8.1a     Comme il (Jésus) descendit de la montagne…

Je ne sais ce qu’il en est de vous, mais moi, quand le moment est venu, après une belle course en montagne, de redescendre vers la vallée, je suis saisie de sentiments mélangés : la joie pour la belle journée, pour ces moments uniques hors du temps et de l’espace – Et Jésus venait de donner le Sermon sur la montagne. Moments d’intimité avec la création et le Créateur. Et puis le difficile de quitter tout cela, d’accepter la limite, la tristesse de la finitude des choses, la fatigue dans les jambes. Le soulagement aussi à l’idée d’un bon repas, d’un lit douillet avec un sommeil réparateur.

Alors, j’imagine que sous le ciel d’Israël, Jésus, les disciples et les foules vivaient ce kaléidoscope de sentiments en cheminant vers la vallée et la ville.

8.1b     …de grandes foules l’accompagnaient

Je préfère ce sens du verbe grec akoloutheo. Jésus n’aimait pas être suivi, car pour lui c’est le Satan qui vient derrière. Et quand il est suivi, il se retire au désert. Mais Jésus veut être accompagné par ses disciples, tout comme il cherche à nous accompagner (Compagnons d’Emmaüs).

8.2       Et voici un lépreux s’approche, se prosterne devant lui en disant : « Seigneur, si tu le veux, tu as le pouvoir de me purifier (nettoyer – catharsis)

Voici bien la preuve que nous sommes redescendus de la montagne : un lépreux. La lèpre ! Si terrible maladie dont on a ignoré si longtemps les modes de contamination et de guérison. Aujourd’hui encore, des milliers de personnes en sont atteintes et sont réellement traitées par leurs compatriotes comme des pestiférées, même une fois guéries, comme par ex à Madagascar (Soeur Alessandra, Village de l’Amitié).

La lèpre physique, maladie du corps. Mais aussi la lèpre intérieure, celle de l’âme. Celle qui peut nous ronger de l’intérieur, qu’elle s’appelle péché, angoisse, culpabilité pathologique, ressentiment, colère, dépression, tristesse, jalousie …. Tous ces sentiments que nous n’avons pas appris à exprimer car ils sont « négatifs », « pas chrétiens », « peu charitables » que sais-je ? Mais qui nous mangent d’autant plus sûrement que nous les nions au point qu’ils peuvent même nous rendre malades extérieurement.

D’ailleurs le lépreux ne demande pas à « être guéri » mais à « être purifié », « nettoyé ». Cela illustre cette parole d’un Père de l’Eglise qui disait que le chemin des humains est toujours de descendre de la montagne. Et en bas, ne devenons-nous pas tous des lépreux? Cela est encore accentué par le fait que pour les Juifs, la guérison de la lèpre est signe des temps messianiques. Or la guérison la plus importante n’est-elle pas celle de la lèpre intérieure ? (cf. Paralytique sur le toit)

Le lépreux reconnaît le pouvoir de Jésus – pouvoir messianique donc – et lui laisse la liberté de répondre ouï ou non à sa requête : « si tu le veux « .

8.3 Alors Jésus fait l’incroyable, ce que vous n’oseriez pas faire, ce que personne n’aurait osé faire : il touche le lépreux. II touche de la main cet homme qu’aucune main n’a plus touché, caressé, tenu, poussé ou attiré depuis si longtemps qu’il en a oublié ce que cela pouvait faire.

L’intouchable est touché.

Etre touché, bercé, caressé, tenu, porté. N’est-ce pas une de nos premières expériences du monde ? Celle dont on se rend compte aujourd’hui qu’elle est essentielle à tout âge mais plus particulièrement au début et à la fin de notre vie.

Etre touché. Surprise ! Enfin ! doit se dire le lépreux qui sent toute la douceur, la force, la légèreté, la fermeté de cette main sur sa peau.

