Dans les institutions socio-médicales et socio-éducatives l’accompagnement spirituel appartient à tous les corps de métier. Pour tous, ne pas reconnaître que la dimension spirituelle fait partie de leur mandat est aujourd’hui à considérer comme faute professionnelle. Un certain nombre de dysfonctionnements, d’abus voire de maltraitances sont en lien avec une telle méconnaissance.
Tous responsables de l’accompagnement spirituel, qu’est-ce que ça veut dire ?
Que chaque discipline reconnaisse ses limites à l’intérieur de sa discipline et tienne compte de ce qui la dépasse, à l’intérieur de sa discipline. Etienne Rochat, aumônier au CHUV et a Plein-Soleil, parle de « kénose », du dépouillement (christologique). Comment savoir suspendre ses compétences professionnelles en une situation où ces compétences touchent à leurs limites ? Et « limites » n’est ici pas à prendre techniquement, mais fondamentalement. Même là où tout est maîtrisé et fait dans les règles de l’art, ce n’est pas tout qui est fait et accompli.
Je dis bien « à l’intérieur de sa discipline ». C’est cette part intérieure à la discipline dont la discipline est responsable et c’est cette part que j’appelle accompagnement spirituel appartenant à la discipline :
– Le corps n’est pas seulement corps physique
– Ce corps est aussi personne, qui fait partie d’un corps social
– Une personne qui a une dignité
– Une dignité qui est intouchable, même si je dois toucher le corps ; je n’y touche pas.
– Cependant, elle reste intouchable même quand elle a été touchée, quand le corps a été maltraité et la personne violentée.
– Chaque accompagnant ou intervenant en est responsable dans la sphère de sa discipline, et au-delà …
Au-delà, c’est ce que signifie l’aumônier, par sa présence et son travail, sa partie de l’accompagnement spirituel. Il dit par là que
– vous, les autres, devez être conscients de la dimension spirituelle dont vous êtes responsables
– reconnaître vos limites
– en certaines situations et certains moments non pas oublier, mais suspendre vos compétences respectives
et il dit à l’ensemble, organisation et institution, et il le s’adresse à lui-même, que ce qui est valable pour chaque partie l’est aussi pour le tout. Le tout n’est jamais tout.
Surplus ou transcendance il y a toujours, un espace qui échappe au contrôle et ne se maîtrise pas, espace de liberté et de croissance (spirituelle).
Cependant, aumônier qu’il ou elle est, il a aussi besoin de techniques, de méthodes, de procédures et d’outils pour signifier ce qu’il veut (doit) signifier. Il n’en a pas d’autres que celles que la vie religieuse lui offre :
un texte fondateur, en l’occurrence la bible, les rites et les symboles, la liturgie et ce qu’on appelle la dogmatique, une tradition et une histoire dans lesquelles il doit s’inscrire, tout en les revisitant et renouvelant, comme tous les autres corps professionnels le font aussi, avec leur tradition et leur histoire, leurs figures emblématiques, leurs méthodologies, leurs manuels et leurs procédures.
Et ce que les autres appellent corps ou association professionnels, l’aumônier l’appelle Église et corps du Christ.
Armin Kressmann 2010