La bientraitance : ne pas maltraiter ne suffit pas

La bientraitance est autre chose que la simple non-maltraitance.

Mettre en place un cadre de normes, – de lois, de règles et de procédures -, en vue de combattre la maltraitance, ne suffit pas pour garantir la bientraitance.

La bientraitance est une réalité au-delà de ce qui se laisse définir par ce qu’on peut appeler l’institutionnel.

Celui-ci, soit-il étatique, déontologique, procédural ou moral personnel, n’est qu’un premier pas ; nécessaire, mais insuffisant.

Il donne le cadre dans lequel la bientraitance peut se réaliser et être vécue.

Prenons la métaphore du jeu :

  • Les règles d’un jeu permettent de décrire le jeu. Elles donnent le cadre et les consignes pour qu’on puisse jouer, – en tout cas pour ceux qui savent jouer ce jeu -, mais elles ne permettent pas d’apprendre à jouer à ceux qui ne le connaissent pas et encore moins de représenter et de raconter une partie réelle de jeu. Nous sommes, – pour parler avec Wittgenstein, ce qu’il a dit par rapport au langage qu’il compare au jeu -, dans l’impossibilité de définir d’une manière abstraite le jeu.
  • Bientraitance est langage : pour bien parler ou écrire, il ne suffit pas de connaître les règles, la grammaire, la syntaxe l’orthographe d’une langue.
  • Comme dans l’art, d’une manière générale, ou dans le sport, la bientraitance a un dimension qui dépasse les règles de la bientraitance.

La pratique de la bientraitance doit s’acquérir par un apprentissage, se développer par un entraînement et se mettre à l’épreuve de la réalité du jeu.

La bientraitance, pensée positivement, comme une donnée, appartient à la sphère du spirituel. Bien traiter est transcender, bien traiter autrui est le transcender et se transcender soi-même. Quand il y a bientraitance, il y a rencontre, événement, un moment où le temps et l’espace sont suspendus, un moment utopique et uchronique réel.

Cependant, bien jouer ne veut pas dire gagner ; ce n’est que dans la rétrospective, après le jeu, après la partie jouée, après les événements, qu’on peut dire si bientraitance il y a eu.

Davantage, – dans une perspective utilitariste, téléologique, où c’est le résultat qui compte, la fin qui justifie dans une certaine mesure les moyens -, le fait de gagner, au contraire, pourrait même être le résultat d’une maltraitance, un risque que tous ceux qui sont actifs dans le secteur socio-éducatif ne devraient jamais oublier.

Nous ne savons pas ce que c’est, la bientraitance, mais quand elle a lieu, nous la reconnaissons tous.

Nous ne savons pas ce que c’est, et pourtant, nous devons en parler et l’étudier : nous entraîner ensemble en bientraitance.

Ce ne seront que les spectateurs et les « bénéficiaires » qui pourront nous dires, après chaque partie de jeu, si nous avons bien joué.

Armin Kressmann 2013

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