Aussitôt il fut purifié de sa lèpre

Comme la femme à la perte de sang qui fut guérie en touchant le vêtement de Jésus, cet homme sent la force et l’amour du Messie le traverser et il est nouveau, remis à neuf, pur (être impur = être exclu).

8.4a     Et il lui dit Jésus : Regarde

Etonnant non, ce « regarde » escamoté par les traducteurs. Regarde. Regarde-moi, regarde-toi, regarde le monde avec tes yeux neufs, purifiés, avec ton cœur nouveau, avec ta peau guérie. Regarde toutes ces choses et nous deux et ne l’oublie pas. N’oublie pas non plus la qualité de ton regard, de mon regard en cet instant fugace. Toi aussi dorénavant regarde les autres et toi-même avec l’amour que j’ai pour toi. Toi aussi transmets la vie par ton regard. Utilise tes yeux, miroir de l’âme, pour le bien, pour la guérison.

Ensuite,

8.4b     Ne le dis pas mais va te montrer aux prêtres et présente l’offrande que Moïse a prescrite : vers un témoignage pour eux.

Regarde, mais tais-toi. Le temps n’est pas encore venu d’annoncer le Messie au grand jour, par la parole. Le seul témoignage est implicite et sans mots pour l’oreille.

Va te montrer aux prêtres. Vers un témoignage pour eux. Les prêtres sont censés décoder ce que veut dire la guérison de la lèpre, c’est à dire les temps messianiques. Peut-être vont-ils comprendre, peut-être (vers) ?

Et l’offrande (un rituel complexe qui prend 8 jours) va réintégrer l’ex-lépreux dans la société de son temps, dans sa famille, dans son travail. Ainsi sa guérison, sa purification sera-t-elle complète.

Jésus se préoccupe de guérir l’être humain dans toutes ses dimensions : physique-biologique, psychique-spirituelle et sociale. II nous veut debout, entiers, reliés à lui-même et à nos semblables.

Car nul ne peut rester toute sa vie sur la montagne. Nous aussi tout à l’heure nous allons redescendre ( de cette eucharistie).

Que le Christ, le Seigneur puisse nous guérir, purifier chacune et chacun d’entre nous qui le lui demande, de notre lèpre à nous. Afin que nous soyons ensemble une communauté humaine, renouvelée et purifiée qui porte un regard de vie et d’amour sur le monde, sur la vallée, en bas, qui nous attend pour que nous y prenions notre place. Comme le sel de la terre.

Amen

Christine Plak Alexander – juin 1997

Texte catéchétique faisant partie d’une série publiée en 1999 lors du centenaire de la Fondation Eben-Hézer, fondée par Julie Hofmann :

• « L’origine et l’histoire du mot handicap » (tiré d’un « Que sais-je ? » écrit par Claude Hamonet)
• « Eben-Hézer » – La pierre du secours
• « T’es handicapé ! »
• Julie au musée des mots qui handicapent
• « T’as tes défauts… pourtant, t’es pas handicapé ! »
• Julie n’est pas folle
• Matthieu 5,21-22 (Mt 5,21-22) « Imbécile, fou » – Catéchèse
• Un handicapé nommé Paul : lettres aux Galates et aux Corinthiens (Ga 4,14-15 ; 1 Co 12,7-9)
• Matthieu 8,1-4 (Mt 8,1-4) – L’intouchable est touché
• Valentine se pose des questions : Julie prie ?
• Valentine se pose des questions : Accueil des petits … accueil de Dieu ? (Matthieu 25,31-46 ; Mt 25,31-46)
• « Demain je viendrai manger chez toi » (légende hindoue – Matthieu 25)
• Valentine se pose des questions : Choisir son chemin !?
• Des traces sur le sable (Adémas De Borros)
• Valentine se pose des questions : Dieu pour moi ? (suite à Julie Hofmann)
• Valentine se pose des questions : Dieu… à quoi ça sert ? (suite à Julie Hofmann)
• Voici l’autre devant moi (prière ; Michel Quoist)
• Pourquoi, Seigneur ? (prière)