« La condition[1] humaine » et « être en situation de handicap » sont des concepts proches. Les deux font référence d’une part à un état naturel de l’être humain, – ce qu’il est biologiquement et ce qu’il devient physiquement (tout « handicap » est en principe physique, aussi les handicaps sensoriels et les handicaps mentaux – « les enfants intellectuellement retardés », comme la « douance »[2] par ailleurs, – « les enfants intellectuellement précoces ou surdoués ») -, d’autre part à un état institué par convention. Ce que nous sommes et ce qui fait l’homme sont et sa nature et sa culture, celle qui définit ce qu’il est et ce qui le fait homme et personne, semblable et distinct des autres espèces et des autres êtres. L’être humain est un être conditionné, par sa nature et par son environnement, naturel celui-ci, mais aussi culturel. « Être en situation de handicap » veut dire que la culture (« l’institution ») met ou laisse la nature en une situation considérée comme « inhumaine », met ou n’enlève pas un obstacle à l’épanouissement de la nature humaine, – telle qu’elle est au niveau du phénotype, donc individuellement -, dans la culture.
« L’humaniste[3] qui emploie l’expression ‘condition humaine’ parle en même temps du fondement de l’humanité et de sa ‘conditionnalité’, c’est-à-dire de sa conventionnalité. Le terme est lui-même une sorte d’oxymore philosophique dans lequel se conjoignent l’institution naturelle de l’humanité comme disposition fondamentale et l’institution conventionnelle de l’humanité comme choix circonstancié. » (http://cerphi.net/lec/hum3.htm 28.7.10)
Le handicap nous fait donc réfléchir sur la condition humaine. Et cette réflexion, d’une manière rétroactive, change, directement ou indirectement, les conditions des personnes en situation de handicap. Réfléchir sur le handicap est lever du handicap (des obstacles qui handicapent), en tout cas cette partie des conditions qu’est la partie culturelle (ou sociale, si vous voulez). Guérison sans guérison, c’est ce que nous enseigne un bon nombre de miracles bibliques. La condition chrétienne ne connaît plus de handicap, seulement des incapacités compensées par l’amour du prochain en paroles et en actes, le respect de tout homme dans l’ensemble de sa « capabilité » ou ses « capabilités », ainsi que la mise en œuvre de tout ce qui lui permet de réaliser ses potentialités.
Armin Kressmann 2010
[1] Conditio lat., « engagement, manière d’être », de con- (cum « avec ») et dicio « formule de commandement », de la même famille que dicere « dire » (Dictionnaire culturel en lange française ; Le Robert, Paris 2005)
« ‘On appelle enfant surdoué celui qui possède des aptitudes supérieures qui dépassent nettement la moyenne des capacités des enfants de son âge. (Julian de Ajuriaguerra, 1946) … il existe un fort courant pour rejeter l’existence même du phénomène pourtant solidement établi scientifiquement ce qui provoque parfois des drames personnels chez certaines personnes se sentant décalées et/ou rejetées et incapables de trouver le pourquoi. Ce phénomène fait partie de la nature humaine et est donc à traiter en tant que phénomène donc ni à rejeter, ni à encenser. Un contre-exemple intéressant sur le sujet se situe en Belgique, en région Wallonne où les rares références officielles sur les surdoués sont diffusées par l’Agence Walonne pour l’Intégration des personnes Handicapées (qui a heureusement retiré sa fiche descriptive car décrivant la douance comme strictement un handicap jusqu’en 2007) et où même les références du site du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche Scientifique mettent l’accent sur les mauvais aspects de la douance, mais jamais sur leur mise en valeur. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Douance ; 27.7.10)
Avec le concept de « douance » nous pourrions dire que handicap mental est « sousdouance ».
« Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » (Montaigne ; Essais ; PUF, Paris 1988, vol. 2, p. 805)