Significations du handicap mental 8 – Toile-tage

Significations du handicap mental : 8 Toile-tage

Nous devons maintenant compléter les raisons fondamentales évoquées pour  travailler sur l’Internet par quelques considérations subsidiaires et plus pratiques.

Dans une longue interview donnée et publiée sur le site Internet « actu-philosophia.com » le philosophe Jacques Darriulat dit par rapport à son propre site, « jdarriulat.net », et les raisons pour lesquelles il publie prioritairement sur l’Internet :

« Un auteur veut surtout que son texte vive, c’est-à-dire qu’il soit lu, qu’il donne à penser à de nombreux lecteurs …

La Toile est une extraordinaire invention : non seulement l’outil de recherche, qui dépasse largement en puissance tout ce qu’on a connu auparavant, mais aussi la possibilité de diffusion des textes. Sur la Toile, j’ai la possibilité de publier ce que je veux, quand je veux, sous la forme que je veux. » (17.2.11)

La toile, l’Internet, me permet d’être, – en principe en même temps (« le processus de rédaction se fait en même temps que la recherche », Nicolas Friedli, communication personnelle) et d’une manière manifeste, donc phénoménale -, en prise avec « le terrain », mon travail auprès des personnes (mentalement) handicapées, et avec, symboliquement, toute personnes intéressée dans ce réseau que constitue ce que nous appelons le handicap (mental)[1]. Dans cet espace intermédiaire je me situe entre les différents lieux, les personnes, les institutions, les phénomènes, autant l’université que mon collègue ou le résident auquel je rends visite aujourd’hui même. Ce positionnement « entre », « exposé », avec toutes ses ambiguïtés, correspond à celui des personnes en situation de handicap (mental).

Il me donne aussi une liberté qui défie les institutions, dont la faculté, non pas pour défier en soi, mais comme reflet du défi lancé par le handicap mental à toute instance dépositaire et régulatrice de savoir, donc de pouvoir.

Travailler et publier sur l’Internet est une activité encore plus spirituelle que la rédaction traditionnelle sur papier, parce que je me livre à travers mes pensées à autrui comme je ne le fais nulle part ailleurs, sauf oralement, si je le faisais sur la place publique[2]. Encore une fois je revis ainsi une expérience qui est celle de mes interlocuteurs handicapés qui eux font de même dans la rencontre spontanée, quand ils prennent le risque, inconsciemment, d’être entièrement eux-mêmes.

« Un site est un autre type d’œuvre, dit Jacques Darriulat.

Work in progress… La Toile un réseau fluide où la pensée est sans cesse en train de se cristalliser et de se transformer, aux carrefours sémantiques où prennent forme les idées… Le texte ne cesse d’évoluer, selon l’intensité des échanges. »

Travailler sur l’Internet est autre chose qu’écrire sur papier, ou ordinateur, traditionnellement, en vue d’une publication, qui, une fois publiée, est par la suite mise sur l’Internet. Nous sommes dans une autre méthodologie, différence comparable à ce que j’ai expérimenté lors de la création d’expositions au Musée de l’Alimentation : agrandir et mettre des textes et des images tirés de livres ou d’autres publications sur des panneaux n’est pas concevoir une exposition. Publier sur Internet est autre chose que publier un livre sur Internet. Comme dans une exposition, nous sommes dans un paysage dans lequel le lecteur, ou « visiteur », se promène librement :

« Le site est … une constellation de textes en laquelle le lecteur peut voyager comme il le souhaite. C’est une autre façon de lire. Le site propose un paysage textuel : chaque lecteur trace lui-même son chemin. C’est beaucoup mieux qu’un livre en somme. A condition de concevoir le site comme un jeu de textes, une sorte de jeu d’échecs textuel, à l’infini, quelque chose comme la bibliothèque de Jorge Luis Borges. Telles sont les raisons pour lesquelles je pense qu’un site électronique permet d’inventer une œuvre d’un type nouveau. J’imagine que Joyce ou Borges auraient été passionnés par la souplesse de l’outil, ils auraient sans doute créé des sites géniaux, extraordinairement compliqués, labyrinthiques, et absolument originaux. Ils auraient inventé un nouvel espace littéraire, une combinatoire textuelle qui fait pleinement jouer le système des correspondances, ‘dans une ténébreuse et profonde unité’… Je crois que la Toile va donner naissance à un genre d’œuvres nouvelles, qui va s’affirmer et se développer. » (Jacques Darriulat)

« Un genre d’œuvres nouvelles », c’est mon site « ethikos.ch » ou, d’avantage, le réseau des différents sites sur lesquels je mène mes ré-flexions, en fonction de l’angle de vue et des publics cible auxquels je m’adresse :

« akressmann.wordpress.com » constitue le petit portail qui présente ces sites dans leur ensemble.

« kressmann.ch », aussi portail, mais davantage photoblog où j’essaie d’exprimer des éléments théologiques à travers des photographies.

« ethikos.ch » est le lieu de ma ré-flexion par excellence, le noyau, le livre de bord sous forme de blog, tel qu’il a été question, avec l’ambition de dévoiler et de développer les significations multiples du phénomène handicap (mental) à partir d’angles divers et à plusieurs niveaux. Ce corps de textes s’est constitué tout au long de ces dernières années en fonction des différentes études menées et conférences données, mais aussi et surtout de reprises d’expériences sur le terrain. C’est en quelque sorte l’hypertexte qui nous mène dans la toile de la pensée sur le handicap, notamment mental, et son lien avec le penser de la condition humaine en général, ainsi que de la condition chrétienne en particulier. S’y trouvent aussi un glossaire des termes et des concepts utilisés et quelques bibliographies liées au sujet.

