« respirE – Éthique (théologique) »

Significations du handicap mental : 11.14.3 « respirE – Éthique (théologique) »

Une bonne centaine d’articles de ce blog « ethikos.ch » traite d’éthique et de bioéthique, une partie plus spécifiquement d’éthique du handicap (mental), dont un certain nombre se recoupe avec la spiritualité.

L’assistance au suicide a été le sujet d’un travail de séminaire lors de ma formation en éthique médicale. Mais la problématique est aussi aiguë en milieux d’éducation, là où la capacité de discernement est donnée. En institution socio-éducative, faut-il entrer en matière quand il y a demande d’accompagnement d’assistance au suicide, d’une manière organisée ou non, qui, comment, quelles sont les limites de l’accompagnement, quelles sont les implications pour l’entourage, par rapport aux valeurs défendues par l’institution (l’établissement), la mission, etc. ?

Dans ce même cadre de formation j’ai travaillé la question de l’autonomie, premier des quatre piliers de la bioéthique (avec la bienfaisance, la justice et l’équité). Ce principe est aussi celui qui est le plus souvent avancé dans les milieux éducatifs, étant pour la majorité des éducateurs la finalité de leur engagement. Je l’ai en un premier temps articulé avec la bienfaisance, puis élargi le champ vers la « capabilité » et la vulnérabilité, ce qui est indispensable quand on est devant et avec des personnes aussi fragiles et fragilisées.

Théologiquement, mais peut-être aussi anthropologiquement, l’autonomie est un non-sens. Toute autonomie, même la kantienne, est une hétéronomie choisie : Dieu, la raison ou une autre instance, quel est mon législateur et quelle est la loi que je m’impose ? La raison, comme nous l’avons vu, exclue, – « amentes sunt isti » -, et nous condamne pour cette raison. Pour le chrétien la réponse est donc assumer son hétéronomie, qui devient en l’occurrence « théonomie » : se remettre à l’instance première et ultime, le tout-autre qu’est Dieu, comme législateur absolu, qui se dépouille cependant en cet autre moi-même qu’est Jésus de Nazareth, Christ et Dieu lui-même (cf.  ma théologie paradoxale, matricielle ou palliative). Au premier abord le même constat, dans l’impuissance humaine qui est la nôtre le jugement tombe : je suis coupable ; livré cependant à la miséricorde et à la grâce, manifestes dans le dépouillement, que Dieu m’accorde dans son amour inconditionnel qu’il porte à mon égard, amour sujet et centre de ma foi. Ainsi justifié, – par grâce et non pas par mérite (qui s’appelle dans le monde économique et institutionnel management de qualité) – je peux, peut-être, assumer librement cette responsabilité de l’ultime (une personne !) qui me dépasse au fond ; plus, je suis même appelé à le faire, au service de ce Dieu (personne !) qui se révèle, peut-être, mystérieusement dans cette rencontre bien particulière. Au fond, nous travaillons comme accompagnants sous le régime du troisième usage de la loi, l’usage didactique, qui, – comme pour Calvin déjà au niveau général -, devient pour nous en milieu éducatif aussi l’usage principal[1].

éducationArmin Kressmann 2011


[1] Je rappelle les trois usages : l’usage théologique (celui qui dénonce l’effort de vouloir nous justifier et nous met devant nos échecs, nous condamne donc), l’usage politique (celui qui permet à la société de s’organiser, en l’occurrence le fait institutionnel lui-même, avec ses règlements et ses procédures ; devant des situations extrêmes mis en échec en notre milieu, lui aussi) et l’usage didactique (conscients des deux autres usages faire notre travail en toute humilité, utiliser la loi juste pour organiser et structurer le travail, comme simple indicateur, mais fondamentalement compter sur la grâce d’un autre, tout-autre, comme seule instance législatrice véritablement valable : le résident, la conscience, Dieu ? Avec tous les risques que cela comporte, notamment celui d’être en pratique et devant l’autre « seul responsable » : entièrement responsable de lui et, si nécessaire, assumer « seul » l’échec).

 

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