Turbulences ; Les Réformés en crise (Pierre Glardon et Eric Fuchs)

Je suis marié, hétérosexuel et j’ai deux enfants, mais je suis scientifique, Bernois et avec le Christ fou de Dieu. Suis-je encore réformé et apte au ministère du saint évangile dans l’Église évangélique réformée du canton de Vaud ?

C’est la question que je me suis posée après avoir lu le livre de Pierre Glardon et d’Eric Fuchs[1].

Crise des Églises réformées ? D’accord, mais est-ce grave ? Ou une simple dimension de la condition réformée ?

Disparition des Églises réformées ? Peut-être, mais serait-ce grave ? Seulement quand on confond spiritualité réformée avec paroisses et Églises locales (ou catholique) ; mais l’enjeu réel est le « Royaume ou le Règne de Dieu ».

« Vide éthique et spirituel » ? Non ! Mais confusion, oui, crise, oui, donc chance pour tout humain de « devenir ou d’être réformé », sans appartenance à une Église réformée.

La spiritualité réformée, c’est le sujet de ce livre, être réformé aujourd’hui, pour moi, c’est :

  • Rejoindre les gens là où ils sont et, sans les juger, les accompagner dans leur recherche, cheminer avec eux, avec l’équipement spirituel qui est le nôtre.
  • Dans une théologie empathique qui met au centre le crucifié (et ressuscité), c’est-à-dire l’homme ou l’être souffrant avec toutes ses potentialités de résurrection, de nouvel être (sans tomber dans les dérives du « reborn »).
  • Une spiritualité qui ne se réduit pas à l’ascétisme et la discipline.
  • Mais une spiritualité qui soigne la dimension ludique et hédoniste du Royaume de Dieu mystérieusement réel et présent.
  • Qui met en conséquence la souffrance non pas dans l’exercice et la discipline (de l’être croyant, de la spiritualité, du ministère, etc.), mais comme fait  de la condition humaine et chrétienne telle qu’elle est (fait comme « Tatsache », dans le sens wittgensteinien, donc accessible à la « science », le savoir positif).
  • Qui, par conséquent, refuse catégoriquement de faire de l’exercice et de la discipline un lieu théologique, mais met ceux-ci, toujours honorables et importants, dans le deuxième usage de la loi, donc dans la discipline ecclésiastique d’une Église comme organisation humaine comparable à toute autre institution humaine.
  • Qui accepte l’Église comme communauté « unheiliger Heiliger » (Barth), d’êtres humains a priori saints (par grâce et appartenance) dans leur non-sainteté.
  • Qui en tire les conséquences éthiques, d’accord, mais qui ne les impose pas, ou, quand elle les impose, comme Glardon et Fuchs le proposent, en tout cas pour les « ministres », dit clairement que cela s’impose non pas pour des raisons théologiques, mais purement institutionnelles (donc aliénées ; je pourrais encore entrer dans un débat sur le troisième usage de la loi, mais même là je refuserais d‘en faire un sujet de foi ; il ne s’agirait pas de foi en le troisième usage, mais toujours de foi « EN la Grande Nouvelle », évangile selon Marc, chapitre 1, versets 14 et 15).

Dans ma lecture de ce livre je ressens un pessimisme que je ne partage pas, et dans les propositions faites, notamment sur l’accompagnement spirituel et l’apprentissage dans le domaine du spirituel, un basculement d’une théologie de la grâce à une théologie qui fait de l’exercice spirituel et de l’éthique un devoir ou une obligation (« Pflicht »), donc à une théologie des œuvres. L’ascétisme n’est qu’une voie, traditionnelle, de l’exercice spirituel, la mystique en est l’autre, traditionnelle, et l’hédonisme (peut-être comme mystique) une troisième, moderne :

la joie d’être réformé, la liberté de penser librement (hautement hédoniste ; le plaisir de penser) et la liberté de croire (aussi hédoniste ; le plaisir de croire), la rencontre avec le Christ vivant, ressuscité, dans la rencontre avec autrui (le plaisir de la rencontre), en quête, souffrant, celui qui a besoin de moi, ou celui qui m’offre quelque chose (mérite du livre que je discute en ces lignes), débordant, « danser, chanter », ensemble, échanger, se disputer, s’aimer et se détester, – tout en s’aimant -, homosexuels ou divorcés, comme hétérosexuels ou mariés, toujours au service DANS cette Grande Nouvelle :

regarder autrui comme un être comme moi et ne pas confondre ce qu’il est avec ce qu’il fait ou subit, dit ou omet.

