L’islam conquérant (Shafique Keshavjee) – Ministérielle EERV 15.11.19 Crêt-Bérard

Shafique Keshavjee, L’islam conquérant – Discussion

Je suis là pour parler de foi et de théologie.

Il y va de la paix et de la guerre ; pourtant, dans notre débat, il n’y a que des hommes qui se manifestent.

Qui suis-je pour critiquer Shafique Keshavjee ?

J’ai énormément de respect pour toi, cher Shafique, mais cela ne change pas le contenu de ton livre.

« Soyez rusés comme des serpents et candides comme les colombes. » (Matthieu 10,16)

Avec ce livre, de la colombe que tu étais pour moi, de la candeur et de la douceur, dans le sens positif de ces termes … tu as passé, – est-ce un revirement ? -, à la ruse, comme si … isomorphie. symétrie, effet miroir il y avait entre ton traité et le ou les sujets qu’il traite.

Pour moi, tu as toujours incarné une « éthique de la vertu », « Tugendethik », où la droiture de la personne, son intégrité, son mode de vie, son attitude et sa posture, sont les garants de la véracité et de la pertinence des énoncés qu’elle prononce ; nos amiEs catholiques parleraient de « sainteté », et même chez nous cette dimension de l’être chrétien est fondamentale. Combien avons-nous besoin de collègues qui sont entre guillemets « exemplaires » …

Et voilà ton dernier livre est polémique : « Petit guide pour dominer le monde » … je n’y reconnais plus celui que je connaissais. Tu me diras, et tu me l’as déjà dit, qu’il n’est que réponse à la polémique que provoquent certains milieux musulmans, l’islam dit politique. Alors ton livre est aussi politique. En tant que chrétiens, face à l’autre, qui nous provoque, devons-nous agir en symétrie ?

« La Première Guerre mondiale n’a pas commencé en 1914, mais en 630 quand Mohammed envoya ses troupes à la conquête des autres empires. Et cette guerre ne s’est jamais arrêtée depuis. » (p. 130)

Nous sommes donc en état de guerre avec les musulmans.

« Sous la paix est camouflée une guerre. » (p. 118)

« … les textes fondateurs de l’islam ont justifié l’utilisation de la terreur. » (p. 123)

Polémiste dans ta posture, tu commences à me ressembler ; je le regrette …

« Nous vivons dans un monde féroce. » (p. 23 et 31), avec une mise en évidence de la férocité …

Je te répondrais : ce n’est pas le monde qui est féroce, mais ton regard sur ce monde … notre monde que moi j’aime profondément … parce que pour moi, il est d’abord bon et beau …

Donc avec ce livre, l’image que j’avais de toi a été profondément ébranlée (d’où probablement de ma part certaines réactions plus émotionnelles que rationnelles) : je ne me suis plus retrouvé devant le sage que tu étais pour moi, le médiateur, le pacificateur, mais le prophète provocateur, dont on ne sait pas s’il a raison ou non, devant le passage de quelqu’un qui incarnait une éthique de la vertu à un utilitariste (a priori sans jugement de valeur1), donc quelqu’un qui est guidé par un but à viser et à atteindre : lequel ? quelle fin ou finalité ?

Comme lecteur, que tu souhaites averti, je dirais mettre en question la reconnaissance des communautés musulmanes vaudoises par l’État de Vaud :

« Un enjeu politique majeur en Occident est la question de la ‘reconnaissance’ constitutionnelle par l’État des communautés musulmanes … Une reconnaissance… sur la simple parole de leurs responsables affirmant qu’ils se conforment aux « droits de l’homme », serait suicidaire … » (p. 64)

Tu sais très bien que chez nous, l’État de Vaud, ne reconnaîtra jamais sur « simple parole ». Pourquoi donc cette insistance ?

