Le clown, peut-il être protestant ?

Le clown, figure de l’autre en soi-même

Vie&Liturgie, no. 99, mai 2014, p.6ss ; cinquième partie

Le clown, peut-il être protestant ? Oui et non. Non, parce qu’il rend tout visible. Oui, parce qu’en rendant tout visible, – catholique à l’extrême, « ceci est le corps » -, il déconstruit tout ce qui est visible. Il pousse la visibilité à l’absurde, et c’est ainsi qu’il la suspend ; dans ce sens il est protestant. Il exagère ; il exagère le pragmatisme. Il joue à la limite et avec elle ; il est limite. Il est prophète ; il défie même la parole, – la grammaire, le jeu qui la sous-tend1 -, en la poussant par son fondamentalisme dans ses derniers retranchements. Par fondamentalisme il défie et dénonce tout fondamentalisme. Il fait « comme si »2, comme si tout était vrai, comme si tout était faux ; il décale. Il décale autant ce qui est apparent que ce qui veut montrer que ce qui est apparent n’est pas vrai. Il montre ce qui est, en disant et montrant que ce qui est n’est qu’apparence. Pour le clown il y a toujours un reste3, et, pour lui, l’essentiel est dans ce reste. Il rend dérisoire toute tentative totalisante, et décale ce qui fait obstacle (« scandale ») ; quand il trébuche il pointe ce qui fait obstacle. Le clown est donc toujours en devenir ; il n’est pas encore clown. Clown « semper reformandus ». Le décalage crée un vide, une faille qui peut devenir espace de résurrection (« matrice ») ; il « aspire » du nouveau, projette ainsi, appelle du sens, oriente … désorientation réorientante (la « Galilée », donc la vie courante) …

Armin Kressmann 2014

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1 G. A. Lindbeck ; « La nature des doctrine » ; van Dieren, Paris 2002 ; suite à L. Wittgenstein

2 « als ob » ; R. Pfaller ; « Das schmutzige Heilige und die reine Vernunft » ; Fischer, Frankfurt 2008

3 Esaïe, p.ex. 4,3

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