Le reste appartient à Dieu (ou aux catholiques ou aux évangéliques), ou à l’État, ou à la simple discipline de l’Église pour ceux qui discernent dans l’Église réformée comme institution aussi, – comme moi, faisant avec joie et bonheur partie du reste, misérable et minable peut-être -, une parcelle possible du Royaume. Mais il y en a d’autres parcelles … et c’est la tâche propre aux réformés de le proclamer. Le salut « hors Église » est possible, mais pas le salut hors Christ, l’être souffrant.

L’amour inconditionnel, « l’agapè » que défendent fondamentalement Pierre Glardon et Eric Fuchs, – « l’amour consacré à autrui, mais autrui considéré dans sa qualité fondamentale d’être un humain et un  prochain » -, ne connaît pas ce « mais » qui traverse à mon avis leur livre :

Tu peux être homosexuel ou divorcé, mais tu ne peux pas …

J’y réponds : tu es ce que tu es, et tu peux …

Armin Kressmann 2012


[1] Turbulences ; Les Réformés en crise ; Ouverture, Le Mont-sur-Lausanne 2011

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28 réflexions au sujet de « Turbulences ; Les Réformés en crise (Pierre Glardon et Eric Fuchs) »

  1. J’adore, Armin. C’est ce protestantisme là qui est celui d’aujourd’hui et de demain.

    Après « Laisse les morts enterrer leurs morts! », laissons Glardon et Fuchs enterrer leurs vieux modèles, et se plaindre.

  2. Pierre Glardon vient d’apporter ce commentaire par mail que je publie avec son accord :

    En fait, nous (Fuchs / Glardon) dissocions entièrement l’œuvre de la Grâce,
    qui nous échappe et est entière entre les mains de Dieu et la nécessité d’un
    témoignage qui ose intégrer croyance et vigilance (ne pas faire n’importe
    quoi, ne pas dire n’importe quoi, etc.), et invite à relire son chemin,
    clarifier ses intentions, etc.

    Non par amour pour les œuvres, mais par amour pour le Christ qui invite à
    « faire la volonté du Père ».

    Ce qui n’exclut personne, tout en plaçant chacun devant sa responsabilité
    vocationnelle.

  3. Merci Armin de ce magnifique commentaire. Par ailleurs, Glardon se trompe de diagnostic. Ses références bibliographiques sont anciennes, sauf quelques unes qu’il cite dans un sens abusif – Denis Müller a déjà réagi. Les citations de Stolz/Baillif sont scandaleuses. Glardon reproche aux Eglises de se contenter d’un changement 1 (Watzlawick) au lieu d’un changement II et lui-même ne propose même pas un changement 1. C’est un retour en arrière nostalgique qui ne tient pas compte des changements de société de ces 20 dernières années. Le problème n’est pas lié à la pratique de la spiritualité, ni aux fondements éthiques. Le problème, c’est le retard que les Eglises ont pris dans leur capacité d’entendre, d’analyser les attentes/besoins de nos contemporains et d’adapter son offre. Dans le livre de Glardon/Fuchs, une seule page (260) s’intéresse aux personnes bénéficiaires des services de l’Eglise!! C’est incompréhensible! Le livre passe à côté du vrai sujet. Glardon/Fuchs enfoncent l’Eglise dans son problème! Il faut faire exactement le contraire de ce que proposent Glardon/Fuchs: écrire un livre entier sur les attentes de nos concitoyens, de nos paroissiens et une seule page sur les conséquences que les Eglises devraient tirer plutôt que de se larmoyer sur 300 pages sur la prétendue inconsistance spirituelle des pasteurs et d’encourager les Eglises à se regarder le nombril.

  4. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos réactions au livre de Pierre Glardon et Eric Fuchs. Je dois dire qu’elles m’ont soulagé, j’avais également été très déçu à la lecture de ce livre! Son plan suggérait déjà que l’éthique (comprise ici comme discours normatif) devait être mise au centre du projet ecclésial, ce qui était très inquiétant. Le contenu du livre confirmait cette crainte…

    Non, les Églises ne seront pas sauvées par une crispation moralisante et passéiste!

    Vous le dites si bien, c’est le projet même de vouloir « sauver l’Église protestante » qui doit être mis en cause: Comme si nous en avions le pouvoir! Comme si des recettes, quelles qu’elles soient, pouvaient aller contre les faits démographiques qui à eux seuls expliquent très largement la situation du protestantisme aujourd’hui, comme Stolz et Ballif le montrent très bien.

    Je pense que cet ouvrage est dangereux, dans la mesure où il contribue à l’auto-flagellation des Églises, et où il attise des conflits dont le potentiel destructeur est immense. Il est en particulier de nature à lever les ministres les uns contre les autres, plutôt que de les aider, dans une situation où ils ont besoin de beaucoup de soutien et de reconnaissance.