Sous couvert scientifique, historique et théologique, une vision globale, avec des a priori et des arguments parfois douteux aussi, se cache un message local hautement politique …

Oui, ton livre est politique

Au moment même où communautés musulmanes et communautés évangéliques se posent et posent la question de la reconnaissance par l’État de Vaud, tu attaques frontalement les musulmans …

… et, cher Shafique, tu ne sembles pas faire confiance à l’État de Vaud et à ses institutions …

Pourtant les critères pour être reconnu sont tels, que je ne sais pas, si nous, réformés et surtout catholiques, devions nous y soumettre, nous passerions l’examen …

Je reviens à mes doutes concernant ta façon d’argumenter ; je ne suis pas à ta hauteur pour me prononcer sur la théologie musulmane ou islamique ; mais :

Je ne partage pas2 ta vision des religions comme « Systèmes suprêmes » (majuscule chez toi) comme

« ‘Visions du monde’ qui cherchent à dominer, encadrer, neutraliser ou expliquer toutes les autres visions du monde … qui cherchent à donner Sens à la totalité de la vie à leurs fidèles. » (p. 23)

Ma vision des religions est plus modeste et moins totalitaire : les religions, et philosophies, nous offrent juste les langages, les grammaires selon George Lindbeck3, – la Parole, verbale et non-verbale -, qui nous permettent de bien vivre ensemble et affronter la réalité, – c’est-à-dire ce qui est tel qu’il est, au sens scientifique et philosophique du terme, les « faits » -, nos relations entre humains, nos relations avec notre environnement et tout ce qui nous transcende, et transcende aussi la science. Donc, elles nous permettent de répondre à la question de l’ultime, de la vie et de la mort. Pour moi les religions se limitent au spirituel, le « pneumatologique » (Dieu au féminin), l’esprit dans lequel nous vivons ensemble dans ce monde tel qu’il est ; elle ne parle pas de ce qui est4, mais, pour reprendre Martin Buber, ce qui est « entre », entre nous et entre nous et ce qui est, « das Zwischen ». Pour moi, religion veut dire relation … Au commencement est la relation : « Ich und Du », Du und Ich …

Système, et encore davantage « Système suprême », veut dire Loi, lois de la nature ou lois positives, instituées … Religion, essentiellement, – et tout particulièrement mon christianisme -, veut dire Évangile, bonne nouvelle … juste un message …

Et je ne peux pas croire qu’Islam soit en soi « mauvaise nouvelle » pour tout ceux et celles qui ne sont pas musulmans5

« Pour des non-musulmans, l’islam est séducteur car il cache son vrai visage violent. » (p. 79)

« Système » :

« Chaque personne, dis-tu (p. 148), qu’elle en soit consciente ou non, adhère à un système et croit en sa puissance … aussi celles et ceux (donc moi) qui affirment croire en aucun Système. »

Ton livre, Shafique, est plein de projections et de mises en double liens.

Non, en l’occurrence, Jésus Christ, dans la filiation d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, de Moïse, de David et de Job, du Cantique des Cantiques, n’est pas un Système, mais une personne … Y adhérer n’est pas adhérer à un système, mais avoir une relation, finalement une relation personnelle avec Dieu. Et celle-ci n’est pas régulée par un système non plus, mais, pour moi, par l’amour, le double commandement d’amour en l’occurrence. Ce qui nous amène à la lecture des Écritures, le Coran ou la bible : comment se fait-il que tu accordes autant, voire davantage de poids aux textes violents qu’aux textes pacifiants dans le Coran ?

Et comment se fait-il que les « bons, les vrais musulmans » ne sont que ceux qui défendent la conquête du monde ?

Les «  fins connaisseurs … les « radicaux » (qui reviennent aux racines) » (p. 28)

« … pour de nombreux musulmans qui connaissent très bien l’ensemble de ces textes fondateurs, l’islam est un Système suprême appelé à dominer le monde. » (p. 67)

En l’occurrence, pour revenir au niveau local, à nous dominer nous, ici dans le Pays de Vaud :

« Ce livre, dis-tu, est dédié à tous ceux qui refusent à se laisser dominer par ceux qui cherchent à se laisser s’emparer de leur liberté. » (p. 31)

« Le problème, c’est que tant d’Occidentaux se laissent infiltrer, anesthésier et diviser. Et qu’ils ne perçoivent pas qu’en faisant cela, ils vont au-devant de leur propre chute. » (p.136)

Comme je le disais déjà, je ne connais pas assez l’islam, mais dans ta manière d’argumenter je retrouve quelque chose que nous connaissons bien de certains milieux évangéliques chez nous, notamment à l’égard des personnes d’orientation homosexuelle :

Les double-liens :

Si amour il y a à leur égard, c’est un amour conditionnel.

