Le métier d’accompagnant spirituel

Au niveau du « métier » que deviendrait l’accompagnement spirituel devant et avec les autres corps de métier,

l’accompagnant spirituel

– prendrait une posture de dépouillement (« kénose », Etienne Rochat), saurait suspendre son savoir devant ce qu’on ne peut pas savoir et inviterait les autres corps de métiers, au niveau spirituel, à suspendre leur savoir, à la découverte de l’esprit du savoir qui transcende le savoir (savoir, savoir-faire, savoir être) donc à la recherche de l’être[1], tout particulièrement là où l’être est menacé du non-être[2] : en situation extrême, handicap sévère, fin de vie, soins palliatifs, etc. ; à la recherche de ce que Paul Tillich appelle « das Neue Sein », l’être nouveau, qui est plus et peut-être autre chose qu’un être réhabilité, réadapté, résilié, restauré ou réparé

– se servant « d’outils » spécifiques (en l’occurrence le mot est mal choisi, mais témoigne du parallélisme avec les outils dans les autres corps professionnels) :

– avec toi « tu » … mon vis-à-vis, alter ego, autre moi-même (cette fois-ci, étant dans cette sphère spirituelle et ayant suspendu son savoir, dans l’impossibilité fondamentale d’une instrumentalisation de l’autre)

– devant Lui/Elle … les archétypes de l’être humain se trouvant devant l’ultime, avec la bible ou d’autres textes « fondateurs » à prendre comme outils techniques, « stéthoscope » de l’aumônier et non pas texte sacré (ce qui est sacré n’est pas le texte mais l’humain qu’il évoque en celui qui est accompagné)

En d’autres termes et comme résumé, l’aumônier chrétien userait de sa bible, donc de l’évangile, non pas comme fin vers laquelle l’interlocuteur serait à mener (« prosélytisme »), mais comme « outil » pour accompagner vers une fin qui lui échappe autant qu’à son vis-à-vis[3]. Le fait d’être « chrétien » serait ainsi à mettre au même plan que l’appartenance à l’une ou l’autre école de penser et de faire (déontologie) dans les autres branches, médicale, psychologique ou autre. Il y « croirait » comme elles le font. Le reste, la foi, serait d’ordre privé, comme c’est le cas pour tous les autres métiers[4] et resterait réservé à l’accompagnement pastoral. C’est ici que se distinguerait l’accompagnement spirituel de l’accompagnement pastoral.

J’insiste, contre le risque que prennent tous ceux et celles qui veulent partir uniquement des convictions et des ressources de la personne accompagnée, sur la nécessité de cet « objet » posé ou « jeté » (avec délicatesse évidemment) entre les interlocuteurs, objet symbole (théologiquement parole et sacrement), représentant le tiers dont il s’agit véritablement dans l’espace spirituel proprement dit.

Armin Kressmann 2010

L’accompagnement spirituel

Son fondement

Sur le site de l’EERV (Église évangélique réformée du canton de Vaud)

L’accompagnement spirituel n’appartient pas au seul aumônier

Charly et l’accompagnement spirituel


[1]Être pas dans un sens essentiel, mais existentiel.

[2] Ce qui est probablement « l’essence » de l’être existentiel, le danger d’aliénation dont parle Paul Tillich.

[3] Ce qui nous amènerait à une toute autre compréhension de la distance thérapeutique, en même temps infiniment proche et infiniment éloigné de son vis-à-vis, empathique et non pas rationnelle, parce que ce serait non pas la théorie de l’autre qui déterminerait la distance, mais l’existence elle-même, le fait que l’autre est un autre même, donc une solidarité dans la souffrance dans l’impossibilité d’être solidaire avec lui dans sa souffrance. C’est d’ailleurs comme un fil rouge que les paradoxes traversent la pensée du spirituel, notamment par le fait que nous sommes dans l’obligation de penser l’impensable. Dans ce cas-là, ne devrions-nous pas prendre la posture d’un Wittgenstein qui dit : « Was sich überhaupt sagen lässt, lässt sich klar sagen ; und wovon man nicht reden kann, darüber muss man schweigen.“ (Tractatus 6.3412) ? Je pense que non, parce qu’en disant ce qu’il dit il le pense aussi ; lui-même, en disant ce qu’il dit, ne se tait pas par rapport à ce dont on ne peut pas parler. Le paradoxe devient ainsi la forme adéquate pour penser l’impensable.

[4] Ce serait évidemment différent là où un accompagnement pastoral est explicitement demandé.

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