    Nous devons au contraire nous décomplexer, accepter de vivre désormais dans un protestantisme (et un christianisme) redevenus minoritaires, mais non moins pertinents, à cause de leur source. L’Evangile a toujours été une force qui met en mouvement. Il continuera de l’être, avec ou sans les Églises!

  5. Cher Armin, quel plaisir de découvrir tes réflexions au sujet du protestantisme réformé tel qu’il pourrait ou qu’il devrait être aujourd’hui. Et quel plaisir de voir qu’il y a toujours de personnes capables d’intervenir dans un débat d’une manière constructive, loin de toutes polémiques, qui ne peuvent qu’être stériles. Tu prends Turbulences comme un point de départ, pour te livrer à des analyses ancrées dans le XXIème siècle et à partir desquelles des pistes d’action sont possibles.Ton intervention est la réponse que Nicolas Besson, Serge Molla, Claude Cuendet et moi-même espérions solliciter en envoyant les ouvrages de Stolz-Baillif et Glardon-Fuchs. Non des réactions plus ou moins pamphlétaires à une théologie donnée, non des règlements de compte, mais l’occasion de sortir des bois et d’une pensée en retrait pour « brainstormer » autour des problématiques posées. Certes, les deux livres n’ont pas le même statu. L’un, bien plus qu’une simple photographie du monde réformé suisse d’aujourd’hui, car parsemé de pistes d’action concrètes, démarre à partir d’une étude sociologique et anthropologique. L’autre traduit en écriture les réflexions de deux théologiens qui ont eu envie de les partager (je ne discute pas la forme). Aujourd’hui, le moment est venu que tous les ministres – tous des écrivains en puissance, tous plus ou moins conscients que le monde autour de nous change sans cesse (et ceci depuis toujours, la seule différence est la rapidité de ces changements…) – prennent la parole pour contribuer avec leurs idées et leurs propos à redessiner le rôle d’une Eglise, d’un pasteur, d’un diacre. Etre réformé est un état d’esprit, d’âme, qui ne demande pas une carte de membre. Et la communauté réformée ne peut pas et ne doit pas prétendre à l’exclusivité. Le monde de notre époque est forcément multi-communautaire. Nous devons offrir un espace et une parole entre autres, avec ou à côté des autres. Alors, encore mille mercis de ton texte et que ton attitude puisse faire des émules, parmi les intelligences capables de travailler pour l’humain, avec le Christ.

  6. Grâce à la revue de presse de l’EPG, je rentre ce soir en contact avec vous qui réagissez par blogs après lecture de « Turbulences ». Si le texte avait pour but de nous faire réagir, ministres, responsables d’Eglises et laiques engagés, cette cible risque bien d’être atteinte ! Mais les auteurs sont-ils en prise avec l’Eglise telle qu’elle vient ? La communauté vivante de celles et ceux qui choisissent librement de s’alimenter à la source de l’Evangile. Aujourd’hui, le besoin d’un « Autre en soi » (F. Carrillo) se nourrit de la Parole reçue par des voies nouvelles. Les jeunes générations savent ou sauront construire leur réseau, là où les nôtres sont encore organisés près des clochers. Elles auront besoin de trouver des témoins sur ces routes de l’humanité mondialisée; pasteurs, diacres, chrétiens, c’est là qu’il nous faut apprendre à être, pour cheminer, inviter à franchir le pas de virtualités qui pourraient se révéler insatisfaisantes et pouvoir (re)découvrir l’attachement « incarné » au Christ et la joie de la louange et de l’étude en commun. La sécularisation a du bon car elle engage à un « oui » personnel et non pas « hérité », même si trop souvent excluante de la dimension spirituelle, elle déstabilise les institutions ecclésiales. D’ailleurs, ne donne-t-elle pas déjà, comme je le crois, des signes de recomposition ? Alors, préparons-nous ensemble, enracinés dans nos spécificités réformées, ouverts à l’oecuménisme large de ceux qui sont en recherche, à relever le défi qui nous attend, celui de proclamer l’Evangile dans un XXIe siècle qui ne fait que commencer.