« À bien des égards, ce qui est qualifié avec crainte et mépris comme islamisme (« une politique ») semble être un visage plus conforme à l’islam des origines (« un tout politique et religieux ») que ce qui est souvent défini de manière rassurante et pacifiante comme islam (« une religion » sans politique). » (p. 61)

« Là où il s’implante (le Système suprême de l’islam conquérant, AK), des conflits entre musulmans et non-musulmans apparaissent inévitablement….

ATTENTION ! Cela va sans dire …, il y a mille manières d’être musulmans. » (p. 28)

« … je n’oublie à aucun moment la richesse humaine de tant de personnes musulmanes que je connais. » (p. 17)

« La présentation de la Stratégie conquérante de l’islam a comme objectif de ‘donner à penser’ … ‘Donner à penser’ à tous ceux qui ne veulent pas devenir esclaves des Stratégies de conquête des autres. ‘Donner à penser’ à tous ceux qui veulent éventuellement améliorer leur propre Stratégie et leur propre Système de transmission » (p.30)

« … plus les ‘libéraux’ (musulmans, AK) s’adaptent au monde occidental …, plus ils se distancient des textes fondateurs de l’islam … Et plus les ‘littéraux’ se conforment à leurs textes fondateurs, plus ils se distancient des valeurs occidentales et chrétiennes … » (p. 62)

« La plupart des musulmans culturels, et même cultuels, ne connaissant pas les stratégies des Frères musulmans, des Saoudiens ou des mouvements proches d’Al Qaïda ou de l’État islamique. … Leurs stratégies (de ces différents mouvements, AK) ne concordent pas, même si tous partagent la même finalité : la soumission de l’humanité à l’islam. … Cette stratégie n’en reflète pas moins une grande fidélité au texte fondateur de l’islam. … Des mouvements musulmans ont réussi à infiltrer ou à anesthésier avec intelligence un nombre important de ‘centres de pouvoir’ de l’Occident. Le plus souvent, en y plaçant des personnes fort ‘sympathiques’ et parfois ignorants elle-mêmes des textes des plus violents de l’islam. » (p. 134)

« Le problème, c’est que tant d’Occidentaux se laisse infiltrer, anesthésier et diviser. Et qu’ils ne perçoivent pas qu’en faisant cela, il vont au-devant de leur propre chute. » (p. 135)

« Les questions pointues à leur (aux communautés musulmanes, AK) poser sont les suivants :

Reconnaissez-vous que les paroles du Coran et de Mohammed qui interdisent de quitter l’islam, sous peine de mort, ne sont plus valables et ne seront jamais plus appliquées ? Affirmez-vous publiquement que ces paroles, déclarées inspirées, sont désormais, et pour toujours, dépassées ? » (p. 142)

J’entends, mais tu ne parles pas d’interprétation et de contextualisation, comme nous, les réformés le font pour bien un nombre de textes bibliques violents, – ce que je demanderais aussi aux musulmans de faire -, mais tu parles de validité, c’est-à-dire, tu leur demandes d’exclure en quelque sorte ces passages du canon du Coran.

Je traduis donc le message adressé aux musulmans, tel que je l’entends :

« Je récuse ce que vous êtes, si vraiment vous l’êtes, vrais musulmans, mais je vous accepte et je vous aime comme personnes si vous renoncez à ce que vous êtes. »

Nombreux sont les double-liens dans ton livre. Ils ne laissent pas le choix, ni aux musulmans, ni à des lecteurs comme moi6 qui souhaiterais que les musulmans puissent répondre aux exigences de notre vivre ensemble ici chez nous sans renier leur foi, sans fondamentalisme, mais avec une herméneutique du Coran qui dépasse une lecture littérale.

