EERV Rendre le culte à la communauté

« Le culte appartient à la communauté, et non pas au pasteur. … Déchargeons les ministres, laissons-les s’occuper des familles, des enfants, des jeunes, des soucis du travail et de la vie en couple, réaliser les projets qui leur tiennent à cœur » ai-je écrit dans une lettre de lecteur dans le quotidien suisse romand 24heures.

A la communauté donc de s’occuper du culte, avec les ministres là où cela fait sens, avec leur soutien, mais sous la responsabilité communautaire et une implication forte des « laïcs ».

Les raisons sont multiples, théologiques, ecclésiologiques et sociales ; en voici quelques unes :

  • Le principe protestant du sacerdoce universel ; chaque croyant est aussi prêtre.
  • La reconnaissance des charismes, et pas seulement celui de l’enseignement.
  • Le renouvellement du culte, de la liturgie, de la médiation, de la contemplation, de la musique et de la prière, l’exploration de formes autres que seule frontale, essentiellement auditive et verbale, des formes plus participatives et interactives explorant tous les sens.
  • L’élargissement du public ou des publics, la prise au sérieux de sensibilités autres, donc l’accueil de l’autre, et cela pas seulement lors de célébrations spéciales particulières, mais dans le culte « principal » de la communauté.
  • La découverte et la reconnaissance de la diversité des spiritualités chrétiennes possibles.
  • Le renforcement des liens et le renouvellement de la communauté locale.
  • L’évangélisation, un travail sur le sens de la vie et les besoins du monde et des humains. La participation aux débats sur ce qui est bien et juste. Une éthique chrétienne, devant Dieu, qu’est-ce ? Et qu’est-ce être protestant réformé, le fait-il encore sens ?
  • Donc le défi de cette communauté spirituelle que nous appelons Église universelle qui dépasse les frontières des Églises institutionnelles. L’œcuménisme et le dialogue interreligieux comme recherche et enrichissement, et non pas comme ralliement à une forme reconnue vraie et unique.
  • L’ouverture à toute forme de vocation, un travail sur la vocation interne et la vocation externe, finalement le recrutement de ministres.
  • La réflexion sur le ministère et la consécration. Celle-ci est-elle ad personam, ou est-elle directement liée à un ministère donné ? Suis-je encore pasteur, ou diacre, quelque chose de plus que professionnel, en l’occurrence théologien formé pour le métier de pasteur, quand je n’ai plus de ministère ?
  • L’ouverture à la liberté spirituelle, l’Esprit dont nous ne savons pas d’où il vient ni où il va.
  • Finalement la fidélité au projet de Dieu en Christ, ne jamais atteinte, mais toujours à aspirer.

C’est vrai, en ce que je viens de développer il y a un paradoxe, celui entre le sacerdoce universel que je défends d’une part, et le maintien de ministères d’autre part. Mais je pense que c’est justement dans ce paradoxe, la tension qu’il établit, qu’à mon avis réside la clé de l’avenir de notre Église, protestante réformée, de sa raison d’être et de son renouvellement. Les ministres sont appelés non pas à faire le travail de la communauté, mais à faire de sorte que la communauté puisse faire son travail et, au même temps, soit constamment renouvelée, c’est-à-dire capable d’affronter les défis que la vie pose à la vie, dans un esprit chrétien à discerner en permanence.

Pratiquement ?

Du côté de la communauté :

Ouvrir le champ de la prédication aux prédicateurs laïcs ne suffit pas. C’est l’ensemble du culte qui change quand un groupe issu de la communauté et reconnu par celle-ci s’implique dans le culte : prière, chants, musique, prédication, expressions artistiques autres que chant et parole, déroulement, donc liturgie, etc. Même la question des sacrements, pour nous les protestants, n’est qu’une question disciplinaire. Pour faire évoluer le culte et favoriser la participation des laïcs, évidemment, cela fait partie du paradoxe, il faut des ministres, des personnes reconnues comme formateurs et formatrices, tuteurs, tutrices, accompagnants et accompagnatrices. Régulation faudra-t-il toujours, à un niveau méta aussi, mettant les différentes expériences locales en lien les unes avec les autres à l’intérieur d’un cadre déontologique commun. Par ailleurs, et c’est un drame, ce dernier, une éthique professionnelle, manque dans notre Église. Les corps professionnels, pasteurs, diacres, aumôniers, etc., ne s’en occupant pas, – je ne sait pas pourquoi, par peur, manque de temps, incompétence, crainte de se livrer les uns aux autres, donc être exposé à travers ce qu’on croit, qu’on dit et fait ? -, c’est la hiérarchie qui définit ce qui est « professionnel » et ce qui ne l’est pas. Une part de la crise qu’ont provoquée les différents licenciements revient à ce manquement.

Du côté des ministres :

En ce qui précède, deux axes se dégagent pour le travail ministériel, – plus spécifiquement pastoral, mais pas exclusivement -, par rapport à la vie cultuelle locale :

  • L’accompagnement des laïcs et laïques dans l’élaboration de cultes.
  • Par leur engagements hors noyaux paroissial, l’exploration de nouveaux champs possibles de s’impliquer dans le culte : enfants, jeunes, femmes, parents, familles, marges, monde du travail, institutions, etc.

Alors, pour commencer :

  • Un groupe paroissial ou régional composé de personnes prêtes à s’impliquer davantage dans le culte.
  • Quelques fois par année un culte porté par ce groupe.
  • Quelques fois par année un culte porté par les milieux où s’investissent désormais davantage les ministres.
  • Enfin, je n’ai jamais compris pourquoi les groupes d’étude biblique et de prière ne s’impliquent pas plus dans le culte.

En conclusion :

Plus1 de culte spéciaux, parce que chaque culte serait spécial.

Armin Kressmann 2018

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