  7. C’est bien de sa propre responsabilité vocationnelle que de répondre à un appel pour faire la volonté du Père selon les dons qu’il a distribués et qui ne relèvent que de la liberté du Père et qui n’exclut personne. Il me semble que sous couvert d’arguments dits « anthropologiques », on risque d’avancer masqué sur des arguments qui apparaissent clairement comme « naturalistes ». Les auteurs d’arguments naturalistes connaissent en général d’ailleurs bien mal et l’anthropologie et la nature; et par ces prétextes s’appliquent plutôt à justifier les inégalités. C’est au nom de ces prétextes faussement « anthropologiques » que l’on est capable de refuser par exemple le ministère aux femmes. S’il existe des différences entre hommes et femmes, elles existent aussi bien entre deux femmes ou entre deux hommes, et en aucun cas ces différences ne sont assez importantes pour justifier des différences de condition ou de traitement. Désormais dans la communauté il n’y a plus ni juifs ni grecs, ni maîtres ni esclaves, ni hommes ni femmes. Les clivages et les dominations de l’ancien monde son dépassés.

  8. Pour un observateur extérieur, le billet d’Armin et tous les commentaires de personnalités prestigieuses qui suivent sont absolument imperméables. Il faut un doctorat en philo pour suivre. Je me demande ce que je fais ici.. Perso, j’aimerais que le protestantisme redescende un peu.

  9. Merci de ce commentaire ; je suis sensible à la remarque : « descendre un peu »

    Je crois que le protestantisme réformé le fait, au point peut- être que, dans notre monde médiatique, on ne voit plus ce qu’il fait, « sur le terrain », comme certains aiment le dire.

    En ce qui me concerne, je le fais

    au chevet d’une Eliane ou d’un Philippe
    • à côté de Claude ou de Jacob
    avec Irène, Catherine, Blanche, Daniel, René et les autres François
    avec Charly, les jeunes de la Passerelle ou de Pestalozzi
    • à l’hôpital et à la chapelle
    • avec les collègues accompagnants, éducateurs/trices, infirmiers et infirmières, enseignants, maîtres socioprofessionnels ou bénévoles

    Mais ici, sur ce site « ethikos.ch », le protestantisme que j’incarne pense et réfléchit.

    Parce que, – j’en suis convaincu, et je partage cela avec Pierre Glardon, Eric Fuchs, leurs adeptes et leurs opposants, réformés ou non -, fléchir ne suffit pas. C’est comme ça, qu’on le veuille ou non, réfléchir est une des spécificités centrales du protestantisme réformé.

    Il faut réfléchir pour faire réfléchir ceux et celles qui fléchissent, par négligence ou par paresse, ou par force, parce qu’on les contraint.

    Réflexion et résurrection sont des sœurs jumelles. Le retour au tombeau de Pâques est un mouvement de réflexion : envisager la mort. Et découvrir que le tombeau est vide, est sujet de réflexion par excellence.

  10. Je me permets de filtrer les commentaires faits sur mon blog. Jusqu’à présent je n’ai pas dû en retenir ; c’était simple, il n’y en avait pas beaucoup, et ceux qui sont arrivés étaient en général techniques (comme en principe mon blog veut l’être) et appropriés au sujet.
    Les choses semblent changer avec mon article parlant du livre de Pierre Glardon et d’Eric Fuchs ; je vois pour la première fois arriver certains commentaires qui ne correspondent pas aux règles que je tâche de respecter personnellement quand je publie sur l’Internet.
    En m’inspirant de la Tribune de Genève, qui elle-même reprend celle de la Badische Zeitung, je propose une étiquette, comme diraient les sportifs …

  11. Le lien que tu fais, cher Maurice, entre le paulinisme, – qui est peut-être le mien (théologie de la croix, justification par la grâce, etc.) -, et la crise et du protestantisme et du christianisme m’intéresse.

    Pourrais-tu le développer ?

    Armin

    PS « Les sauces » s’appellent théologie et philosophie … bonnes ou mauvaises, c’est vrai, comme toute sauce.

  12. Pour la première fois, Armin Kressman, propriétaire du Blog, évoque la nécessité de règles minimales…. et propose une « étiquette ».

    La réflexion partagée dans Turbulences ne fait rien d’autre: demander la prise au sérieux de règle minimale au sein des Eglises réformées pour que la vie fraternelle reste possible, malgré les divergences et les tentations de violence et d’instrumentalisation de l’autre.

    Par ailleurs, je serai personnellement heureux que, par correction, la réponse d’Eric Fuchs aux propos de D. Müller sur Forum de ce jour (10 février) soit aussi facilement accessible que les commentaires de l’enseignant genevois.

    Par avance, merci au gestionnaire du site.

    Pierre Glardon, Morges

  13. Tout mon blog le fait d’ailleurs, « évoquer des règles » ou parler d’éthique, mais dans la conscience que celle-ci (ou « l’étiquette ») ne justifie pas (devant Dieu) et ne sauve pas l’Église non plus …

    Encore une fois : pour moi nous sommes devant le deuxième usage de la loi et, peut-être et à discuter (ma mère était luthérienne !), devant le troisième …

    C’est tout l’enjeu de notre débat : Loi et Évangile, et ainsi nous sommes des « bons » protestants (sans être justifiés par là).