Tu vois, mon étonnement, ce concours de circonstances qui fait que deux milieux tendanciellement littéralistes, l’un musulman, l’autre chrétien évangélique, demandent au même moment la reconnaissance de l’État et que tu n’accuses que l’un des deux de littéralisme … d’une lecture « radicale », comme tu dis, de leur textes fondateurs, l’un musulman, l’autre chrétien …

Un tableau qui me perturbe :

Tu es scientifique et tu le revendiques :

« S. Keshavjee, licencié en sciences sociales et politiques, docteur en théologie spécialiste en science des religions. »

Et voilà un tableau qui m’intrigue, les « Principales violences du XXème siècle » (p. 27), les nombres de morts provoqués par les grandes guerres, civiles et mondiales, et imputés aux dictateurs que nous connaissons tant bien que mal. Je me demande ce qu’il fait là, quelle est son intention autre que mettre l’islam au même plan, nous avertir de sa « dangerosité » :

« Être ou se percevoir en ‘danger’ signifie être soumis au pouvoir de quelqu’un ou d’un Système qui nous dominerait. … Si dans ce livre le Système suprême de l’islam conquérant a été choisi, c’est parce qu’il est particulièrement complexe, méconnu, efficace et ‘dominateur’. » (p. 28)

Le tableau n’indique pas ses sources.

Les chiffres, parfois très disputés, mettent tout sur un même plan : guerre, famine, maladies, épuisement, génocide, camps de travail et d’extermination, assassinats, exécutions et tueries stratégiquement planifiées, programmées et organisées ; me manque la différenciation scientifique. Staline et le stalinisme y sont, dans le tableau même, mentionnés, aussi Mao et le maoïsme, mais pas Hitler et le national-socialisme7.

Mais ce qui me questionne le plus, c’est que les 6 millions de juifs morts entre 1939 et 1945 sont subsumés sous « La Seconde Guerre mondiale ». Où se trouve la spécificité de la Shoah ?

Il y en a qui parleraient de « révisionnisme » …

Allons un pas plus loin, au-delà du politique, jusqu’au point ultime, le seul qui, théologiquement, vaut la peine d’être vraiment traité, ici entre nous, pasteurs et diacres, membres d’une Église locale qui se veut fidèle à l’ Église universelle de Jésus Christ, Église dont on ne sait pas qui en est vraiment membre, « chrétiens et/ou non-chrétiens » :

Discutons ce que nous devrions penser (et « donner à penser »), dire et faire, si toi, cher Shafique, avec ton livre, avais raison, si nous étions vraiment en état de guerre …

Violence et non-violence, « résistance et soumission », quelle réponse chrétienne à la violence, en dernière instance la question du « pacifisme et du tyrannicide » … ?

Y a-t-il des Lasserre dans cette salle ?

Y a-t-il encore des pacifistes parmi nous ?

« Le Fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il encore de la foi sur la terre ? » (Luc 18,8 ; cf. aussi Matthieu 24,4-14)

Dietrich Bonhoeffer et/ou Jean Lasserre ?

Lasserre, y a-t-il des Lasserre parmi nous ?

Mais qui sommes-nous, pourriez-vous me demander, pour trancher ? Nous, dont notre vie n’est pas menacée ? Ne devrions-nous pas entendre ces chrétiens en danger de mort, ces communautés dont les églises sont détruites, au Proche Orient, en Asie, en Afrique, ailleurs dans le monde ?

« Il y a une grande liberté à n’avoir aucune attente, aucun projet pour le lendemain. … Votre vie est-elle centrée sur Jésus et sur lui seul ? … Priez pour nous en Syrie, mais s’il vous plaît, ne nous plaignez pas. Nous sommes plus libres que jamais. … » (Farid, dans Tom Doyle ; Chrétiens en danger de mort ; Quand la foi coûte ; Ourania, Romanel-sur-Lausanne 2019, p. 78s)

En ce qui me concerne, pour une fois, et ce n’est pas mon habitude, je dois aussi faire mon « coming out », vous donner quelques éléments de ma biographie :

Helga, Helga Squarra, ma mère était Allemande ; née à Berlin en 1924, elle avait juste 14 ans quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Un jour, sa meilleure amie a disparue … Elle-même, sans que je connaisse les circonstances exactes, a subi des violences, probablement d’ordre sexuel. Elle a été marquée pour le reste de sa vie …

Bruno, Bruno Kressmann, mon père, était Suisse ; né à Berne en 1918, il a tout juste échappé à la grippe dite espagnole (1918-1920) faisant des dizaines de millions de morts. Jeune homme, il tombe amoureux d’une femme juive, Judith Salomon. Sans que je sache les circonstances exactes, là non plus, la liaison a été rompue. Il a été marqué, lui aussi, pour le reste de sa vie.

