Aumônerie de l’Institution de Lavigny, bilan après dix d’activité (Armin Kressmann)

Dix ans aumônier protestant à l’Institution de Lavigny : au lieu d’un bilan des derniers mois passés dans cette institution, je voudrais poser ici quelques réflexions et pensées plus fondamentales :

D’une institution centrée en priorité sur l’épilepsie et le handicap mental, Lavigny est devenu un lieu beaucoup plus large. L’hôpital a été considérablement agrandi, la Passerelle a revu et élargi sa mission, prenant de la distance par rapport à la notion « handicap », Plein-Soleil a fusionné avec Lavigny et dans le handicap mental lui-même les prises en charge ont été différenciées, à Lavigny et à Morges. L’institution, dans l’air du temps, s’est aussi davantage « institutionnalisée » : nouvelles organisations et structures, démarche qualité, charte, procédures, systèmes de contrôle, etc.

Du côté aumônerie nous avons essayé de suivre ces changements, en passant d’une vision d’abord pastorale à une approche plus professionnelle qui distingue le vocationnel du métier :

  • Par une « professionnalisation » de l’accompagnement spirituel, en se donnant des méthodes et une déontologie à la hauteur des déontologies professionnelles des autres corps de métier.
  • En faisant une distinction entre le religieux, le spirituel et l’éthique (« ReSpirE »).
  • Par une vision d’abord « service d’aumônerie », moins « conseil d’aumônerie d’Église », donc service parmi d’autres services.
  • En séparant les secteurs d’aumônerie à l’hôpital, à la Passerelle et dans l’hébergement.
  • En différenciant entre les responsabilités hiérarchiques : le religieux sous l’égide des Églises, le spirituel dans le réseaux des différents corps de métier et sous la responsabilité institutionnelle et l’éthique par une recherche institutionnelle et communautaire commune, professionnelle et philosophique, où comptent, en dernière instance, les éthiques et les consciences personnelles et professionnelles (l’art du métier).
  • En donnant une place et un rôle plus grand dans notre travail autant aux collègues et bénévoles qu’aux résidents eux-mêmes (p.ex. le bénévolat des résidents).

L’aventure a été grandiose :

  • Un accueil plus ouvert par les autres professionnels.
  • De leur part un engagement plus grand pour le spirituel.

  • Une insertion plus forte dans le réseau interdisciplinaire.
  • Une ouverture à d’autres spiritualités et éthiques professionnelles.

  • Une prise de responsabilité, donc une « autonomisation » des résidents.
  • Une diversification de la pastorale, devenue accompagnement spirituel, par une entrée en matière au-delà du proprement religieux (changement de perspective).

Cette évolution est illustrée par ce que j’ai partagé, tout au long de ces années, sur ce site Internet « ethikos.ch ». La perspective d’avenir qui se dégage est une professionnalisation qui fait de sorte que chaque partenaire, – collègues, bénévoles, travailleurs, résidents -, participe aux tâches que le spirituel englobe et y donne sa vision, en fonction de ses convictions et de sa foi, l’aumônerie, au lieu d’avoir une certaine exclusivité du spirituel, devenant ainsi plaque tournante où les questions, enjeux et sensibilités se rencontrent, entrent en dialogue et, par cette confrontation et sous la responsabilité des aumôniers, sont aussi régulés.

Cependant, une telle vision n’est pas toujours la bienvenue, ni du côté de l’Institution, ni des Églises ; je pense tout simplement parce que ce qui se fait et se vit finalement, ne se laisse plus cantonner dans le seul religieux traditionnel, mais traverse l’ensemble des activités d’une institution comme celle de Lavigny, échappe donc au contrôles hiérarchiques et par là au pouvoirs établis.

Cependant, c’est la finalité et le sens de l’accompagnement spirituel … la liberté de conscience, la liberté de foi. Le sens de l’institution est hors institution.

Armin Kressmann 2014

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