    Armin

    PS Liens vers les émissions « Forum » insérés

  14. Je vous propose cette confession de foi de John Shelby Spong, évêque honoraire de Newark et professeur à Harward avec F.Bovon comme collègue aussi retraité:
    Il analyse dans son livre « A new Christianity for a new World » 2001 Harper SanFrancisco p. 145 et 199 les difficultés d’être chrétiens dans des institutions qui pratiquent le « patois de Canaan » et les gesticulations obscures…
    J’ai essayé de traduire ce qu’il écrit dans une Confession de foi pour le XXIe siècle
    —————
    Dieu est la source de la vie qui est célébrée
    lorsque nous vivons pleinement.

    Dieu est la source de l’Amour qui est célébré
    lorsque nous aimons pleinement.

    Dieu est le fondement de l’être qui est célébré
    lorsque nous avons le courage d’être vraiment.

    Jésus est Présence de Dieu, une voie, un cheminement ouvert :

    L’accomplissement de sa vie révèle la source de sa vie
    Son amour sans limite révèle la source de l’Amour.
    Et sa manière d’être révèle les fondements de tout être.

    Je fais l’expérience de Dieu lorsque je suis un agent de vie,
    d’amour ou d’être pour autrui.

    Parce que le Dieu que je célèbre,
    ce Dieu que je vois en Jésus de Nazareth,
    se révèle aussi dans la personne de chacun.

    Ce Dieu est présent dans l’Amour de chacun,
    ce Dieu se rencontre dans l’être de chacun.

    Ce Dieu m’appelle constamment à être l’incarnation de cet amour divin, un témoin de la réalité et de la vie divine.

    J’y parviens en travaillant au développement
    de l’humanité de chaque personne,
    en libérant la vie présente en chaque personne,
    en développant l’amour disponible en chaque personne,
    et en célébrant l’existence de chaque personne.

    C’est dans ces actions que je discerne vraiment les traces de Dieu
    et que je sais que Dieu s’est manifesté à cet endroit
    avant moi et parfois … à cause de moi.
    ————–
    Pour le reste des commentaires et du livre d’Eric et Pierre que j’aime bien comme collègues, je rappellerai que Jésus n’a eu de cesse de rappeler que les institutions et leurs fonctionnaires sont souvent loin de réaliser le Royaume de Dieu … et dans Apoc 21, la nouvelle Jérusalem ne comporte aucun ecclésiastique ni lieu de culte…
    OK d’ici là il faut un minimum « d’ordre dans les assemblées » mais de grâce (divine) défendons la charité, la vérité, la justice et la liberté et notre protestation relèvera la réputation du … protestantisme !

  15. Quel plaisir de lire et de partager nos réactions, avec pour mot d’ordre (du Christ) de rester dans l’amour (un brin) fraternel. Personnellement, je sens bien que le côté institution (« à définir et défendre ») ne me suffit pas, j’ai besoin d’être rejoint dans mon intérieur. Parce qu’elle est une construction humaine à ne pas confondre avec la Parole qui vient de Dieu. Derrière sa façade, très extérieure , j’ai besoin d’entendre le souffle de l’Esprit, qui me touche à l’intérieur, et dans mon existence, comme par exemple d’AIMER Dieu en plus du prochain. Quel programme!
    Quand je lis ici les réactions de chacun, elles m’intéressent, nourrissent ma réflexion. Mais je suis aussi touché par la dimension affective qui l’accompagne. Quand j’y entends une prise de bec, une lutte pour le pouvoir, au lieu d’être dans un lieu ou s’expriment plusieurs langues, comme à la Pentecôte, j’ai envie de quitter cette institution, comme d’autres citoyens de notre pays. Un deuil à faire…
    Et si on parlait aussi de « l’église émergente », celle qui apparaît progressivement et se construit en dehors des murs de nos églises, de nos définitions ecclésiastiques? Et qui rassemble le foisonnement de créativité des premiers chrétiens?

    Marcel Raymond Vonnez, pasteur retraité et collègue de Pierre Glardon

  16. Ma pratique pastorale m’apporte chaque jour la conviction que seulemet une théologie et une spiritualité ouverte, laïque, humaniste et progressive peut apporter quelques bribes du Royaume pour le monde autour de nous, sans distinctions confessionnelles ou idéologiques. Le pensée réactionnaires sont une partie de la cause de la crise que les églises chrétiennes traversent aujourd’hui. Et ils sont tellement aveugles qu’ils ne se rendent même pas compte de cela. Les « succès » des évangéliques ou des catholiques intégristes ne sont que marginaux et éphémères, outre que dangéreux….Merci à tous ceux qui ont véritablement à coeur le Royaume et les humains

  17. Relisant le Commentaire de Gabriel Bader à propos de turbulences, j’ai été interpellé par la remarque selon laquelle mes (en fait, il s’agit des nôtres, Fuchs / Glardon)  » références bibliographiques sont anciennes, sauf quelques unes qu’il cite dans un sens abusif (…).

