Soins et éducation : communautarisme et libéralisme

Le champ de travail dans lequel s’inscrit l’institution socio-éducative se situe entre le privé et le public : le résident, pensionnaire ou patient est chez lui, mais aussi dans une organisation[1] soumise à des règles du vivre ensemble en société. Ces dernières sont de plus en plus définies par l’État, – ainsi, celui-ci, est-il encore libéral ? -, qui exerce un contrôle de plus en plus grand sur la « prise en charge », de sorte que le résident n’est finalement plus chez lui, mais dans une structure semi- voire entièrement étatique, et cela indépendamment du statut juridique sur lequel repose une institution (organisation) socio-éducative donnée. En conséquence, à partir d’une certaine taille les institutions deviennent des systèmes qui ressemblent à des mini-sociétés dans lesquelles les lois et règles étatiques sont reprises telles quelles, juste à moindre échelle. Le modèle de l’État libéral devient le principe d’organisation des institutions particulières. Pour une institution donnée il devient de plus en plus difficile de trouver un équilibre et de se définir aussi comme communauté. La loi risque de l’emporter sur la morale ou l’éthique. Que devons-nous faire ? C’est l’État, – avec ses lois, ses procédures et ses règlements -, qui le dit, ni l’histoire, la culture, ni la conscience collective d’une institution donnée.

On passe d’une vision communautaire ou familiale (intrafamiliale) s’inscrivant dans une histoire et s’inspirant de celle-ci, – avec ses règles propres, dans l’Antiquité représentées par la déesse « Thémis » -, à une justice interfamiliale avec un dénominateur commun minimal, – représentée dans l’Antiquité par la déesse « Dikè », et d’un modèle d’accompagnement du type « familial » à un modèle dit « professionnel ». En voulant essentiellement former des citoyens autonomes on risque d’affaiblir la dimension éducative de l’accompagnement.

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Toute institution socio-éducative est en tension entre son patrimoine historique, souvent d’inspiration chrétienne, et les exigences de l’État libéral, entre le privé et le public, la culture de la maison, les convictions de ses habitants et le principe de laïcité de l’État moderne.

La « loi », c’est en skr. Dhaman, en gr. Thémis – littéralement la règle établie (racine dhe « poser dans l’existence ») par les dieux. Cette règle définit le droit familial : ainsi thémis s’oppose à dikè, droit interfamilial. (p. 99)

A la notion de thémis fait pendant celle de dikè. La première indique la justice qui s’exerce à l’intérieur du groupe familial ; l’autre, celle qui règle les rapports entre les familles. (p. 107)

(Benveniste, Émile ; Le vocabulaire des institutions indo-européennes ; vol. 2 ; Les Éditions de Minuit, Paris 1969)


[1] Pour plus de précisions sur la distinction des termes « institution » et « organisation » voire la page « Institution et organisation ». Cependant, il est difficile de respecter cette distinction avec rigueur, ce qui montre cet article même. Il utilise le terme « institution » dans les deux sens, au début sociologiquement, par la suite pour parler des instituions socio-éducatives particulières donc de ce que le sociologue appellerait « organisation ». Ainsi, par exemple, L’Institution de Lavigny est une organsiation régie par les règles de l’institution socio-éducative.

Armin Kressmann 2009

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