« Amour et amertume » Livre d’Esther, chapitre 2, versets 8 à 18

Prédication Esther 2,8-18, Communauté des Amandiers, Lavigny

Dimanche 18.7.10, en présence d’une quinzaine de résidents de l’Institution de Lavigny

Armin Kressmann, adaptation pour l’Internet

Nous entrons aujourd’hui par le chapitre 2 dans ce roman biblique, le premier, qu’est le livre d’Esther.

A l’égard de ce livre, tout de suite une question m’habite,

depuis longtemps,

– c’est la première question que je vous remets -,

question à laquelle je n’apporterai pas de réponse,

question qui nous accompagne et qui surgit régulièrement dans nos vies,

nos vies personnelles

mais aussi dans la politique,

dans l’économie,

dans le social :

Est-ce que la fin justifie les moyens ?

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Dimanche passé vous avez commencé l’étude de ce livre d’Esther.

Pour vous, cet été, pour nous tous aujourd’hui,

l’enseignement se fait à travers un feuilleton, Esther,

feuilleton comme une de ces séries télévisées qui se répandent depuis des années soixante, septante.

Un roman, une histoire d’amour,

la lutte pour le pouvoir, coups et contrecoups,

la confrontation, l’affrontement entre le bien et le mal,

les bons coups et les mauvais coups, les coups sales,

au point qu’on ne sait plus

– où sont les méchants et les gentils,

– comment tirer un enseignement d’une histoire humaine, trop humaine,

– y discerner l’œuvre de Dieu, sa volonté,

la lutte pour la survie,

… ce sont quelques-uns des enjeux de cet enseignement.

Est-ce possible de trouver les traces de Dieu dans l’histoire des hommes,

dans ce qui se passe en politique, en économie,

ce dont parlent nos quotidiens, nos magazines,

la télévision, la radio, « youtube » sur l’Internet,

dans les affaires comme BP,

British Petrol et la fuite d’huile au golfe de Mexique,

ou la crise financière,

les affaires UBS et Crédit Suisse,

l’affaire Gaddafi

ou la démission de Moritz Leuenberger comme conseiller fédéral ?

Dieu là-dedans ?

Voilà la question qu’Esther nous soumet aujourd’hui.

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Dans notre feuilleton,

avec le chapitre 2 de ce livre,

nous sommes toujours dans la préparation,

dans la mise en scène,

le tissage de l’intrigue.

Vous avez déjà parlé du contexte géopolitique,

de ce qui se passe à la cour royale de Suse,

au temps de Xerxès, roi perse, ou Assuérus, en latin,

vous avez vu la chute de la reine, Vasti, ce qui veut dire « la meilleure » ou la « bien-aimé »,

Vasti, l’épouse de Xerxès, qui n’a pas voulu se présenter devant l’assemblée des dignitaires lors de la grande fête donnée par son mari,

qui ne s’est pas laissé instrumentaliser par lui,

et qui, par là, à défier le pouvoir masculin.

La sortie d’une femme, dimanche passé, Vasti,

l’entrée d’une autre, d’Esther, la Juive, aujourd’hui :

Qu’est qui se cache derrière ces épisodes ?

Quelle est l’intrigue ?

Vous pourrez lire les détails dans les épisodes qui suivent,

pour l’instant je ne peux que vous dire que c’est une histoire de vie et de mort,

comme dans tous les feuilletons,

une histoire de vie et de mort qui,

cela fait partie des feuilletons,

se termine bien

en tout cas pour notre héroïne qu’est Esther.

Si vous êtes trop curieux pour pouvoir attendre,

si vous voulez connaître l’intrigue,

allez lire le verset 13 du troisième chapitre.

Aujourd’hui, nous parlons de la partie cosmétique de l’histoire, de la parfumerie, du « fitness studio »,

apparemment banal, mais attention … !

Nous parlons fitness, mais il s’agit de survie.

(C’est d’ailleurs la définition du mot « fitness », en tout cas pour les biologistes.).

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« Amour et amertume », c’est ainsi que j’intitule l’épisode d’aujourd’hui.

Une cour royale, une belle femme sort, une autre belle femme entre …

Imaginez-vous la scène :

une femme d’une beauté éblouissante entre …

tout le monde, stupéfait, la regarde …

Qu’est-ce qui habite les spectateurs ?

Hommes, femmes ?

Quelles seraient vos émotions, vos sensations, vos pensées … intimes, cachées ?

Ah, je ne veux pas le savoir, mais je peux me l’imaginer :

Étonnement, admiration, désir, jalousie … érotisme …

Qu’est que nous voyons, sa beauté ou elle-même ?

La question est décisive, et vous pouvez la noter :

Devant une beauté extraordinaire, femme objet ou femme sujet ?

Est-ce que nous voyons sa beauté, que sa beauté,

son visage, ses yeux, ses cheveux, ses courbes,

ou ce qu’elle est, la personne, sa vie, ses sentiments, ses désirs, ses besoins, sa joie et ses peines ?

C’est ce que nous pose notre temps, notre époque, comme défi,

comme invitation à la réflexion, à travers la presse « people » p.ex.,

Carla Bruni, la télévision, « 20 minutes », les magazines féminins …

Femmes objets ou femmes sujets ?

