Fêtes chrétiennes et condition humaine (ou handicapée) – Pour une déontologie du spirituel

« Au fil de la vie – Pierrot découvre les fêtes chrétiennes »

Un livre sur les fêtes et les rites chrétiens, – les grands passages de la vie que sont la naissance, l’adolescence, le mariage et la mort ; particulièrement adapté aux familles, illustrations Amélie Buri

Dans la pratique éducative, dans l’accompagnement et dans la formation des personnes accueillies en institution, même dans le religieux sont d’abord à relever sa dimension et sa fonction pédagogiques (ou éducatives) et philosophiques (ou théologiques), avant son aspect proprement religieux, c’est-à-dire la célébration en actes et en paroles d’une réalité reconnue comme absolue et ultime (par ailleurs, parler de Dieu est justement refuser de reconnaître une réalité autre qu’absolue comme absolue et ultime). Je défends donc en tant qu’aumônier une pratique religieuse contrôlée et consciemment réfléchie, d’abord et aussi pour des raisons pédagogiques et éducatives. Les fêtes chrétiennes nous offrent une pratique dans une telle perspective, la structuration dans le temps, l’espace et l’esprit des questions ultimes issues de la confrontation avec la vie et la mort, le bonheur, le malheur et la souffrance, la justice, l’injustice, les conflits et la paix, l’origine et l’au-delà, finalement des pistes pour scruter le sens de la vie.

Tableau des fêtes chrétiennes, leur sens biblique, leur signification et leur fonction pédagogique et socio-éducative (fichier .pdf)

