Lettre à une amie inconnue, sur le chemin vers Pâques

Ma Soeur,

La présence réelle du Christ dans nos vies, une évidence pour le croyant, est indépendante du cheminement des individus. Ce que nous appelons développement, – ou maturation comme vous dites (avec réserves) -, du jugement moral ou du jugement religieux, est une évolution au niveau de la perception de cette présence. La dimension spirituelle de l’être humain, n’est-elle pas toujours une quête de l’ultime, de ce qui nous préoccupe le plus en un moment donné de notre vie ? Ce souci de l’ultime, il se déplace avec l’âge, et la jeunesse a d’autres préoccupations que la vieillesse. Pour le bébé, tout est corps ; pour l’adolescent c’est aussi une des préoccupations premières. Pour le vieux que je suis, le corps est toujours important, mais n’a plus le même sens : il est devenu véhicule pour d’autres finalités. Pourtant, ma vie spirituelle n’a pas seulement commencé avec l’âge avancé.

Ainsi, « Dieu pour toi », c’est aussi Dieu là où je me questionne le plus ; et si c’est au niveau du corps, sa présence va se manifester à ce niveau, ou non ? ; en relativisant peut-être, c’est vrai, l’importance du corps pour moi. Mais le contraire est aussi possible, selon la volonté de Dieu. Homme d’Église que je suis, ou que je crois être, je n’oserais jamais me moquer de ceux et celles pour lesquels le spirituel est corporel et le corporel spirituel ; au contraire, essayons de les rejoindre là où ils sont, et pourquoi pas sur le terrain de foot. Quel serait le langage spirituel du foot ? Le terrain, le ballon, le gardien, l’attaquant et le défenseur, l’arbitre et l’entraîneur, le hors jeu, les seize mètres et le but ? « Le Seigneur est mon berger » – le Seigneur est mon gardien, ou mon entraîneur, mon coach ou mon physiothérapeute ?

La conception structurale (du handicap) que j’ai reprise sur mon site essaie de formaliser ces concepts. Ainsi, pour l’adolescent, le sport par exemple, ou le soin du corps, a une dimension spirituelle importante. Et quand on ne sait plus quoi faire ou dire d’autre, devant un être fragile à la fin de sa vie, ne reste que ce corps à soigner. Si le soin du corps devenait prière, une douche une danse avec Dieu ? « Dieu tout en tous » (1 Corinthiens 15,28) ? Le Christ sur la croix, l’intention des femmes sur leur chemin vers le tombeau, vers Pâques.

Ainsi change dans notre vie l’image que nous avons de Dieu, ou de la perception de sa présence auprès de nous. Lui-même, changerait-il avec nous, ou seulement ce que nous pouvons dire de lui ? Qui sait ?  Comment parler de ce Dieu que « personne n’a jamais vu » (Jean 1,18), que « nul ne l’a jamais contemplé » (1 Jean 4,12) ?

Fritz Oser, Paul Gmünder et Louis Ridez, en publiant « L’homme, son développement religieux » (cerf, 1991), se sont retrouvés devant de telles questions, redoutables à la limite, ce qui a fait revenir Fritz Oser sur un terrain moins délicat, celui du « simple » développement du jugement moral.

Avec mes salutations fraternelles.

Armin Kressmann, mon âme est mon corps, et le Christ troublé de la Passion troublé jusqu’au fond de son être corporel

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