En tant que pasteur ou diacre, comment se positionner face aux autorités de notre Église, en l’occurrence l’EERV, l’Église évangélique réformée du canton de Vaud ? Et cela notamment en un moment que certains qualifient de crise ?
La question n’est pas anodine. Aujourd’hui, ce qui nous lie à notre Église et le Conseil synodal comme employeur est une convention collective de travail. Le rapport est donc contractuel syndical, avec tout ce que cela implique, jusqu’à la « lutte syndicale » qui polarise : les gentils d’un côté, les méchants de l’autre, une fois les uns, une fois les autres, selon la vision que nous avons du monde du travail. Moi comme pasteur, un moyen de production ? Moyen, et production de quoi ? De prédications, d’empathie, de foi, de sens ?
Personnellement, je suis toujours et encore attaché à une vision libérale de la profession de pasteur, avec, c’est vrai, un privilège, une sécurité sociale et une garantie de salaire fixe, et pas le moindre. L’Église comme employeur passe au second plan, comme le rapport contractuel que nous entretenons, donc régulé par la loi, des lois, des règlements et des procédures. Celui-ci n’est pas négligeable, mais il est second, à soumettre à l’autre, le rapport premier, celui du sens, de la vision, de la foi, de la confiance et de la gratuité, en un mot, mon employeur est l’Évangile.
Cependant, en tant que pasteurs et diacres, « ministres » de cette Église, nous nous retrouvons devant une instance, – nos autorités, le Conseil synodal et les ressources humaines -, que nous avons de la peine à situer : employeurs, chefs, patrons d’une entreprise dans laquelle je suis parfois à l’aise, parfois mal à l’aise ou confrères et -sœurs, collègues et partenaires dans un même ministère, celui de l’Évangile ? D’où mon malaise, notre malaise ? Notre rapport, est-il régulé par la Loi, qui, peut-être, est juste, mais impitoyable, ou l’Évangile, l’humilité, l’amitié et l’amour ? Et si c’est la Loi, comme c’est de plus en plus le cas dans notre société moderne, c’est-à-dire les procédures, agissons-nous au moins selon cette troisième dimension, celle qui nous fait grandir, les uns et les autres, ce que nous appelons le troisième usage de la Loi, contesté par les uns, ceux qui se rattachent davantage à Luther, considéré comme le plus important pour les autres, ceux qui se voient plutôt du côté de Mélanchthon ou de Calvin ?
Mais, en tant que protestants, soit-on d’un côté ou de l’autre, nous les savons tous : la Loi, les règles et les procédures ne nous ferons pas sortir des impasses qui sont les nôtres, des vraies, des contradictions avec les fondements de notre engagement, c’est-à-dire l’amour ou la grâce. Un licenciement est toujours un échec, et qui dit échec en Église, parle de péché.
C’est le tiers qui nous manque quand nos rapports avec les autorités sont réduits à un rapport entre employeur et employés. Et même si nous en sommes tous conscients les uns et les autres et exprimons tous notre volonté d’agir selon la volonté de ce tiers que nous appelons Dieu, au niveau pratique, lui, le tiers, nous manque toujours.
C’est là où je reviens à ma vision libérale du ministère : entre professionnels et collègues, nous ne devrions pas seulement avoir une vision syndicaliste de notre travail, mais aussi et surtout déontologique. Comme les médecins ou les avocats, nous faisons partie d’une corporation avec une identité propre, je ne dirais pas corporatiste, en se défendant soi-même comme corporation, mais, sur une base commune, la « profession », – métier et confession de foi -, en défendant une cause commune :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est là le grand, le premier commandement. Un second est aussi important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” (Matthieu 22,37-39 TOB)
Ici, Loi et Évangile se résorbent mutuellement, et cela, pour les chrétiens, en l’œuvre de Dieu en Jésus Christ.
Mais concrètement, comment fonctionner comme collectif professionnel, dans et face à l’Église et ses « autorités » ?
Je dirais en séparant les pouvoirs, en réinstaurant ce pouvoir symbolique morale que nous avons perdu en 2000 avec « Église à Venir » , celui des doyens, et en élaborant ensemble, enfin (!), une déontologie ou éthique professionnelle commune.
Voici mes propositions de déontologie ou l’éthique professionnelle.
Pourtant, ce n’est pas le texte qui compte, mais l’entreprise (!) que nous sommes invités à entreprendre (!) ensemble.
Ce n’est pas la loi qui compte, la lettre, mais l’esprit ; et si celui-ci reflétait l’Esprit …
Pentecôte est derrière nous.
Armin Kressmann 2015