Fête Texte biblique Signification Fonction éducative et pédagogique
Dimanche Le ciel et la terre et tous les éléments furent achevés. Dieu acheva au septième jour l’œuvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute l’œuvre qu’il faisait. Dieu béni le septième jour et le consacra. (Genèse 2,2-3) « Jour du Seigneur », un jour mis à part et consacré à Dieu, donc face à l’ultime ; premier jour de la semaine, commencement d’une nouvelle création, dans une perspective de libération et liberté responsable. Rythmer et ritualiser la semaine. Jour de repos et de prise de distance par rapport à l’œuvre hebdomadaire accomplie et les difficultés du quotidien.
L’année de l’Eglise C’est la justice de Dieu par la foi en Jésus Christ pour tous ceux qui croient, car il n’y a pas de différence : tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu, mais sont gratuitement justifiés par sa grâce, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus Christ. (Romains 3,22) L’autonomie comme hétéronomie librement choisie ; appartenir à Dieu signifie appartenir à personne d’autre. Rythmer et ritualiser l’année.L’institution comme moyen et non pas comme finalité. Rappel permanent de la dignité de la personne humaine.
L’année de l’Eglise commence avec l’Avent (adventus, arrivée)Les dimanches de l’Avent Elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple. (Matthieu 1,21) Temps de l’attente et de l’espérance. Annonce d’une nouvelle naissance et du salut pour tout un chacun. Se rendre compte de l’ambivalence de l’attente, marquée par l’espoir et l’appréhension, entre le jour et la nuit, la lumière et l’obscurité. Assumer et surmonter les résistances multiples dans la réalisation des projets éducatifs.
St. Nicolas Parle à toute la communauté des fils d’Israël ; tu leur diras : Soyez saints, car je suis saint, moi, le SEIGNEUR, votre Dieu.(Lévitique 19,2) La sainteté ; l’appartenance à Dieu L’action humaine dans une perspective de grâce. Concevoir la vie, – donc aussi autrui et les situations les plus difficiles -, comme don.
Noël Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un sauveur qui est le Christ seigneur : et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. (Luc 2,11.12) L’incarnation, Dieu parmi nous, Emmanuel, la lumière dans les ténèbres. L’ultime rejoint l’être humain dans sa condition de vie humaine. Une naissance misérable porteuse d’espérance de salut et de guérison. La solidarité et le soutient mutuel sont possibles, même et surtout dans les conditions de vie marquée par la fragilité et la vulnérabilité. Dépasser l’asymétrie dans les relations.
Epiphanie Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage. (Matthieu 2,11) Théophanie – Manifestation divine du Christ. Reconnaître les limites du pouvoir institutionnel et de tout professionnalisme. Relever la question de la motivation et de la vocation.
Temps de la Passion ou Carême Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté se réalise. (Matthieu 26,42) Préparation au baptême, à la « nouvelle naissance », faire son « chemin de croix » en revivant les étapes de la passion du Christ. La condition humaine à l’horizon de la mort.
Semaine sainte Je ne connais pas cet homme. (Matthieu 26,72) La passion du Christ. La communauté, exposée au risque de l’éclatement, se concentre sur l’essentiel.
Jeudi saint Prenez, mangez, ceci est mon corps. (Matthieu 26,26) Institution du « repas du Seigneur » (cène ou eucharistie) La parole rendue manifeste, tangible, l’invisible visible. Dans la communication différencier entre information et support d’information.
Vendredi saint Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Matthieu 27,46) Pâque de la crucifixion ; la croix du Christ. L’impuissance devant la mort. L’ultime « visible » se fait voir dans la souffrance humaine.
Dimanche de Pâques Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit. (Matthieu 28,6) Pâque de la résurrection, le tombeau vide, « rien à voir ». La « gloire » est invisible. Le vide et les angoisses du vide comme matrices pour une nouvelle naissance, co-naissance. L’acte de foi, croire sans voir. Croire, en qui, en quoi ?
Ascension Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? (Actes 1,11) Le pendant de Noël, Dieu absent, « dans le ciel ». « Lâchez-moi les basquets ». L’œuvre de paix rendue à la responsabilité humaine, dans un régime de confiance et de grâce. C’est ici où se joue ce qui est de l’ordre du devoir, donc de la déontologie.
Pentecôte Dieu l’a fait et Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous aviez crucifié. (Actes 2,36)Bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. (Jean 20,29) Le don de l’Esprit Saint. Reconnaître une présence autre de l’ultime, « l’animation » de la vie, corps et esprit (âme). La dimension spirituelle de la vie humaine ; le spirituel dans un modèle bio-psycho-socio-spirituel. Quelle relation (ou esprit) aux relations ?
De l’Avent à Pentecôte : le cycle de vie du Christ Il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme : il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. (Philippiens 2,7.8) L’ultime, l’absolu rejoint la condition humaine (le relatif) dans toute sa tragédie. Le dépouillement, – donc la suspension (pas le reniement) -, de toute compétence professionnelle devant des situations extrêmes pour devenir, en situation, simple humain devant l’humain (la sollicitude dans les soins palliatifs).
Cycle de l’Eglise, « corps du Christ » J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. (Romains 8,18)C’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. (Jean 9,3) « Devant Dieu et avec Dieu vivre sans Dieu. » (Dietrich Bonhoeffer). La condition humaine : « en situation de handicap ».
Jeûne fédéral Le règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile. (Marc 1,15) « Journée fédérale d’action de grâces, de repentance et de prière » Reconnaître une transcendance, donc le tiers en toute relation.
Récoltes Lorsque Dieu commença la création … (Genèse 1,1) La nature (l’environnement) conçue comme création : le vivant comme don. Respect de la dimension écologique, c’est-à-dire de la dignité de tout être vivant, dans le vivre ensemble. Dans l’instrumentalisation, inévitable, maintenir un surplus et reconnaître l’essentiel dans ce surplus (et non pas dans l’instrumentalisation).
Réformation Nous avons été affranchis de la loi, de sorte que nous servons le régime nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime périmé de la lettre. (Romains 7,6) L’affichage des thèses de Luter. Le salut par grâce. Vivre sous un régime de don mutuel, et non pas de mérites ou de dûs.
Toussaint Parle à toute la communauté des fils d’Israël ; tu leur diras : Soyez saints, car je suis saint, moi, le SEIGNEUR, votre Dieu. (Lévitique 19,2) La sainteté non pas comme devoir moral, mais simple appartenance à Dieu. Être reconnu, en tant que tel. Sainteté et dignité humaine comme synonymes.
Jour des Trépassés Il essuiera toute larme de leurs yeux. la mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu. (Apocalypse 21,4) La commémoration des défunts. En-visager la mort, structurer les chemins de deuil, dans une perspective de vie et de paix.

Armin Kressmann 2011

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