Soins et éducation : « cure » et « care » et accompagnement spirituel (cf. commentaires)

3 réflexions au sujet de « Soins et éducation : « cure » et « care » et accompagnement spirituel (cf. commentaires) »

  1. Bonjour Mr Kressmann!
    Vous ayant écrit il y a quelques mois, au sujet d’un mémoire que je dois réaliser autour du peu de prise en compte de la dimension spirituelle par les soignants, je me permets de revenir à vous avec une nouvelle question, … en relisant mon cadre conceptuel, je reviens sur le « care »… et je tombe sur votre page! Comment le voyez-vous par rapport à la dimension spirituelle, au soin spirituel… ? Qu’en pensez-vous? Quel lien faire?
    Merci d’avance pour votre réponse qui me sera d’une grande aide! Bonne journée… et une année à la hauteur de vos aspirations!
    Soeur Roxane

  2. On pourrait dire, sans les opposer, que « cure » et « care » représentent dans les soins ce que sont autonomie et bienfaisance en bioéthique ou « capabilité » et vulnérabilité dans le socio-éducatif.

    Le principe « cure » vise un but à atteindre, la « guérison », partielle ou complète, un retour vers un état stable dans le temps. Il y a donc en quelque sorte une norme par rapport à laquelle se fait l’intervention. On pourrait aussi parler d’une démarche par objectif, ou par différence (par rapport à un objectif, un résultat).

    Le principe « care » par contre est davantage orienté vers le processus, fait avec ce qui est tel qu’il est. Si objectif il y a, c’est n’est pas d’abord la guérison, mais le « bien-être » ou le confort de la personne en question. Accompagner celle-ci sur le chemin qui est le sien pour qu’elle puisse cheminer dans les conditions les meilleures possibles est l’intention. Devant l’inconnu de l’issue ou la connaissance d’une issue fatale c’est l’altérité qui se manifeste et le chemin devient le but.

    Il en suit que le « cure » demande une présence spirituelle dans les inquiétudes de l’urgence, le « care », soins et sollicitude, par contre une présence dans la durée et, devant des maladies évolutives ou dans des situations de handicap qui s’instaure une attitude plus « enveloppante ». Je crois que les deux postures ne sont pas tout à fait les mêmes : une fois mobiliser toutes les ressources, une fois accompagner des deuils. Ce serait à creuser, aussi au niveau théologique. Croix et résurrection, résurrection et croix ? Miracle avec ou sans guérison ?

  3. On me demande d’approfondir « le lien entre le ‘care’ et la dimension spirituelle » :

    Comme on le disait, le « care », soins et sollicitudes, se situe du côté de la vulnérabilité, de la fragilité et de la dépendance. L’accompagnement doit en tenir compte et travailler au niveau de l’enveloppe (physique, psychique et sociale) et l’enveloppe de l’enveloppe (le spirituel ; cf. les réflexions sur l’enveloppe de l’enveloppe sur ce site même). Toute relation enveloppante, – fondamentalement maternelle -, comporte en elle-même une asymétrie dont il faut tenir compte pour qu’elle ne devienne pas emprise qui ne respecte plus le vis-à-vis (dans sa dignité et son autonomie). L’accompagnement spirituel y joue un rôle primordial. Par excellence il est sensé de tienir compte de la réalité de l’asymétrie fondamentale qu’est celle que fondamentalement l’autre nous échappe. Qui suis-je devant l’autre et l’autre qui est-il devant moi ? Un autre à ramener au même ou un tout-autre, en dernière instance accessible seulement là où il se livre à moi ? Surgissent les questions sur l’identité, le sens, la transcendance, mais aussi sur l’appartenance et la reconnaissance. Dans le « care » tenir compte de ces dimensions et y « prendre autrui en charge » est une fonction spirituelle. Mais pour ne pas s’imposer avec sa vision du monde et de la vie, l’accompagnant spirituel, comme je viens de la dire à travers « Charly », doit suspendre ce qu’il est, pense et croit (sans le renier) et permettre à son vis-à-vis de re-naître.

    Cette posture, dans une vision chrétienne, est fondamentalement celle du Christ, qui se dépouille lui-même (la « kénose ») pour permettre à autrui de re-naître (le « sauver »), au point de donner sa vie « pour nous », ce qui ne nous est pas demandé à nous. Le renvoi à l’œuvre unique en Christ a donc une fonction thérapeutique.

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