    Reprenant l’index de ouvrages cités par Fuchs et moi-même, j’arrive à la conclusion suivante :

    Ouvrages anciens: env. 10 (Aristote, Eckhart, Luther, Calvin, Freud, Ellul, etc.)

    Parus entre 1950 et 1959: 0
    Parus entre 1960 et 1969: 1
    Parus entre 1970 et 1979: 3
    Parus entre 1980 et 1989: 5
    Parus entre 1990 et 1999: 17
    Parus entre 2000 et 2009: 26
    Parus entre 2010 et 2011: 6

    Hors les « classiques », plus du 50% des ouvrages cités ont été publiés entre 2000 et 2011; six de’entre eux entre 2010 et 2011. Plus du 75% entre 1990 et 2010, soit dans ces 20 dernières années.

    Je peine à comprendre en quoi nos références sont anciennes. A moins que tous les auteurs soient cités de manière abusive….. .

    Après relecture, je ne vois pas non plus en quoi « les citations de Stolz/Baillif sont scandaleuses ».
    La première citation (p. 293) de ces chercheurs rapporte que « les tendances générales du changement social se poursuivront inexorablement et les Eglises n’y pourront rien changer ».

    La deuxième citation (p. 294) rapporte que les « Eglises cantonales devraient davantage ‘inspirer des expériences positives des autres »

    La troisième citation remarque que « les stratégies adoptées par certaines Eglises cantonales ne sont pas toujours optimales (…). Il n’est plus possible de prétendre changer de cap tout en s’accrochant à ce qui existe ».

    Où est le scandale, une fois admis qu’en effet, ces constats sont susceptibles de déranger ?

    Visiblement, il y a un problème de lecture et d’herméneutique.

    Pierre Glardon, Morges

  18. BONJOUR,
    c’est dans REFORME du 8 mars 2012 que je découvre les turbulences qui secouent l’Eglise protestante dans le pays qui m’est cher et dont je viens. C’est avec un grand intérêt que j’ai regardé les différents sites, lu la lettre de Pierre Gisel, les réactions de Denis Müller, les interventions de collègues suisses dont j’en connais certains. Pour l’instant en France, nous avons d’autres problèmes, d’autres projets (l’union entre réformés et luthériens) et notre environnement ecclésial est différent. Je pense que la crise est grave, mais si le débat reste ouvert, respectueux, profond, cette crise pourrait être bénéfique et nous apprendre à être « réformé » au XXIème siècle dans une société en profonde mutation qui bouscule et qui nous dépasse souvent. Je vous souhaite force, courage, espérance sans oublier l’humour (bien que ce ne soit pas une vertu théologale) pour traverser ces turbulences, tenez bon.

    Martine Millet Pasteur ERF retraitée

  19. Quelle que soit l’Eglise dans laquelle nous sommes, Jésus nous relie par son appel à aimer, de construire un LIEN à notre être profond, à l’autre et à Dieu. Un lien qui passe par la proximité, l’intimité, la compassion, le non-jugement. C’est à ce prix que nous retrouvons le contact avec les gens, chrétiens et non-chrétiens.
    Face à la situation d’aujourd’hui, qu’est-ce que nous choisissons? le lien avec les gens ou avec la loi? Vivent les principes et meurent les hommes?
    Personnellement j’aime le contact avec les gens, ce contact vivifie ma foi. Et j’aime voir comment Jésus s’y prend dans le contact avec les gens.

    Marcel R. Vonnez, pasteur de l’EERV

  20. Salut Armin, ces questions me préoccupent aussi et différemment. J’arrive « après la tempête ».

    Trois pistes à examiner…

    La piste des oeuvres de la grâce :
    N’y a-t-il pas une articulation possible de la grâce et des oeuvres ainsi : grâce + foi > oeuvres ?
    Les oeuvres chrétiennes, donc conformes aux « étiquettes » dont vous avez déjà parlées.
    La difficulté surgit, par exemple, lorsque nos « posts  » ne sont pas conformes à l’étiquette. Lorsque l’on n’est pas en accord sur ces étiquettes. Ou encore lorsque l’on fait d’une marge une norme.

    La piste de la vie de l’Esprit :
    Lorsque je désire faire et fais ce que je dois, Dieu fait ce que lui seul peut faire.

