Le conseil synodal vient de réagir suite à la polémique qu’a suscité un dossier du mensuel « Réformés » sur les orientations sexuelles et la question comment accueillir la différence. Ce qui a particulièrement choqué le public, semble-t-il, est une photographie montrant deux hommes nus dont une personne de couleur en position de croix. Le conseil synodal
« estime que le choix de la photo … témoigne d’un manque d’attention à une large partie du lectorat du magazine »1.
Gilles Bourquin, théologien et un des corédacteurs de « Réformés » justifie la publication en disant que
« cette photographie montre la dignité de la relation homosexuelle ».
Le copyright de la photo parle de crucifixion : « Crucifix Elisabeth Ohlson Wallin »2. La confusion me semble totale : se mélangent plusieurs enjeux, intéressant et à débattre chacun :
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leurs conditions de vie chez nous et ailleurs dans le monde
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la relation entre gens de couleurs différentes, ce qu’on appelle communément « racisme »
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l’enjeu d’une Église qui se veut inclusive, inclusion et exclusion dépassant largement et d’une manière beaucoup plus radicale les personnes homosexuelles
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la nudité exposée en public
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le respect de la diversité des sensibilités, la question des « forts et des faibles » (première lettre aux Corinthiens, chapitre 8)
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et finalement la représentation explicite de la crucifixion en régime protestant réformé, donc notre rapport à l’image et l’art religieux figuratif.
Qu’est-ce qui choque et qu’est-ce qui devrait nous choquer le plus, nous, les « réformés » ?
Ce ne sont pas les problèmes d’ordre moral, – la morale est conséquence de la foi, pour nous, et pas l’inverse -, mais ce qui fait obstacle à notre rapport à Dieu, ce qui se met entre lui et nous, devient idole et fait de nous des idolâtres, des hommes et des femmes qui adorent et servent d’autres dieux que le Dieu unique de Jésus Christ, le crucifié, auquel nous prétendons de croire. D’une manière insinueuse, dans cette polémique, et cela peut-être, probablement, pour les deux camps, s’inversent les priorités : nudité et homosexualité nous préoccupent davantage que l’idolâtrie ; par effet miroir, nous reprenons la vision, l’image, de ce monde duquel nous voudrions nous distinguer. Et c’est finalement la polémique et la division, nos visions et convictions respectives incompatibles les unes avec les autres, nous-mêmes, qui l’emportons sur ce qui devrait nous réunir, lui, elle, l’autre, dans son altérité. Voilà l’idolâtrie la plus subtile, au nom de Dieu. Exclusion au nom de l’inclusion, inclusion en excluant, exclure pour être inclus.
Armin Kressmann 2018
1Déclaration du Conseil synodal suite à la parution du dernier numéro de «Réformé », 2.2.18
2Gilles Bourquin dit : « L’évocation de la crucifixion dans cette image renvoie aux persécutions dont sont victimes les LGBTI dans plusieurs pays du monde. »