L’Évangile de l’enfance de Jésus selon Matthieu (Mt 1,1-2.3) – Comment, enfin, devenir enfant ?

« Quatre péricopes … qui place le lecteur immédiatement devant le fait accompli de

  • « Jésus appelé Christ » (1,16.18)
  • sauveur de son peuple (1,21)
  • roi des juifs (2,2 ; habitants de la Judée selon Chouraqui)
  • adoré par les mages (2,11)
  • mais méconnu et rejeté par les autorités officielles de son peuple (2,13-23)

… C’est tout l’Évangile matthéen qui s’y trouve déjà annoncé et enseignée comme à mots couverts.

… (Mt) met constamment son récit en relation avec les Écritures juives de l’Ancien Testament

… il fait apparaître les implications publiques, politiques et même internationales de cette naissance. » (Pierre Bonnard ; L’Évangile selon saint Matthieu, Labor et Fides, Genève 1982, p. 13s)

La naissance de Jésus Christ, – toute naissance comme nous le montre Matthieu -, est d’une portée universelle ; il s’agit de l’ensemble de l’histoire du salut, en toutes ses dimensions, personnelles, collectives, sociales, politiques et éthiques ; cela contre tout ceux et celles qui souhaitent réduire la prédication à une affaire spirituelle privée. Une Église qui ne se positionne pas face au monde et ce qui s’y passe, donc à la politique, ne proclame pas l’Évangile et se fait implicitement (voire explicitement) complice des multiples abus de pouvoir (« péché »).

1,1-17 Généalogie de Jésus, que l’on appelle Christ

v. 1 « Livre des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham »

v. 17 « quatorze générations d’Abraham à David »

« quatorze de David à la déportation de Babylone »

« quatorze de la déportation de Babylone au Christ »

« quatorze », lettre « noun » – « service »,

  • la quatorzième lettre de l’alphabet hébraïque, deux fois sept, « connaissance de la plénitude » ; trois fois, « communauté » … être dans la communauté de la connaissance de la plénitude
  • d’une valeur arithmologique 50 qui veut dire « poisson », « ichtus » en grec, mot composé des initiales de « Jésus Christ fils de Dieu sauveur »

v. 16 « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, que l’on appelle Christ »

« Le Christ inaugure l’ère des Poissons. Appelé ‘Nouvel Adam’, il récapitule toute l’Humanité. » (Annick de Souzenelle ; La lettre chemin de Vie ; Albin Michel, Paris 1993, p. 154)

« … à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. » (Jean 3,3)

1,18-25 L’annonce à Joseph …

ce que Dieu propose quand problème familial ou conjugal, menace à l’intérieur, dans le privé, il y a, même danger de mort pour l’enfant et sa mère si porté à l’extérieur

v. 20 « l’ange du Seigneur lui apparut en songe »

v. 23 « Emmanuel – Dieu avec nous »

2,1-12 La visite des mages ; Matthieu 2,1-12(15) – « Récit d’une expérience scientifique » ou « L’Épiphanie expérimentée par des scientifiques »

v. 9 « … et voici l’astre … vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant »

v. 10 « à la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie »

v. 11 « Entrant dans la maison, ils virent l’enfant … »

Entrant dans le « beith », la maison, la création, le commencement (Genèses 1,1) … que voyons-nous ?

L’enfant … la joie … l’enfant, une « joie plus que joyeuse, joyeusement joyeuse », littéralement une « joie massivement très joyeuse »

Ce qui est surprenant est le fait que cette immense joie surgisse avant la rencontre avec l’enfant déjà ; le fait de l’avoir trouvé semble l’emporter sur la rencontre même.

v. 12 « divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode »

2,13-15 La fuite en Égypte

v. 13 « l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph »

ce que Dieu propose quand menace de l’extérieur, danger de mort pour l’enfant il y a

2,16-18 Massacre des enfants de Bethléem

2,19-23 Retour d’Égypte, établissement à Nazareth

Au centre de ce résumé de l’Évangile tout entier se trouve l’enfant qui entoure la joie, donc, pour être encore plus précis, l’immense joie portée par l’enfant qui vient de naître, quand on creuse encore davantage, la joie qu’implique la naissance de tout enfant, de l’enfant que nous sommes, ou, quand nous ne le sommes pas ou plus, que nous sommes censé de faire renaître. La conversion est celle qui se tourne vers l’enfant en nous, l’enjeu est son devenir, la conversion ce long chemin qui nous ramène à lui, à ce que nous sommes profondément dans les yeux de Dieu. Pour Matthieu, Dieu en Jésus Christ pour Matthieu, le défi de la vie n’est pas devenir adulte, mais, enfin, enfant, enfant de Dieu. Le « monde » veut des adultes, Dieu des enfants !

Au fond, nous le savions depuis toujours ; mais, depuis toujours, nous y résistons.

Le Christ de Matthieu le confirme, explicitement :

« En vérité, je vous le déclare, si vous ne changez et devenez comme les enfants, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. » (Matthieu 18,3)

Armin Kressmann 2017

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