- Au centre des préoccupations est la personne.
- La personne au centre, l’ultime doit aussi être une personne.
- Une personne, c’est un nom, voire un prénom.
- Le nom de l’ultime en tant que personne est Dieu.
- Son prénom, tout en étant connu, il nous échappe.
- Toute personne, même proche et connue, nous échappe dans son intimité.
- Ce fait s’appelle la dignité de la personne, ou sa sainteté.
- Dans sa radicalisation, une personne étant une personne parmi les personnes, l’ultime est parmi nous, Dieu parmi et avec l’homme : Emmanuel, Jésus de Nazareth. L’absolu rentre dans le relatif et assume la condition humaine, affronte ainsi la mort. Ce dépouillement est la figure paradigmatique de la posture professionnelle de l’accompagnant du spirituel.
- Le professionnel, quel qu’il soit (même l’aumônier, d’abord spécialiste d’un religieux, finalement d’une fonction sacerdotale et prophétique), sait user de sa compétence professionnelle jusqu’aux limites de son professionnalisme, là où l’enjeu n’est plus technique (pour l’aumônier théologique), mais la dignité de la personne en tant que personne, le point où ce qui prime n’est plus une compétence et un savoir techniques et déontologiques, mais la rencontre interpersonnelle. A partir de ce point, le professionnel sait suspendre, sans le renier, son savoir professionnel (« kénose », Etienne Rochat). Face à la vulnérabilité de son vis-à-vis, il sait « se mettre à nu », lui aussi, sans perdre sa dignité et sans agresser son vis-à-vis dans sa nudité à lui.
- L’enjeu est ainsi la maîtrise professionnelle de la distance professionnelle (ou thérapeutique). Celle-ci n’est pas statique, ce qui donnerait en matière de spiritualité une posture purement laïque, mais elle est dynamique. L’accompagnement se laisse interpeller dans sa foi et ses convictions : il est empathique. Il sait « s’immerger » dans la souffrance d’autrui, sans s’y perdre. Son professionnalisme fait qu’il sait « s’en sortir » aussi, davantage, il sait même accompagner son vis-à-vis dans son cheminement à lui, sa sortie, afin qu’il ex-iste de nouveau là où son existence à perdu son sens. Il sait « orienter » et réorienter le cheminement, s’oriente et se réoriente lui-même en fonction de ce qui se passe.
- Dans une vision chrétienne s’impose donc une théologie de la croix, « Dieu infirme », la croix étant la seule manifestation affirmative « positive » (dans le sens philosophique du terme), complète et entière de la divinité. C’est sur la croix qu’il se fait voir.
- L’affirmation que souffrance et mort n’ont pas le dernier mot s’appelle résurrection. Le tombeau étant vide, la vie affirmée le transforme en matrice, en lieu de naissance. Le vide a une enveloppe. L’accompagnant spirituel parlerait de fonction enveloppante et de « co-naissance ». Sa posture devient maïeutique, il devient « accoucheur ».
- Philosophiquement le professionnalisme de l’accompagnement spirituel s’exprime de manière abstraite. On parle d’ultime, d’absolu, d’être humain et de personne, de relatif et de concret, etc. Quand on passe au concret, le professionnalisme passe au religieux, en actes et en paroles : là où il y avait le concept d’ultime et d’absolu, il y a un nom, Dieu, là où on parlait du relatif, de personne, de destinataire aussi un nom : « toi », … Dieu pour toi. Dieu dans le sensible est les Écritures, la bible, une tradition, des rites et des dogmes, une dogmatique là où l’institutionnel parle de « management de qualité », une communauté et des communautés, une Église, universelle celle-ci, et des Églises institutions, catholique romaine, évangélique réformée, luthérienne, méthodiste, orthodoxe russe ou grecque, etc. etc.
- Mais ce qui compte, si la personne est au centre des préoccupations, c’est une relation, de personne à personne (« Ich-Du-Relation »), qui persiste même là où je faillis en tant qu’accompagnant comme personne et là où faillit l’institution en tant que communauté : Dieu pour toi, en Jésus Christ, affirmé en ce livre que nous appelons le livre, bible. Au commencement était le Verbe … et le Verbe était une personne …
Armin Kressman 2011