi, ici dans l’évangile de Jean, n’est pas explicité.
Personnellement, les trois réactions, je ne jouerais pas l’une contre l’autre, mais je les inscris dans un chemin que nous devons parcourir à chaque fois quand « croix », l’incontournable, l’absolu, s’impose dans nos vies et les secoue et bouleverse profondément. Donc, ce qui m’intéresse, c’est le contenu de la foi de « l’autre », parce que je pense que celle-ci est explicitée dans l’évangile de Jean ; non pas ici, dans le récit de Pâques, mais en ce qui le précède.
Chez Jean, Pentecôte précède Pâques, l’annonce de la venue de l’Esprit, le discours d’adieu, est déjà don de l’Esprit. Pour le comprendre cependant, il faut que le corps disparaisse :
« Cependant je vous ai dit la vérité : c’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai. » (Jean 16,7 TOB)
C’est le corps qui fait obstacle à l’Esprit, non pas parce qu’il serait négatif, à abolir, à dénigrer, non, au contraire, mais parce que, au lieu d’être porteur de l’Esprit, il risque être finalité. Ne confondons pas le moyen, le corps, avec sa fin, « être autre », on pourrait dire « ressusciter ». Le cheminement de Marie-Madeleine à travers Pierre à « l’autre », de l’émotionnel, à travers l’analytique et le factuel au spirituel, est nécessaire et indispensable. Résurrection sans croix il ne peut avoir, et les deux sont fondamentalement liées et interdépendantes. Le chemin, ce chemin « Marie-Madeleine, Pierre, l’autre », « moi, lui, l’autre », est à faire et à refaire en chaque situation, en chaque moment de la vie. C’est une dynamique de vie qui ne s’arrête jamais, c’est la dynamique qui fait vivre, celle du Paraclet.
C’est ainsi que le contenu de la foi de « l’autre » nous est dévoilé, avant l’événement déjà. Pentecôte avant Pâques, mais pas de Pentecôte sans Pâques. Nous le savons avant que cela nous arrive, mais quand cela nous arrive, nous devons refaire le chemin. Avoir la foi, une fois pour toutes, est un leurre. Il n’y a pas de résurrection sans croix :
« Et lui, le Paraclet, par sa venue, il confondra le monde en matière de péché, de justice et de jugement ; en matière de péché : ils ne croient pas en moi ; en matière de justice : je vais au Père et vous ne me verrez plus ; en matière de jugement : le prince de ce monde a été jugé. » (Jean 16,8-11 TOB)
Il viendra, l’Esprit de vérité et de discernement, de jugement et de consolation, si vous y croyez, à chaque fois que vous êtes prêts à faire le chemin vers le tombeau vide, le chemin de Marie-Madeleine, et de Pierre et de « l’autre », le chemin de Marie-Madeleine vers l’autre : « Ne me retiens pas. », lui dit-il. « Elle se retourna et lui dit : ‘Rabbouni’ – maître. » (Jean 20,17 et 16 TOB)
Armin Kressmann 2019