Cette partie-ci du travail, « Significations du handicap mental », le guide de lecture qui présente le projet, veut être la porte d’entrée dans la toile de mes idées, mon « mind map », et en donner quelques clés de lecture.

« On m’appelle handicapé », LE texte, est une sorte de récit fictif du « moi » d’une personne « en situation de handicap », entrée existentielle paradoxale, une réflexion de quelqu’un « incapable » de réfléchir, sur lui-même et sur ce qui lui arrive, personne qui pourrait être à travers moi-même un moi-même quelconque. Toute cette partie tisse les liens vers les ré-flexions à partir d’un angle, totalement hypothétique, d’une personne mentalement handicapée.

Les pensées du jour de Charly changent de niveau et touchent, par des petites sentences, les frontières de l’entendement, du raisonnement que nous appelons raisonnable, donc les limites qui sont aussi celles de la condition mentalement handicapée, profondément humaine.

Comme concession au lecteur traditionnel, pour lui faciliter une lecture plus linéaire, j’ai constitué quelques dossiers :

Besoins et moyens

Pyramide de Maslow

Triangle pédagogique et triangle éducatif

Soins et éducation

Vulnérabilité et capabilité

Handicap

Classification Internationale du Fonctionnement (CIF)

Handicap, structure, religion

Kant et le handicap (autonomie)

Spiritualité et spiritualités

Corps et esprit

Spiritualité en milieu hospitalier

Spiritualité et art

Médecine, santé et spiritualité

Soins et spiritualité

L’accompagnement spirituel

Son fondement

Le métier d’accompagnant spirituel

Sur le site de l’EERV (Église évangélique réformée du canton de Vaud)

L’accompagnement spirituel n’appartient pas au seul aumônier

L’assistance au suicide

Miracle

Théologie négative (palliative) et handicap

« twitter.com/lautreCharly » : « l’autre Charly », sur Twitter, prolonge les pensées de Charly et les amène dans le monde du « micro-blogging » du n’importe quoi où ce côtoient sens profond, non-sens et vanité comme dans la vie de tous les jours.

« personneshandicapees.eerv.ch » est le « mini-site » qui donne la perspective institutionnelle de mon travail du côté de l’Église ; l’équivalent, sous forme d’Intranet, se trouve du côté de l’institution sociale dans laquelle je suis actif.

Un site d’un groupe de résidents participant à un atelier nommé “La Chouette et la Lune”.

« mineursplaces.eerv.ch » est l’équivalent institutionnel de mon autre champ d’activité, auprès d’enfants et de jeunes qui ont des mesures éducatives et se retrouvent en famille d’accueil, en foyer ou en institution à cause de leurs difficultés sociales, personnelles, familiales ou scolaires. La vision actuelle du « handicap » qui ne se définit plus d’une manière personnelle, mais situationnelle, – « en situation de handicap » -, nous permet de voir des parallélismes nets entre leur situation et tout autre handicap. On peut aller jusqu’au point, pour eux aussi, de parler de « détresse spirituelle » et de « situations palliatives ».

En lien avec ce secteur et concernant un projet catéchétique particulier, « Ceci n’est pas du catéchisme », il y a enfin le site

« charlynews.wordpress.com »

Quand Jacques Darriulat écrit

« Je ne connais aucun site où un auteur unique compose un grand ensemble de textes qui se réfèrent les uns aux autres.

Je crois qu’une œuvre-site est possible, qu’elle est sur le point de naître, et qu’elle aura des propriétés spécifiques, qui ne sont pas celles du livre traditionnel. Telles sont les raisons qui m’ont conduit à créer ce site. »

nous pouvons lui répondre :

Si, il y a désormais au moins un site du genre que vous esquissez, « ethikos.ch », et ses ramifications, celles-ci nécessaires pour mener à bout le projet dont vous parlez, pour signifier l’intégration progressive de la pensée de son auteur dans l’ensemble d’une réalité, en l’occurrence celle du handicap (mental), tissu toile qui tient le tout ensemble.

« Je crois qu’une œuvre-site est possible, qu’elle est sur le point de naître, et qu’elle aura des propriétés spécifiques, qui ne sont pas celles du livre traditionnel. Telles sont les raisons qui m’ont conduit à créer ce site.

… un texte n’est pas fait pour être respecté comme un dogme sacré, il est fait pour produire du sens, et engendrer des textes nouveaux.

Il est merveilleux de maintenir un œuvre dans le bonheur de l’inachèvement. Pas de bon à tirer. Elle est infinie, cette œuvre … » (Jacques Darriulat)

Armin Kressmann 2011


[1] Tout en sachant que c’est évidemment une utopie, par le seul fait déjà que je suis et que je reste dans une seule langue ; ici je pourrais rétorquer que sur l’Internet et les possibilités de traduction automatiques toute personne ayant accès à cet outil pourrait en principe me lire et me répondre, alors entrer dans un dia- et multi-logue.

[2] Comme l’avait fait cette personnalité exceptionnelle qu’était Max Daetwyler, « apôtre de la paix », comme nul autre, plus radicalement encore que Ghandi ou le Dalaï Lama.

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