Des résidents face à la charte de leur institution : un équilibre à trouver entre le contractuel et l’affectif

Ce qui avait été avancé par un groupe de résidents de l’Institution de Lavigny comme valeurs, ce qui compte dans leur vie,  était le point de départ pour faire un travail sur la charte de cette institution.

Après avoir récolté les valeurs des résidents, nous leur avons demandé de les mettre en relation avec les valeurs et principes institutionnelles :

Pour les résidents il fallait mettre

  • la gentillesse avec l’accueil, l’accompagnement et le respect
  • la sincérité avec l’accueil, l’accompagnement et le partenariat
  • la famille et les parents avec l’accueil, l’accompagnement et la participation
  • l’amour et l’amitié avec le partenariat et la participation
  • et tenir les promesses et les engagements avec le partenariat

Une certaine hésitation d’attribuer ce qui leur semblait important clairement à l’une ou l’autre des valeurs institutionnelles est palpable.

Quand on regarde de plus près les deux listes, on s’aperçoit qu’elles se distinguent au niveau de l’arrière-fond :

  • Le liste des résidents est dominée par des valeurs communautariennes. Le côté relationnel est fortement présent, le bien-être et des aspects affectifs l’emportent sur le contractuel. Ils n’hésitent pas à parler d’amour et d’amitié, de réalités dont les professionnels se méfient ; distance thérapeutique et éducative, ainsi que professionnalisme obligent. Avec Guy Durand, je dirais, que les résidents sont largement du côté de l’Être et du Bien, donc plus dans les valeurs que dans les principes.
  • La liste institutionnelle est davantage contractuelle et libérale, et les principes, – qui pour Guy Durand « donnent des grandes orientations à l’action, fixent des attitudes » -, l’emportent sur le Bien et l’Être, donc les valeurs. En un mot, elle est libérale.

Cette différence me semble logique : les résidents cherchent d’abord le bien-être dans le vivre ensemble, les institutions d’aujourd’hui, dans un monde où l’individu et son autonomie, ainsi que tout ce qui est de l’ordre du contractuel et procédural prédominent, penche vers la définition d’un cadre sans trop se prononcer comment celui-ci est habité.

Cependant, dans des situations extrêmes et limites qui sont les nôtres dans les institutions socio-médicales et socio-éducatives, – polyhandicap, psychoses, épilepsies mal maîtrisées, fin de vie, soins palliatifs, etc. -, un bon nombre des compétences techniques et des règles bien définies par des procédures touchent à leurs limites : ce qui reste est le lien entre les personnes comme motivation pour poursuivre un travail dont on ne sait plus comment le décrire et formaliser. On est livré aux quelques indices qu’offre le patient ou le résident pour construire des hypothèses qui se vérifient ou se falsifient par la suite dans une approche plus empirique que technique et scientifique. Se soucier des aspects relationnels d’un travail dans de tels milieux et situations devient, qu’on le veuille ou non, indispensable. Des valeurs comme l’empathie, la sollicitude, la vulnérabilité, la compassion et la miséricorde, tout ce qu’on a autrefois exprimé à travers la charité et que philosophie et théologie féminines ont redécouvert à leur manière s’imposent. Y penser et réfléchir avant d’être poussé au-delà de ses propres limites me semble un impératif. Rationalité dans les soins d’aujourd’hui il y a toujours, mais une rationalité qui échappe à la pensée linéaire guidée par des objectifs, donc aussi à une éthique utilitariste ou une éthique procédurale. Sous de formes nouvelles l’ancienne éthique des vertus mérite d’être redécouverte et reformulée.

Armin Kressmann 2010

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