Et moi, né en 1951, « enfant de la guerre » entre guillemets, j’en étais aussi marqué, et je le suis toujours, pour toute ma vie, ma pensée, ma foi. Parfois, je me sens plus juif que chrétien, proche de ce juif qu’était ce Jésus de Nazareth cloué sur la croix …

« Où donc est Dieu ? Et je sentais en moi, nous raconte Elie Wiesel dans La Nuit, une voix qui (lui) répondait : Où il est ? Le voici … il est pendu ici, à cette potence … », le pipel, l’enfant pendu au camp de concentration, de travail et d’extermination Monowitz-Buna faisant partie du complexe d’Auschwitz (Elie Wiesel, La Nuit, Minuit, Paris 1958, p. 105)

Et puis, il y a encore le destin des « fous et des idiots », … le destin de notre fille Sina … mon engagement pour les personnes en situation de handicap, les premières victimes « gazées » du national-socialisme

Je me permets donc de m’imaginer un peu, et si ce n’est qu’un tout petit peu, ce que ressentent les chrétiens persécutés, vivant dans des pays de guerre. Depuis passé cinquante ans, je me demande ce que veut dire l’amour, l’amour de l’ennemi ; il y a des moments où Dieu se fait autre, tout-autre, étranger, « ennemi ? »8 :

« Tu l’aimeras de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force.

Tu le feras de toute ta personne, de ton âme et de ta pensée. »

« Je me rappelle une discussion que j’ai eu avec un jeune pasteur français, il y a treize ans. Nous nous étions posé tout simplement cette question : que voulons-nous faire de notre vie ? Il me dit : ‘J’aimerais être un saint.’ (Je crois possible qu’il ait réalisé ce désir.) Cela m’impressionna beaucoup alors. Pourtant je répliquai à peu près : ‘Moi, j’aimerais apprendre à croire.’ Pendant longtemps je n’ai pas compris la profondeur du contraste entre ces deux attitudes. J’ai cru pouvoir apprendre à croire tout en essayant de mener une vie sainte en quelque sorte …

J’ai compris plus tard et je continue d’apprendre que c’est en vivant pleinement la vie terrestre qu’on parvient à croire. Quand on a renoncé complètement à devenir quelqu’un – un saint, ou un pécheur converti, ou un homme d’Eglise (ce qu’on appelle une figure de prêtre), un juste ou un injuste, un malade ou un bien-portant – afin de vivre dans la multitude des tâches, des questions, des succès et des insuccès, des expériences et des perplexités – et c’est cela que j’appelle vivre dans le monde – alors on se met pleinement entre les mains de Dieu, on prend au sérieux non ses propres souffrances, mais celles de Dieu dans le monde, on veille avec le Christ à Gethsémané ; telle est, je pense, la foi, la metanoia ; c’est ainsi qu’on devient un homme, un chrétien. (cf. Jérémie 45) » (Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission, Lettre du 21 juillet 1944, après la nouvelle de l’échec de l’attentat sur Hitler du 20 juillet 1944 ; Labor et Fides, Genève 1961 (?), p. 170)

« Il n’y a pas de paix possible sur la voie de la sécurité, car la paix est une audace, c’est une aventure qui ne va pas sans risques. La paix, c’est le contraire de la sécurité. Donner priorité à la ‘sécurité’ signifie méfiance qui à son tour entraîne la guerre. » (Dietrich Bonhoeffer, 1934 à Fanoe)

« …. nous (J. Lasserre et Bonhoeffer, AK) comprîmes mieux que jamais d’une part la profondeur des liens qui attachent les uns aux autres ceux qui croient d’abord en Christ, par-dessus toutes les barrières que les hommes s’ingénient et s’épuisent à construire entre eux … » (Jean Lasserre, « Remembrance of Dietrich Bonhoeffer »)

