Significations du handicap mental : 11.1 Soigner ou éduquer ?
Soins, éducation, formation et enseignement ne se laissent pas séparer. Autrefois tenus ensemble au sein de chaque corps de métier, – « le pasteur, le médecin et l’instituteur » -, et s’inscrivant dans une vision du monde plus ou moins homogène commune, – « le village, son église et son école » -, ils constituent aujourd’hui des sphères bien distinctes, auxquelles se sont ajoutées et s’ajoutent par une spécialisation de plus en plus fine continuellement d’autres sphères et professions. Celles-ci, par le fait que l’être humain avec ses besoins et ses facultés reste profondément le même, doivent cependant non seulement collaborer en se juxtaposant, mais toujours s’inscrire dans une vision commune. Ceci est vital pour le handicap sévère et lourd, avec des personnes qui expriment tout à travers le corps et dans des secteurs où les équipes doivent être mixtes, composées d’éducateurs et de soignants collaborant étroitement avec d’autres métiers, notamment des thérapeutes.
Suite à une discussion avec Simone Romagnoli, philosophe et éthicien, j’ai développé un modèle qui articule les spécialisations,
– soins
– éducation
– formation
– et thérapie,
et cherche à comprendre et à dire ce qui leur est commun et ce qui les distingue au niveau éthique :
Soins et éducation
Champs de travail et postures :
Soins et éducation 1 : inter- et transdisciplinarité
Soins et éducation 2 : nourrir et guérir, éduquer et former
Soins et éducation 3 : entre le privé et le public
Soins et éducation 4 : « care » et « cure »
Soins et éducation 5 : communautarisme et libéralisme
Soins et éducation 6 : santé et qualité de vie
Soins et éducation 7 : les quatre approches fondamentales
Soins et éducation 8 : les principes qui régissent les quatre approches fondamentales
Soins et éducation 9 : les valeurs derrière les quatre approches fondamentales
Soins et éducation 10 : quand je suis mal en tant qu’intervenant
Soins et éducation 11 : confronter et travailler avec des éthiques différentes
Soins et éducation 12 : notre vision du patient ou du résident
Face à la personne prise en charge ou accompagnée, chaque positionnement professionnel a
– ses caractéristiques propres
– qui sont à concevoir par rapport à celles des autres professions
– et dans une vision commune à chercher, à définir et à redéfinir en fonction de la situation dans laquelle la personne soignée ou accompagné se trouve et qui change et évolue dans le temps.
Le travail et de l’un et de l’autre n’est possible qu’en réseau et dans un dialogue permanent avec les autres. Il est d’abord analytique, mais l’unicité et la globalité de l’être humain exigent un pas synthétique. C’est ici que la logique des moyens risque de l’emporter sur celle des besoins. Serait à chercher et à expliciter du côté mission et accompagnement ce qui du côté institution et finances est la comptabilité analytique, les indicateurs qui permettent un ajustement fin et continu. Quel est l’équivalent de l’argent quand il s’agit de bien- et de mal-être, de bonheur et de malheur ? Existe-t-il une réalité qui résumerait les multiples besoins de l’être humain ? La dignité, les valeurs ? L’éthique comme autre économie ? Quel est l’ultime qui exprimerait et véhiculerait l’essence des besoins comme le fait l’argent du côté des moyens ? Le spirituel ? Peut-on professionnaliser Dieu ?
Ou faut-il vivre avec le fait, une fois pour toutes, que le soin apporté aux finances dans la grande majorité des établissements soit plus exigeant que le soin apporté aux personnes accueillies, et, là où celui-ci est valorisé, qu’il le soit d’abord et parfois exclusivement sous forme d’hygiène et de propreté ?
Faut-il taire ce qui ne se laisse pas mesurer, tester, quantifier ?
Armin Kressmann 2011