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Nous avons une quinzaine de « personnes en situation de handicap », comme on dit aujourd’hui, parmi nous.

Qu’est-ce que vous avez vu quand elles sont entrées ?

Qu’est-ce que vous avez ressenti ?

La même question se pose que celle qui s’est posée quand Esther est entrée à la cour royale de Suse et la chambre à coucher de Xerxès.

Qu’est ce qui nous touche, la beauté, le handicap,

ou des femmes, des homme, des êtres humains,

des personnes comme tout le monde,

moi, toi … ?

Ne voir que la beauté, ou le handicap,

réduire autrui à sa beauté, ou son handicap,

c’est le mettre en situation de handicap,

parce qu’il est réduit à sa beauté, son handicap,

réifié, objectivé, instrumentalisé, délaissé,

lui et ce qu’il est plus profondément.

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Esther … vous savez ce qui veut dire Esther ?

« La cachée » …

Cachée, parce qu’elle cache son origine,

– destin de tous les Juifs en diaspora -,

cachée parce qu’elle cache son projet,

sauver son peuple, menacé d’extermination,

cachée parce qu’elle cache … la présence de Dieu :

Le livre d’Esther, apparemment, ne parle pas de Dieu ;

Dieu n’y est pas mentionné.

Dieu, dans notre monde mondain, n’est pas évoqué non plus, ou rarement ; alors, où se cache-t-il ?

Encore une de ces questions que ce roman nous remet.

Qu’est-ce que nous voyons, quand nous regardons ce qui se passe dans notre monde, face et à travers autrui, les hommes et les femmes des média, et les autres, fassent-t-ils partie des « people » ou non ?

Ce banquier, ou Sarkosy, Obama, Bernard Rappaz, Ronaldo ou Ronaldino,

M. Merz, Mme Calmy Rey, ou Gaddafi …

… cette beauté que nous croisons dans la rue, cette personnes handicapée,

mais aussi l’Institution de Lavigny, ou le village,

les Amandiers, l’’Eglise catholique romaine ou l’Église évangélique réformée du canton de Vaud,

le prêtre ou le pasteur,

qu’est-ce que nous y voyons ?

Qui suis-je, moi, pour vous ?

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Détour par la parfumerie !

« La période du massage se déroulait ainsi, dit notre texte au verset 12 selon la traduction œcuménique :

pendant six moi avec de l’huile de myrrhe,

puis pendant six mois avec des baumes et des crèmes de beauté féminines. »

C’est extraordinaire comme ce texte est pratique,

proche de la vie de ses protagonistes, et de la nôtre,

de la politique,

du fitness, du sport et des soins corporels :

Oréal et Liliane Bettencourt !

Ici, dans notre texte, le produit s’appelle « la myrrhe ».

Qu’est-ce qu’elle évoque, la myrrhe ?

Composante d’huiles d’onction,

d’abord baume, embaumer, proximité corporelle !

… « Mon chéri, s’exclame la bien-aimée dans le Cantique des cantiques (1,13), mon chéri pour moi est un sachet de myrrhe :

entre mes seins il passe la nuit. »

… par oindre … aussi bénédiction et action de grâce

… donc cadeau royal :

« Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de ma myrrhe » (Mt 2,11)

… et, enfin, baume du corps du Christ, après sa crucifixion :

« … Joseph d’Arimathée … demanda à Pilate l’autorisation d’enlever le corps de Jésus … Nicodème vint aussi … Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès … Ils prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes, avec des aromates, suivant la manière d’ensevelir des Juifs. » (Jn 19,39.40)

La racine amar du mot myrrhe veut dire « amer, amertume » :

« Amour et amertume », c’est la condition juive et c’est la condition chrétienne.

Mais, avec le Christ, ce qui était caché chez Esther devient visible et manifeste.

Le gibet dont il sera question par la suite devient croix,

et le cercle de violence qu’est encore celui de l’histoire Esther

sera rompu.

Le regard sur l’autre, le regard sur l’ennemi même,

sera définitivement bouleversé :

« Comme Jésus se mettait en route, quelqu’un vint en courant et se jeta à genoux devant lui ; il lui demandait :

‘Bon maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage ?’

Jésus lui dit : ‘Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul. Tu connais les commandements …’

L’homme lui dit : ‘Maître, tout cela je l’ai observé dès ma jeunesse.’

Jésus le regarda, et se prit à l’aimer …

Il lui dit : « Une seule chose te manque ; va, ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi. »

Regarder autrui et l’aimer pour ce qu’il est, et non pas pour ce qu’il a,

ou qu’il n’a pas, c’est le regarder à travers les yeux du Christ.

Et lâcher ce qu’on a, sa beauté, sa richesse, même son handicap,

ne pas en faire une finalité, le sens de sa vie,

mais le remettre à autrui, à son service, comme ressource,

c’est suivre le Christ.

Et quand on voit cela, dans le monde et dans le cours de l’histoire du monde,

mystérieusement,

on peut voir Dieu à l’œuvre, même là où il n’est pas nommé.

Dieu sans Dieu,

Dieu présent, mais discret, même invisible,

c’est ça pour moi … la condition protestante.

Et le mot qui dit cela aujourd’hui, c’est l’empathie,

… l’empathie aussi pour toi, ma belle !

Amen

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