Une confession de la foi
Suite d’un échange profond avec Paul Schorer sur la virginité de Marie et l’invitation adressée à notre Église (EERV Église évangélique réformée du canton de Vaud) par Jacques-André Haury à mettre une statue de Marie sur un socle vide (!) à la cathédrale de Lausanne.
Quel plaisir, cher Paul, de poursuivre avec toi le débat sur le mystère de notre foi, ses origines et ses finalités, Noël et Pâques, le Christ, sa naissance, sa mort et sa résurrection, source de vie pour nous qui y croyons, moteur de notre échange, qui, lui, pour moi est plus important que les accords ou les désaccords qui persistent. Quand échange il y a, face à face entre égaux, il y a vie, et vie n’est rien d’autre qu’échange, entre nous les vivants et avec celui en qui nous reconnaissons le vivant, notre Dieu.
Notre Dieu ?
« Personne ne l’a jamais vu » (Jean 1,18) … « Mais Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père nous l’a dévoilé. »
Dieu Fils unique, c’est de lui que se nourrit notre échange, c’est vers lui qu’il tend1,
sa présence dans ta vie, dans la mienne, les transformations et transfigurations dont il est le moteur dans ta vie, dans la mienne, les miracles quotidiens que nous sommes invités à y reconnaître tous les jours, ce que la théologie appelle le salut.
Nous y sommes, et tes réactions me font comprendre que tu doutes de ma foi, la foi dont les miracles sont la pierre d’achoppement.
J’y crois, cher Paul, j’en vis tous les jours et notre échange en fait partie.
J’y crois tellement que je n’ai pas besoin, plus besoin, de croire que ma fille handicapée soit guérie si j’y croyais, mais qu’elle est guérie, pour moi, sans être guérie pour ceux et celles qui attendent encore des miracles, et avec elle tous ces hommes, femmes et enfants que je côtoie dans l’univers magique et merveilleux du handicap mental, de la « folie », la psychiatrie dirions-nous aujourd’hui, des enfants malmenés, maltraités, abusés. J’ai le privilège d’être témoin de guérison, parfois en être peut-être même porteur, je n’ai plus besoin de croire que Dieu puisse faire de miracles en changeant la création telle qu’elle est, parce que je vis des miracles chaque jour.
Non, cher Paul, je ne crois pas que Jésus ait guéri l’aveugle né (Jean 9,1-3) ou le fou de Gérasa (Marc 5,1-20) tel que la large partie des croyants croient que guérison devrait fonctionner, au niveau de l’état physique, au niveau de ce que la science appelle des faits. Mais je crois, et c’est ainsi que je lis les récits de guérison, que guérison il y a partout où nous nous reconnaissons et en tirons les conséquences pratiques comme égaux les uns les autres en ce corps du Christ que nous appelons Église, grâce et en l’œuvre que Dieu a accompli en Christ pour nous. Et cela se passe ici et maintenant, et cela s’appelle le royaume de Dieu. Pourtant, celui-ci reste caché, parce que la large majorité des croyants qui se disent croyants n’y croient pas et attendent toujours que Dieu fasse des miracles. Ce sont eux, ceux et celles qui attendent toujours et encore des miracles, qui sont incrédules, pas moi, eux qui ainsi ne reconnaissent pas la présence réelle du Christ, du ressuscité, parmi nous. Incrédules, eux qui attendent des changements d’états de fait qui ne changent pas, la guérison des handicapés, des fous, des homosexuels, incrédules tous ceux et celles qui ont besoin de voir dans la virginité de Marie une loi qui pour la biologie ne change pas ! Pour moi, Marie est vierge, parce que je me fiche, excuse-moi ma crudité, de ses antécédents sexuels, parce que je reconnais en son enfant le Christ, et quand enfant il y a, pour Dieu, pour moi, toute maman est vierge. C’est ainsi que Dieu couvre par son Esprit les antécédents qui pourraient hypothéquer l’avenir de l’enfant.
Et comme pour Noël pour Pâques aussi, je me permets de nous rendre attentifs au fait que l’événement est un non-événment : le tombeau est vide, et l’évangile de Marc, le plus ancien, dans sa version originale, semble-t-il, s’arrête là (Marc 16,8). La résurrection est un non-événement, le miracle qui est au centre de notre foi chrétienne est un non-miracle. Mais à l’Église, à ceux et celles qui se déclarent croyants, cela ne semble pas suffire ; le vide l’angoisse, elle attend toujours du visible, des signes, des miracles, et ne voit pas qu’en ce vide de Pâques tout est déjà accompli, parce que ce vide est la matrice d’un monde nouveau ; nous sommes renvoyés à notre Galilée, notre vie avec toutes ses contradictions ; c’est là où le vivant se rencontre, physiquement.
A la virginité de Marie à Noël correspond le vide du tombeau à Pâques, confirmés les deux par l’Ascension et Pentecôte.
Il s’agit de naissance, toujours.
Il s’agit de l’enfant, il s’agit toujours de l’enfant !
Il s’agit de notre naissance.
J’y crois.
Armin, temps de Pâques 2017
1 C’est l’enfant qui est au coeur de nos débats entre chrétiens, et non Marie, sa mère. Ce sont nos enfants qui devraient être au coeur de nos préoccupations ecclésiales (et non les « paroisses » ou « l’Église » …) et sociales. Notre monde est hostile aux enfants ! Notre culte dominical est hostile à l’égard des enfants !
Cet enfant pour moi a le nom de bonheur. Dieu nous appelle au bonheur dans tout ce que nous traversons, le bonheur d’être en vie, en paix, capable d’aimer et d’être aimé. Le malheur étant pour moi l’incapacité d’accueillir le bonheur auquel l’humain est appelé. Un bonheur à choisir dans tout ce que la vie offre de situations joyeuses ou douloureuses. Donner naissance encore et encore au bonheur d’être en vie, en paix, capable d’aimer et d’être aimé.