EERV – L’enjeu n’est pas l’avenir de l’Église, ou de la ministérielle, mais le statut qu’a l’Évangile dans notre Église, et au sein des ministres (en vue des assises de la ministérielle)

Ministre dans l’EERV, l’Église évangélique réformée du canton de Vaud, quel statut, quel fondement, quelle visée, quel avenir ? Est-ce qu’un pasteur retraité est encore un ministre ?

Au sein de notre Église, me semble-t-il, il n’y a pas de vision commune ; même pas sur les lieux qualifiés et responsables et compétents pour répondre à ces questions, pour formuler et définir les conséquences pratiques, c’est-à-dire le recrutement des ministres, leur formation, leur engagement et leur qualification, la consécration, la théologie qui fonde leur travail, la manière d’exercer celui-ci, donc la ou les déontologies, c’est-à-dire l’art des différents métiers ; parce que de différents métiers s’agit-il, entre généraliste en paroisse, aumônier, animateur, animatrice de jeunesse, responsable communication, coordinateur, coordinatrice, ressources humaines, etc. etc. Il y a confusion ; et confusion est malsaine, quand on ne sait plus : Qui à quelle place ? Qui à quelle place, animateur, animatrice spirituels, ou d’Église, laïc, laïque avec charge ministérielle, diacre, pasteur, pasteure, nous ne le savons plus, même si tout le monde souhaite, travaille et s’engage pour que « la bonne personne soit à la bonne place ». La bonne volonté ne suffit pas, l’amour non plus. Devant l’Évangile nous sommes nus. Est-ce encore un critère, l’Évangile, pour engager, former et « consacrer », envoyer sur le terrain, les « ministres » ? Ministres de quoi, de qui ? Les mots nous trahissent. D’antan on parlait de « ministres du Saint Évangile » ou « des Saintes Écritures » , aujourd’hui « d’animateurs d’Église ». « Laïcs chargés de ministère », je veux bien, et ceux et celles qui me connaissent savent que, depuis longtemps, j’exprime mon malaise face à une « consécration » ambiguë, à titre personnelle, donc prêtrise, ou en vue d’un ministère particulier, installation, ministère au nom de la communauté, à une place précise et limitée dans le temps, le temps du ministère à cette place. Et ils savent que je défends le sacerdoce universel, d’une manière « radicale ». Mais ils savent aussi que je dis, sans compromis, que cela ne va pas sans fondement théologique. Ce dont nous avons besoin et seule chose qui justifie notre institution, son fondement, son existence et son avenir, est le travail sur la bible, Loi et Évangile. Que professons-nous, dans nos différentes professions, ministères, qui « animent » l’Église. Est-ce une fin en soi, évangélique, d’animer l’Église ? Si c’était juste de l’acharnement thérapeutique ?

Qu’il y a une diversité de ministères (lettre aux Romains, chapitre 12 ; 1 Corinthiens, chapitre 12), c’est une bonne chose, même très bonne. Et que les « laïcs » exercent un ministère est une chose encore meilleure (est-on encore « laïc » quand on exerce un ministère en Église). Mais nous ne pouvons pas faire abstraction de la théologie. La bible, qui la mâche, dans la communauté, dans l’Église, comment et avec quels outils ? Qui, en Église, est chargé d’entrer dans le cercle herméneutique, celui entre cette Parole autre et la vie d’ici, moi, toi, Lui … nous ? Chacun, chacune, donc ministre, chacun, chacune, « tous » (1 Corinthiens 12,29) ? Ou certains, « professionnellement », pasteurs, pasteures, chaque ministre, pour soi ou en communion et communauté, Église au-delà de l’Église ? Ou toute la communauté sous le regard et le suivi par des « docteurs » en théologie ? Nous ne le savons pas, plus, dans notre Église. Et la ministérielle se meurt, le lieu par prédilection où ces enjeux devrait être débattus, avec l’université, qui, elle, s’est depuis un moment déjà retirée de l’Église. Ce n’est pas à l’institution de définir la déontologie de ses professionnels, mais aux corps professionnels d’où recrute l’institution ses professionnels. Ce n’est pas à l’hôpital de définir comment les chirurgiens opèrent les patients ; il les engage seulement pour qu’ils opèrent, selon les critères que définit le corps professionnel des médecin et des chirurgiens.

Tragédie. Ou comédie ? En tout cas drame.

Mais, finalement, il se pourrait que l’institution Église, l’appareil, n’en soit pas malheureuse, parce que disparaît ce tiers qui la met constamment en question, en ultime instance l’Évangile, la Parole autre qui dérange, range la vie autrement. Gouverner, sans l’Évangile, c’est plus simple, gouverner l’Église et cadrer ses ministres, les animateurs d’Église. La loi suffit. Suffit-elle ?

En résumé, de fait, notre Église relativise la consécration et le pastorat ; et l’un et l’autre devient symbolique. Alors, allons jusqu’au bout, supprimons les deux, la consécration et le pastorat, et venons à une installation locale et spécifique des professionnels, quels qu’ils soient, mais bien formés et qualifiés pour le ministère pour lequel l’Église, l’employeur, les a choisit. Enfin, formons tous les laïcs, pour qu’ils, elles, toutes et tous, deviennent et soient ministres du Saint Évangile. Devenons protestants, enfin. Tous prêtres, mais certains avec délégation pastorale.

Armin Kressmann 2022, en vue des assises de la ministérielle

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