« Il peut y avoir une paix qui est pire que le combat. Mais ce doit être un combat qui procède de l’amour envers autrui, un combat issu de l’esprit, non de la chair » (Dietrich Bonhoeffer, 1929)

« Qui d’entre nous peut dire qu’il sait ce que cela signifierait pour le monde si une nation accueillait l’agresseur non pas les armes à la main, mais en priant, sans défense, et de ce fait même protégée par « un rempart invincible » ? » (Dietrich Bonhoeffer, 1934 à Fanoe)

« Le chemin de la paix n’est pas celui de la sécurité. Car la paix doit être audacieuse. C’est le grand risque à prendre. Elle ne peut jamais être assurée. La paix est le contraire de la sécurité. Demander des garanties, c’est douter, et ce doute à son tour conduit à la guerre. » (Dietrich Bonhoeffer 1934 à Fanoe ; cité par Frédéric Rognon, Dietrich Bonhoeffer ; Olivétan, Lyon 2011, p. 31)

« Devant moi se tient la vocation. Ce que Dieu en fera, je ne sais pas. » (Dietrich Bonhoeffer)

Bonhoeffer, Lasserre, y a-t-il encore des Lasserre parmi nous ?

Le dernier génocide, chez nous ici en Europe, c’était de notre vivant9, a été commis à l’égard de musulmans … Et un de ses négationnistes vient de recevoir le Prix Nobel10.

Armin Kressmann 2019

1L’éthique chrétienne ou biblique est multiple : on y trouve de l’éthique déontologique (double commandement d’amour p.ex.), utilitariste (finale de l’évangile selon Matthieu), procéduralisme (Job ou Abraham, les deux aussi déontologique), éthique de la vertue (« Je vous le dis, c’est la vérité … », etc.

2Je fais donc partie de ceux et celle qui disent : « Objection ! » (p. 33)

3Et même là, en tant que scientifique aussi, (biologiste moléculaire) je pense être moins totalisant que Lindbeck.

4Qui lui appartient à la science (Wittgenstein)

5Pourquoi, si on y croit, et dans une perspective chrétienne, ce qui est dit à la page 44 de ton livre, par le terme « religion universelle », ne pourra pas se réaliser, « l’universalité de la mission », « la tolérance, l’amour de Jésus, l’amour de Moïse, l’amour de tous les prophètes … » ; cf. Bonhoeffer et Lasserre, leurs paroles citées à la fin de mon intervention ? Pourquoi, pour promouvoir la paix entre les religions ici chez nous, les mêmes faits dont tu parles dans ton livre, tu ne les as pas abordés dans une perspective pacifiante, une autre que celle de la « guerre » ?

« Comprendre que l’islam est un Système qui ne se laisse jamais enfermer dans une seule compréhension, c’est commencer à mettre fin à l’incompréhension. » (p. 81)

6« L’islam conquérant progresse camouflé. Et l’aveuglement d’une part des élites occidentales est interpellant. » (p. 118)

7Ce dernier est évoqué dans le texte : « nazisme » (p. 26)

8« Béni soit le nom de l’Éternel ? / Pourquoi, mais pourquoi Le bénirais-je ? Toutes mes fibres se révoltaient. Parce qu’Il avait fait brûler des milliers d’enfants dans ses fosses ? Parce qu’Il faisait fonctionner six crématoires jour et nuit, les jours de Sabbat et les jours de fête ? Parce que dans Sa grande puissance, Il avait créé Auschwitz, Birkenau, Buna, et tant d’usines de la mort ? Comment Lui dirais-je : Béni sois-Tu, l’Éternel, Maître de l’Univers, qui nous a élus parmi les peuples pour être torturés jour et nuit, pour voir nos pères, nos mères, nos frères finir au crématoire ? Loué soit Ton Saint Nom, Toi qui nous a choisis pour être égorgés sur Ton autel ? » (Elie Wiesel, La Nuit, p. 108s)

91995

10 Vahidin Preljevic, Handkes Serbien, Perlentaucher 7.11.19  ; Enver Robelli ; Ein Blinder auf dem Balkan, Tagesanzeiger 9.11.19

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