Suite aux réflexions qui mettent en lien direct l’âme avec la liberté, voir « Spiritualité : âme et liberté », nous voulons nous tourner vers ce qui habite une institution en tant qu’organisation.
Le dictionnaire (Petit Robert), parmi les différentes définitions du mot « âme », religieuses et non-religieuses, donne ces deux-ci :
– « Ensemble des états de conscience commun aux membres d’un groupe »
– « Partie essentielle, vitale (d’une chose) »
L’âme d’une institution sociale est en conséquence sa partie vitale, comprise et partagée dans la conscience de ses membres. L’âme, ce qui fait vivre une institution, est de l’ordre du spirituel ; l’institutionnel, – les lois, les règles et les procédures -, n’est que la structure, l’ossature qui doit être habitée et animée. L’institutionnel, ce sont les règles du jeu qui définissent le jeu, mais celles-ci ne sont pas à confondre avec le jeu en lui-même. Comme Charly l’a déjà relevé, la direction d’une institution en tant que garante des règles, doit rester hors jeu pendant le jeu ; ce sont les joueurs sur le terrain, défini lui par les règles du jeu, qui jouent leur match, peut-être le match de leur vie. Mais pendant le match, sur le terrain même, l’espace de jeu, la direction n’a rien à faire, sinon d’échanger les joueurs qui ne correspondent pas à ses attentes. La même chose, d’une manière encore beaucoup plus stricte, est valable pour l’État et ses représentants.
L’image du jeu est une illustration du fait évoqué qu’autonomie est toujours hétéronomie choisie. En se soumettant consciemment et librement à des règles données, le joueur acquiert la liberté dont il a besoin pour jouer son jeu, en équipe avec les autres joueurs, et c’est ainsi qu’il devient sujet, librement assujetti aux règles qu’il a fait les siennes. La même logique s’applique à l’ensemble : l’âme d’une institution sociale, sa liberté, sa vie est ce qui est donné quand, dans cet ensemble, les uns et les autres, au moment du jeu, lâche prise et font confiance aux autres, à l’intérieur d’un espace donné et défini par les règles du jeu. Restons attentifs aux procédures, qui ne peuvent être que des traits de jeu qu’on a élaborés et entraînés hors jeu, mais qu’on ne peut jamais imposer en tant que telles dans le jeu lui-même. C’est l’âme qui fait le jeu, la liberté de jeu, dans le jeu, de jouer, à l’intérieur des règles, même avec les règles du jeu.
Armin Kressmann 2010