Je (AK) reproduis ici la réflexion de Jean-Patrice Cornaz, pasteur, ajoutée il y a quelques mois comme commentaire à mon article « L’islam conquérant » Et si Shafique Keshavjee avait raison ? Chantier de perplexité (Armin Kressmann) :
Le livre de Shafique dérange, c’est sûr. Mais, à mon avis, il n’est pas assez clair: en disant que l’Islam (le « vrai ») est un système de domination à visée mondiale, il cède malgré tout à la peur et fait dans la caricature. Je m’explique: l’Islam a dans ses racines textuelles de la violence et de la malédiction contre l’autre, à moins qu’il ne devienne musulman. Cela, voilà 25 ou 30 ans que Daniel Sibony le dit, l’écrit et le proclame, sans soulever des polémiques du genre de celle qui s’élève contre Shafique. Et pourtant, Daniel Sibony tient des propos décoiffants: le Coran est une reprise des textes bibliques sans reconnaissance des droits d’auteur, les livres précédents (Torah et Nouveau Testament) sont déclarés déformés par leurs auteurs, la véritable vérité divine, déformée par les Juifs et les Chrétiens est rétablie dans sa pureté par Mahomet, la malédiction d’Allah repose sur les Juifs, etc….
C’est que le livre « l’Islam conquérant », malgré les protestations de l’auteur, laisse entendre que dès que vous devenez musulman, vous tombez sous le soupçon de vouloir prendre le pouvoir dès que les conditions s’y prêteront. Et surtout, c’est comme s’il obligeait le « vrai musulman » à être fidèle aux textes violents de son texte sacré et disait en sous-main: vous qui vous dites paisibles, je ne vous crois pas, car ce faisant vous n’êtes pas fidèles à votre propre texte et si vous l’êtes, alors vous allez m’égorger dès que j’aurai le dos tourné.
Daniel Sibony est plus fin dans son analyse: il voit bien que beaucoup de musulmans installés ici ne sont pas à l’aise dans les pays où règnent la loi musulmane, il voit bien que beaucoup ne voudraient pas abandonner la liberté dont ils jouissent ici etc.. Pour lui, le « vrai Islam », ce n’est pas celui qu’on peut élaborer à partir des textes (d’où l’esprit de système): il y a la réalité vécue des musulmans sur le terrain. Et la réalité, c’est que les musulmans sont partagés en fait entre ces racines violentes qui de temps à autres se rappellent à eux au gré des situations et l’aspiration à vivre tranquilles et libres dans des pays démocratiques. Et la situation aujourd’hui, c’est que l’Islam n’a pas besoin de s’imposer au monde entier pour vivre bien. Bien sûr, certains en rêvent toujours. tout comme plein de chrétiens rêvent de « prendre leur ville pour Jésus », de marcher pour que « la souveraineté de Jésus soit reconnue dans ce pays ». Et qui appuient leur prédication sur l’humiliation des auditeurs en les disant pécheurs misérables.
Pour finir, à part les naïfs, comme dit Daniel Sibony, (Le Grand Malentendu, Islam, Israël, Occident, Odile Jacob, Paris, 2015, p.178) personne ne va demander à un peuple de toucher à son Texte sacré. Par contre, ce qu’il faut demander aux musulmans, c’est de se désolidariser complètement de ceux qui veulent appliquer la charia ou le djihad à des citoyens européens, non-musulmans. Et demander aux Etats laïcs d’empêcher que l’espace public soit envahi de propos violents et agressifs venant des religions ou des idéologies. Pour cela, les lois d’ici suffisent.
L’esprit de géométrie c’est bien; l’esprit de finesse, c’est mieux.