Kant et le handicap : « Fondements de la métaphysique des mœurs », « Übergang von der gemeinen sittlichen Vernunfterkenntnis zur philosophischen »

« Grundlegung zur Metaphysik der Sitten »[1]

Erster Abschnitt

Übergang von der gemeinen sittlichen Vernunfterkenntnis zur philosophischen

„Es ist überall nichts in der Welt, …, was ohne Einschränkung für gut könnte gehalten werden, als allein ein GUTER WILLE.“ p. 28

Le bien, ce qui est bon, sans restriction, c’est la bonne volonté (je reprends le texte avec mes mots, sans consulter en principe la traduction française « officielle »).

Constatons tout de suite que celle-ci est indépendante du niveau intellectuel. On peut la trouver chez tout le monde.

Aussi, me semble-t-il, Kant fait le pont entre le bien et, on verra par la suite, la justice. Y a-t-il ici déjà le lien entre les deux principes qui nous préoccupent, l’autonomie et la bienfaisance ?

G. Durand dit, en reprenant Kant tel quel :

« De tout ce qu’il est possible de concevoir en ce monde, il n’y a rien qui puisse sans restriction être regardé comme absolument bon, excepté une bonne volonté. Tel est le point de départ. »[2]

„Der gute Wille ist nicht durch das, was er bewirkt oder ausrichtet, nicht durch seine Tauglichkeit zur Erreichung irgend eines vorgesetzten Zweckes, sondern allein durch sein Wollen, d. i. an sich gut …“ p. 29

La bonne volonté est bonne en soi, indépendamment des fins souhaitées ou posées. Kant parle aussi de « Tauglichkeit », « aptitude ? » Pourrait-on aussi parler de « capacité » et ouvrir ainsi le débat sur la volonté et la capacité de discernement ?

„Wenngleich durch eine besondere Ungunst des Schicksals, oder durch klägliche Ausstattung einer stiefmütterlichen Natur es diesem Willen gänzlich an Vermögen fehlte, seine Absicht durchzusetzen; wenn bei seiner grössten Bestrebung dennoch nichts von ihm ausgerichtet würde, und nur der gute Wille (freilich nicht etwa als ein blosser Wunsch, sondern als die Aufbietung aller Mittel, soweit sie in unserer Gewalt sind) übrig bliebe: so würde er wie ein Juwel doch für sich selbst glänzen, als etwas, das seinen vollen Wert in sich selbst hat.“ p. 29s

„Absoluter Wert des blossen Willens“ p. 30

Connaissant les efforts souvent considérables des patients et encore davantage des résidents handicapés mentaux, qui sans forcément comprendre se donnent « toute la peine du monde » pour être bien et pour bien faire, pour répondre aux demandes et exigences, qui cherchent la reconnaissance, il faut dire que cette bonne volonté est généralement donnée, comme un « joyau » ; elle a une valeur absolue[3].

„… die Natur unserem Willen Vernunft zur Regiererin beigelegt habe …“ p. 30

Et voilà, dans quelle mesure „la nature a-t-elle fait accompagner la volonté par la raison ou l’entendement », c’est une question fondamentale pour les personnes handicapées mentales, mais aussi, même si ce n’est que temporairement, des personnes « raisonnables » en situation de maladie ou de détresse.

„ … das Leben aus Pflicht, (nicht nur) pflichtmässig erhalten … wenn Widerwärtigkeiten und hoffnungsloser Gram den Geschmack am Leben gänzlich weggenommen haben … sein Leben doch erhält, nicht aus Neigung oder Furcht, sondern aus Pflicht: alsdann hat seine Maxime[4] einen moralischen Gehalt.“ p. 35

La condition humaine pour malades et handicapés, objectivement, est lourde, et il se peut que le goût de la vie s’estompe. Et malgré tout, combien des plus touchés sont-ils qui continuent à lutter, et combien sont-ils qui, tout en pensant au suicide p.ex., ne passent pas à l’acte ? Est-ce par devoir ? Dans ce cas-là, l’attitude aurait une valeur morale, selon Kant (cf. plus bas)

G. Durand : « Une bonne volonté est celle qui agit par devoir : non pas celle qui agit conformément à ses inclinaisons, à ses intérêts ou pour une fin particulière, mais celle qui agit simplement par devoir (du grec deon-deontos : devoir, obligation). . »[5]

„… eine Handlung aus Pflicht hat ihren moralischen Wert nicht in der Absicht, welche dadurch erreicht werden soll, sondern in der Maxime, nach der sie beschlossen wird … hängt also ab … bloss von dem Prinzip des Wollens …   “ p. 37s

„Pflicht ist eine Handlung aus Achtung fürs Gesetz.“ p 38

„… ich solle niemals anders verfahren, als so, dass ich auch wollen könne, meine Maxime solle ein allgemeines Gesetz werden.“ p. 40

Nous voilà arrivés à une première formulation de l’impératif catégorique.

G. Durand : « Le terme d’impératif qualifie tout l’ordre de la raison et de la moralité. La moralité n’est pas constituée par la matière ou le contenu mais par la forme : ici par l’impératif, notamment l’impératif catégorique qui s’impose à l’homme comme une loi. »

L’argumentation de Kant est un peu plus subtile, dans le sens qu’il ne parle pas, en rapport avec l’impératif, de loi, « Gesetz », mais de « Gebot », commandement, qui s’exprime par « sollen » et non pas « müssen », nuance difficile à rendre en français (par le conjonctif : « devrait » plus que l’impératif ! « dois ! »)[6]. La forme du « Gebot », de la (re)commandation, est l’impératif. Pour Kant, l’impératif parle à la volonté, qui n’y suit pas forcément[7]

Armin Kressmann, mémoire en éthique, 2005


[1] Reclam, Stuttgart 1984

[2] G. Durand, p. 361

[3] Ici s’ouvre un autre chantier : « La lutte pour la reconnaissance », « Der Kampf um Anerkennung » selon A. Honneth, et par là une approche hegelienne.

[4] selon Kant : « Maxime ist das subjektive Prinzip des Wollens; das objektive Prinzip ist das praktische Gesetz.“ Grundlegung, p. 39 ; p. 67 aussi note

[5] G. Durand, p. 361

[6] En morale, « sollen » est lié au devoir et à l’obligation, mais sans contrainte, plutôt comme mission.

[7] Le mot « Gebot » vient de « gebieten », « bieten » ; autrefois courant, il a aujourd’hui nettement une connotation morale et religieuse (à part quelques expressions idiomatiques comme « Ein Gebot der Stunde ») et est notamment utilisé pour les Dix commandements, les « Zehn Gebote ». A côté de sa signification de « commandement », il comporte, et c’est ce qui est intéressant dans notre contexte, une connotation d’offre, de liberté et de choix (cf. p.ex. « Angebot » … « vor die Wahl stellen »).

Kant et le handicap (autonomie) 2 »

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