    La piste du besoin et des buts :
    Christ, le bon Berger, nous conduit vers de verts pâturages. Il nous conduit afin de répondre à un besoin. Et il répond à un besoin afin de nous conduire. Opposer besoins et buts, pour moi, c’est comme opposer structure et vie, inspiration et contexte, humanité et divinité, paroles et actions, vécu et idéal, devenir et être. La foi ne permet-elle pas un équilibre dynamique entre ces facettes de la vie chrétienne ?

  21. Cher Maxime,

    Je te remercie de ta réaction ; elle nous invite à nous poser la question si différence il y a entre « étiquette » (le style du « jeu », la classe, présente ou absente, la manière de jouer) et « oeuvres », le résultat du jeu. Pierre Glardon, si je comprends bien, reprend ce que je voulais dire par « étiquette » en l’identifiant avec les oeuvres. Je distingue nettement les deux : on peut bien jouer et quand même perdre le jeu, mal jouer, voire tricher, et gagner (un jeu). Les deux, étiquette et résultat, ont la qualité d’oeuvres, c’est vrai ; mais l’un, les oeuvres, donc le résultat, appartient pour moi entièrement à Dieu, est de l’oeuvre de la grâce, l’autre, qu’on pourrait aussi appeler la morale, est oeuvre de l’homme. Le salut, aussi l’avenir de l’Eglise, appartient entièrement à Dieu, que nous jouions bien ou mal ; c’est ce que je crois, et c’est ce qui me donne la liberté de « bien jouer », j’espère, sans souci du résultat. Je préfère perdre « avec classe » à gagner d’une manière « incorrecte ». Même si Dieu, d’après la bible, me semble-t-il, ne partage pas forcément mon appréciation de ce qui est bien ou mal.

    Armin

  22. Bonjour
    Je ne partage pas du tout votre point de vue, si je peux me permettre de le dire.
    J’ai beaucoup aimé Turbulences, je trouve qu’il met le doigt sur les vrais problèmes. Je trouve aussi sa proposition de formation spirituelle des adultes très intéressante. La dimension spirituelle manque souvent dans l’Eglise réformée.
    Même s’il est évident que le salut se reçoit par la la Grâce seule, vivre de façon cohérente avec ses convictions affirmées n’est pas un luxe. L’articulation du triple amour proposée par les auteurs me semble très juste.
    J’ai suivi tout le cursus de la licence de théologie à Neuchâtel à la fin des années 1980, même si je n’ai pas passé tous les examens. J’ai grandi dans l’EREN, j’y ai vécu longtemps, mais maintenant je m’en suis distancée. Je n’y trouve plus ni fraternité ni spiritualité, je n’apprécie pas non plus le nouveau découpage des paroisses.
    Je pense que l’Eglise réformée devrait s’inspirer des pratiques des Eglises évangéliques (groupe de maison et exigence de cohérence éthique), Je regrette d’avoir le choix entre une Eglise où je ne trouve ni la fraternité ni la spiritualité qui me conviennent et une Eglise où on trouve ces composantes, mais dont je ne peux partager le lecture naïve et non critique de la Bible. Pour ma part je pense que le livre de Pierre Glardon et Eric Fuchs répond à cette attente en proposant des pistes intéressantes, tout comme la communauté de Grandchamp.

  23. Merci pour cette lecture réfléchie et le commentaire, qui saisit très exactement quels étaient pour les auteurs l’un des enjeux de Turbulences : réaffirmer une identité réformée susceptible de ne se point dissoudre dans un pluralisme civil et mondain a-critique, soit capable de s’affirmer tant face à un ultra-libéralisme menacé d’agnosticisme que face à une approche par trop évangélicale des Ecritures (dont on connaît les limites).

    De ce point de vue, les faux procès que l’on a fait au livre au sujet de la Grâce et des oeuvres ne tient pas, évacuant complètement l’importance évangélique de l’appel à une cohérence entre le dire et le faire.

    Fin novembre, deux conférences à Crêt-Bérard – celles de Tomlin, par ailleurs ancien professeur à Oxford (GB), créateur d’une nouvelle Haute Ecole / Académie de théologie anglicane à Londres, et celle de H. Eschbach (NL), pasteur hollandais, co-créateur d’un d’un repositionnement réformé ayant abouti à la création de 1’500 Groupes de maison – ont démontré de manière incontestable que cette voie est possible, riche de promesses et d’opportunités.

    Ce qui nous surprend, c’est qu’au-delà des polémiques initiales,Turbulences poursuit son petit bonhomme de chemin: une 2e édition (1’000 ex.) est sortie cet été, les 1’200 premiers exemplaires de l’ouvrage étant épuisés.

