Spiritualité en milieu hospitalier : les enjeux

Au premier abord le secteur de la santé se trouve dans une situation bien différente de celle du handicap et de l’hébergement.

En principe, quand il y a maladie, il y a crise, aiguë ou chronique. Le patient et son entourage, tout ce qui compose leur système de vivre et de vivre ensemble, – y inclus le spirituel, devant les questions existentielles, questions de vie et de mort qui surgissent -, est déstabilisé et en déséquilibre.

Médecins et soignants, l’hôpital dans son ensemble, essayent donc :

–         de stabiliser d’abord la situation

–         d’atteindre l’ancien ou un nouvel équilibre

–         de donner au patient et son entourage les moyens dont ils ont besoin pour maintenir ou améliorer celui-ci

–         d’accompagner patient et entourage dans leurs cheminements et plus particulièrement là où la crise se prolonge et la situation se dégrade, si nécessaire jusqu’au « bout » : « Jusqu’à la mort, accompagner la vie »

Dans ce parcours, cette tranche de vie, en fonction des hauts et des bas, des changements d’angles et d’urgences, les différentes dimensions de la vie et de ce qui constitue la personne humaine dans son ensemble vont se mettre en avant ou en retrait. Il y aura, il peut avoir des moments où le spirituel est au premier plan, l’être, devant le faire (Gérard Berney[1]). Il y aura des moments, il peut y avoir des moments où il faut lâcher prise :

« Dans les soins, il est évidemment indispensable de pouvoir maîtriser beaucoup pour espérer améliorer l’état de santé de ceux et celles qui se confient au système de soins. … Aborder la dimension spirituelle des soins nécessite pourtant d’accepter de lâcher cette maîtrise, au moins pour un temps. Aller à la rencontre de l’autre dans son mystère, apprendre à connaître ses références, ses croyances, découvrir avec lui ses ressources du moment, oblige de ne pas s’offusquer des contradictions de pensées, de sentiments. …

Il fait vivre ainsi à l’accompagnant bien des paradoxes. »[2]

Cosette Odier

Ces paradoxes dont parle Cosette Odier touchent l’ensemble du système thérapeutique et des soins, peuvent le laisser perplexe et démuni. Pourtant, ce n’est pas la fin ; médical et soins devant des impasses, le spirituel garde des ouvertures[3]. Comment le mobiliser, afin qu’il entraîne les autres et que l’espoir ne soit jamais perdu ?

Ces dernières années, les aumôneries en milieu hospitalier se sont donnés des moyens pour être des partenaires à la hauteur des autres intervenants en soins médicaux[4]. Un travail remarquable a été fait pour définir la sphère et la place du spirituel à l’hôpital.

La personne, la personne souffrante, est toujours au centre ; avec elle, ses besoins spirituels[5]. Mais elle fait partie d’un ensemble, avec son entourage d’abord, son système social ensuite, la société et l’humanité, nature ou « création » enfin. En conséquence, ses références ne sont jamais que ses références à elle, sinon ce ne serait pas des références. Où puiser donc, quand il y a déséquilibre, « détresse spirituelle »[6] ?

Armin Kressmann, Rapport « La spiritualité et les institutions », CEDIS 2008


[1] Vous avez dit « soins spirituels » ? 5ème rencontre des Maisons Francophones de Soins Palliatifs

[2] cité par Gardiol, Maurice ; Evolution du concept d’aumônerie et accompagnement spirituel en cas de catastrophe ; http://www.notfallseelsorge.ch, Internet 2004, consulté le 14.12.07

[3] Comme une approche simple et efficace Cosette Odier présente le modèle anglo-saxon HOPE (Odier, Cosette ; Accompagnement spirituel ou « faire passer un chameau par le trou d’une aiguille … » ; Frontières, 2004, p. 71s) :

« L’évaluation spirituelle pendant une consultation médicale est une manière de commencer à intégrer la spiritualité dans la pratique médicale. … les questions HOPE (p. 71s) :

H : Quelles sont vos sources d’espérance (Hope), de sens, de réconfort, de force,  paix, amour et relation ?

O : Appartenez-vous à une religion traditionnelle (Organised) ?

P : Quelles sont vos Pratiques et votre spiritualité Personnelle ?

E : Quels pourraient les Effets sur les soins médicaux et l’approche de la mort ? »

[4] cf. notamment Etienne Rochat et al. ; Rapport du Groupe de Travail sur la prise en compte de la dimension spirituelle chez les personnes hospitalisées en CTR ; Groupe Label CTR, Orbe 2004

[5] « Nous mettons en lien direct cette dimension spirituelle avec la vision bio-psycho-sociale et spirituelle de la personne humaine dispensée dans les établissements de soins. » (Rochat, Etienne ; Rapport du Groupe de Travail ; p. 6)

[6] « Etat dans lequel un individu (…) éprouve ou risque d’éprouver une perturbation à l’égard du système de valeurs ou de croyances qui lui apportent la force, l’espoir et qui donne sens à sa vie. » (Rochat, Etienne et al. ; Rapport du Groupe de Travail ; p. 10)

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