Actes 2,1-4(13), notes exégétiques et homilétiques : « Pentecôte – Le fracas d’une révolution douce »

(avec Daniel Marguerat ; Les actes des Apôtres (1-12) ; Labor et Fides, Genève 2007)

Avec l’Ascension passage du temps de Jésus au temps de l’Eglise.

L’irruption de l’Esprit comme événement déclencheur et fondateur de la première prédication apostolique (le discours de Pierre ; 2,14-36)

Le don de l’Esprit à l’origine de la foi.

Deux scènes :

v.1-4 L’action de l’Esprit

5-13 Constat du miracle des langues par la foule

Passage de l’intériorité (maison) à l’extériorité (ville)

Chacun « entendait parler son propre langage »

Luc « a transformé en xénoglossie une effusion originale de parler en langues par sa tradition » (glossolalie) … parler d’autres langues.

Nous devons ici à mon avis introduire des considérations théologiques qui vont largement plus loin que « parler d’autres langues » :

il s’agit de parler la langue ou le langage de l’autre, d’entrer dans sa manière de communiquer, que cette communication soit verbale ou non-verbale.

Cela ne se passe pas à travers un apprentissage ou une révélation de la grammaire, de la syntaxe, de l’articulation, du dialecte ou de l’orthographe de la langue parlée par l’autre, n’est donc pas surnaturel, mais à travers une compréhension de l’autre, ce que j’appellerais l’universalité du langage empathique qui fait que chacun, chacune est compris et comprise dans sa manière d’expression à lui ou à elle. Daniel Marguerat, qui pressent cette dimension sans aller aussi loin, dit :

« Le don de langues autres dote le groupe rassemblé autour des apôtres d’une force créatrice de communication. » (p. 75)

Ici, encore une fois, le handicap mental, certaines formes de « folie » et toute forme d’aphasie sont clé de lecture : ils nous contraignent à « comprendre » l’autre quand celui-ci ne sait pas forcément se faire comprendre dans les voies de communication de son interlocuteur, quand il a une sorte de langage personnel privé. Ceci nous renvoie à la question de la définition du langage, – qu’est-ce que c’est un langage -, à Wittgenstein et la philosophie analytique.

Pentecôte signifie

l’universalité d’une communication possible (comme a priori donné, donc théologiquement grâce, don accessible à travers l’expérience partagée, « com-passion » ou « em-pathie », de la croix et de la résurrection ; le tombeau de l’aphasie, de la psychose, du polyhandicap profond ou de la déficience intellectuelle grave est vide, la parole universelle nous attend « en Galilée »)

ou la possibilité d’une communication universelle :

en l’Esprit (universalité par excellence ; présence non-personnelle ou interpersonnelle, « das Zwischen » – « l’Entre » – souffle – air … l’Esprit est communication) je peux entrer dans la perspective de l’autre, condition nécessaire pour toute forme d’empathie.

 « Luc a métamorphosé en langage communicable la ‘langue des anges’ (1 Co 13,1) dont Paul dit qu’à la différence de la prophétie elle s’adresse à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (D. Marguerat, p. 70)

Luc joue un « jeu sémantique » avec « glossa », entre langue (de feu) et langage : le « langage de l’autre » se pose sur chacun d’eux (v. 3).

Comme avec les miracles en général, est finie cette vision naïve qui voit au premier degré en ce qui se passe un événement surnaturel qui suspend les règles de la nature (qui sont elles « voulues par Dieu en sa création bonne », donc données en tant que telles et à prendre comme données en tant que telles), pour arriver à une position beaucoup plus révolutionnaire1 :

l’accès à la présence réelle du Christ (donc le « salut », réelle guérison) rendu possible par le don de l’Esprit à tout le monde (tout – le – monde2, et pas seulement à l’Église instituée).

Comprendre les miracles comme faits surnaturels exceptionnels les privent de cette force révolutionnaire, le « fracas » du verset 2, qui réside dans la rencontre du Christ aujourd’hui, dans ce monde tel qu’il est, à travers la réception de l’Esprit qui universalise sa présence (réelle, au-delà de l’eucharistie)3.

v. 1 « comme s’accomplissait »

Luc « notifie … la fin d’une attente et l’ouverture d’une période nouvelle ».

Renouvellement de l’alliance et commémoration du don de la Torah.

Don de l’Esprit égal don de la Parole égal voix au chapitre (cf. le Paraclet johannique) égal baptême dans l’Esprit.

« tous ensemble au même lieu »

« Le groupe sur lequel va fondre l’Esprit fait bloc. » (p. 73)

La possibilité et la disponibilité d’entrer dans la perspective de l’autre font « un-animité », partager un esprit commun.

« Mind map » de la prédication sur Actes 2,1-4(13) 19.5.13, Pentecôte, à la chapelle de l’Institution de Lavigny

Armin Kressmann 2013

1 Ou seule réellement révolutionnaire ; la position défendant les changements surnaturels étant conservatrice et exposée à l’abus de pouvoir (ce qui est probablement la raison plus profonde pour laquelle elle est maintenue).

2 Raison profonde pour aimer ce monde.

3 Cette réduction des miracles à des événements singuliers, uniques, réservés à un petit cercle d’élus, prive l’Église comme institution, mais pas l’universelle, en tant que « détentrice du salut » de son pouvoir (spirituel, voire moral ) qu’elle aurait autrement.

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