    Avec mes / nos Voeux à l’auteure et aux lecteurs de ce Blog

    Bien cordialement: Pierre Glardon
    26 décembre 2012

  24. Que dis-tu, cher Pierre, de ces faits (bibliques) :

    Moïse, qui a commis un meurtre ; Abraham, qui était prêt à sacrifier son fils sans que Dieu le lui ait demandé ; Jacob, un menteur et trompeur, tout au long de sa vie ; David, qui fait tuer son rivale et prend sa femme ; Paul (Saoul), qui persécute les chrétiens … ?

    Tous inaptes au ministère ?

    Heureusement il y a Job qui persiste, devant notre Dieu qui, lui cette fois-ci, se révèle amoral, selon les critères de la (notre, ta) morale.

    Tout cela, évidemment, ne justifie ni amorale ni immorale, mais parle contre une justification par la morale que, je sais, tu réfutes aussi, tout en la proposant cependant comme critère de sélection. Pour moi, dans ton argumentaire, il y a un double lien.

    Je maintiens : ce que tu mets en avant, je le mets derrière ; en plus je refuse de faire un lien directe entre les deux.

    Sola gratia ! Et la fides qua creditur, mais celle-ci n’appartient pas à l’Église (si celle-ci veut être protestante réformée) et ne se laisse pas confondre avec la morale. Je résiste, sinon mon ministère dans ces milieux traversés par la faute, la violence, la culpabilité, le mensonge, la peur et l’angoisse, là où on ne sait plus qui est fautif et qui est victime (c’est ça le monde), serait impossible. Le jugement des coeurs appartient à Dieu, en esprit et en actes. Je crois que mon positionnement est beaucoup plus exigeant : pour une fraternité universelle (« multitudiniste ») et non pas sélective.

    Enfin : je ne conteste pas le succès, ce serait adopter ta logique ; mais il ne justifie rien (l’échec non plus).

  25. Armin,

    Je peine à comprendre le propos. Mais enfin…

    Il n’est pas question ici, dans la vision qui est la mienne, de sélectionner quiconque ou de confier un ministère à qqn, ou d’utiliser la morale comme critère de sélection, ou de … etc., etc…

    Mais juste d’entendre et de partager un appel évangélique à la cohérence, un message (évangélique) invitant à changer sa vie pour que le faire rejoigne le dire, l’acte l’identité sensément assumée.

    Dans ce sens, le droit fondamental de chacun de vivre sa vie comme il l’entend devant Dieu et devant les hommes ne saurait amputer la prédication évangélique de cet appel à la responsabilité et au témoignage. Ma vie témoigne-t-elle (et comment ?) d’une quête pour toujours mieux « Aimer Dieu et aimer mon prochain comme moi-même ».

    Il y a et l’appel, et aussi le droit de l’accepter ou de le refuser en conscience (selon mes talents, et dans la mesure où je suis mature et conscient)

    Mais, je le répète, je peine d’autant plus à comprendre le propos précédent que, selon les vieux récits, Abram est arrêté par Dieu dans son erreur, que Jacob renonce un jour au mensonge, que Moïse au désert se soumet pleinement à une volonté qui n’est plus la sienne, mais celle de Dieu, que David se repent, etc.

    Que ces récits soient historiques ou mythiques, ils disent sensiblement la même chose: l’entrée, la révélation, la découverte de Dieu dans un existence invitent à un consentement et à un changement. L’homme (à l’instar de Pharaon) restant naturellement libre de récuser l’appel, de refuser Dieu, ou de biaiser (la conduite pharisaïque dénoncée par Jésus). Mais répons et refus ne peuvent être confondus devant Dieu ou devant les hommes: ils ont un poids, une densité, un sens.

    Je peux aussi évoluer, et m’ouvrir à un changement.

    De ce point de vue, oui, nombre de remarques entendues cette année (une minorité malgré tout) faisaient à mon sens un mauvais procès à Turbulences.

    Et dans ce sens, si l’on ne sait effectivement plus parfois si nous sommes plus fautifs ou plus victimes, il reste toujours possible de progressivement refuser le passage à l’acte de la vengeance, de la délation, du jugement, de la calomnie, ou de continuer dans ces voies, en se donnant des excuses.

    Je crois vraiment que nous sommes évangéliquement appelés à changer; et que le refus de juger le prochain n’implique pas le renoncement à un cheminement (au sens de celui décrit par Turbulences), non pour acquérir la Grâce, mais pour répondre à un appel (vocations générale et particulière chez Calvin).

    Avec mes Voeux pour l’An neuf.

    Pierre Gl.

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