Éternité est « uchronie » : « uchronie avant utopie »

A Berlin, dans la cour du musée-archive du Bauhaus, il y a cette plaquette :

« Zone extemporelle

Représentation de l’éternité en chaque moment

Uchronie avant utopie »

Elle m’a fait réfléchir :

Qu’est-ce qui suspend le « chronos », le temps qui s’éternise et qui s’écoule d’une manière immuable et impitoyable ? Quel serait un temps « utopique », donc justement « uchronique », qui tend vers un idéal qui fait envie et qu’on aimerait réaliser ?

« Utopie : pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux. » (Dictionnaire culturel en lange française ; Le Robert, Paris 2005)

N’est-ce pas le moment de bonheur où l’être humain est comblé, oublie tout, soi-même, le temps, le lieu, et entre en ce qu’il aimerait retenir :

« Werd’ ich zum Augenblicke sagen: / Verweile doch! du bist so schön! / Dann magst du mich in Fesseln schlagen, / Dann will ich gern zugrunde gehn! » (J. W. Goethe ; Faust)

« Arrete-toi, instant, tu es si beau. »

« Uchronie » égale éternité égale instant de bonheur qui comble, événement, singularité, dépassement du temps mortifère, du temps qui tue ? Sortie du temps de la contingence ? Transfiguration ?

« … il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. », dit Pierre à Jean (Marc 9,5),

un instant où se passe quelque chose qu’on aimerait installer.

Et j’ai fait l’expérience avec une résidente dont la grande préoccupation est la mort :

« Je ne vais jamais mourir. J’ai tellement peur, je ne veux pas qu’on parle de la mort. Je serai éternelle … »

tellement éternelle et préoccupée par la mort et la question de l’éternité que l’instant, ici et maintenant, est envahi et se vit à peine.

Alors parlons d’éternité, pour ne pas parler de la mort. Quel est votre rêve ?

« Devenir infirmière, travailler ailleurs, dans un hôpital. »

C’est ça, votre désir, votre souhait, votre rêve, ce qui vous ferait du bien, votre bonheur ? Oui !

Et, dans votre vie de tous les jours, quand est-ce que vous êtes heureuse, vivez-vous des moments de bonheur qui pourraient ressembler à ce dont vous rêvez ?

« Le matin dans le bain, lors des massages, à la plage …

Oui, j’aimerais me baigner au lac, faire du camping, aller à la piscine, et prendre ma camarade dans la piscine et faire une pirouette … »

Puis nous sommes remontés, à partir de la pirouette, au bonheur, aux moments de bonheur et enfin à ce que nous avons appelé « un moment d’éternité ».

« Je veux être éternelle », vous l’êtes à chaque fois qu’un moment de bonheur se présente : « eucharistie », « amuse gueule » du royaume … c’est ce qui m’est venu en esprit.

Et la « vie éternelle » ? Quand la vie est bonheur, quand vivre est un bonheur, au-delà d’une vie simplement heureuse.

Armin Kressmann 2012

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