Arrivé au point de comprendre la spiritualité comme enveloppe de l’enveloppe de l’enveloppe, s’impose finalement la question du religieux, sans penser tout de suite à son côté institutionnel :
les situations extrêmes nous poussant aux limites (et parfois au-delà, probablement plus souvent qu’on ose l’admettre), l’ultime se manifeste. Accepter son impuissance ou insister sur sa raison et devenir soi-même tout-puissant ? Menace l’institution totale ou totalitaire d’un Erving Gofman. Juste gérer l’ingérable ? Se rendre coupable ? Contention pour elle-même ?
Déjà pour des raisons philosophiques je ne vois pas d’autres issues qu’admettre une altérité inaccessible, toute-autre, où le reste est porteur de sens pour l’ensemble. Une fois arrivé au seuil du passage de la raison à la foi, par empathie avec et par solidarité pour cet être humain souffrant et totalement dépendant (de moi et de l’institution), le saut devient impératif. Se remettre ensemble en cette instance qui nous dépasse l’un et l’autre est de nous remettre à pied d’égalité et ouvrir le champ d’une liberté commune nouvelle. Ce n’est que la communauté qui peut le faire ; à l’institution la loi l’interdit.
La communauté est garante d’une réalité autre, inclusive, au milieu d’une réalité d’exclusion.
La communauté est enveloppe renvoyant à une autre enveloppe, l’ultime et la définitive dirait la foi.
Ainsi, le centre de l’Église est hors église, et son sens aussi.
En théologie on utilise la métaphore du « royaume de Dieu ».
Ernst Lange parle de « communauté incognito »[1], de ceux et celles qui croient en une « alliance accomplie et pleine » et une « paix accomplie et pleine » (p. 69)
N’y étant pas encore, la foi se positionne dans la réalité telle qu’elle est en pointant ce que celle-ci signifie à la lumière de la promesse :
« Präsenz des Glaubens in der Situation, die ihn angeht, heisst diese Situation wahrnehmen, ‘wie sie wirklich ist’, zugleich aber fragen, was sie im Licht der Verheissung ‚eigentlich bedeutet’ und wie si erscheint, wenn man nach ihrer in Christus eröffneten Zukunft ausschaut.“ (p. 121)
Pratiquement nous devrions en conséquence requestionner le rôle du culte en institution comme lieu d’interrogation du sens en situation de non-sens.
Armin Kressmann 2011
[1] Ernst Lange ; Chancen des Alltags ; Kaiser, München 1984 ; p. 139