Matthieu 18 (Mt 18), premières réactions – Le Royaume et la gestion de conflits

Le contexte biblique large

C’est dans notre contexte de vie à nous, – concrète, personnelle, sociale et communautaire -, que nous sommes invités à lire la bible, en l’occurrence ce chapitre 18 de l’évangile selon Matthieu qui traite notre manière de gérer des conflits. Je me rends compte, en lisant et relisant ce passage, qu’il s’agit

  • de tensions qui m’habitent moi-même, « Qui suis-je, moi, face à Dieu ? » ou, comme le disent les disciples : « Qui est le plus grand dans la Royaume de Dieu ? », donc de cette question mal posée « Suis-je digne de mériter la présence de Dieu ? » … alors de conflits internes à moi

  • de tensions que j’ai et que nous avons entre tous ceux et celles qui cherchons à être à la hauteur de l’amour incarné en ce Jésus de Nazareth dont parle Matthieu, ses « disciples », les « chrétiens » dirions-nous aujourd’hui, « Qui est le plus grand dans la Royaume de Dieu ? » en nous comparant les uns les autres

  • de tensions entre tous ceux et celles qui sont de bonne volonté et souhaitent former une humanité aussi humaine que possible

Nous pouvons aller plus loin encore :

  • quand je regarde ce qui précède le chapitre 18, je vois d’abord le rapport que nous entretenons avec ce que nous appelons aujourd’hui l’État (l’institution qui prélève des impôts ; Mt 17,24-27), puis le rapport avec le vie elle-même et sa finitude, la mort (Mt 17,22-23).

  • quand je regarde ce qui suit, je me retrouve devant la relation la plus intime possible, celle que nous avons entre homme et femme, le mariage et le divorce.

En conséquence, tout le monde est donc interpellé, tous nous sommes concernés. La question de l’accès au Royaume et la gestion des conflits, pour Matthieu et celui qui l’a inspiré et dont il témoigne, – Jésus de Nazareth, en qui il reconnaît avec Pierre le « Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16) -, semblent intimement liées. C’est dans les conflits que se jouent le salut (la « sainteté ») ou l’enjeu de l’amour, – ce que savait déjà le Lévitique (cf. chapitre 19, versets 17 et 18) -, c’est quand il y a « scandale », « pierre d’achoppement » (Mt 18,7), qu’il y a mise à l’épreuve de la foi et de la confiance : « Je ne suis pas d’accord avec toi, je ne suis même pas en accord avec moi-même, et la tension peut devenir insupportable, mais nous sommes de la même chaire, humaine et spirituelle ». Ce n’est pas le conflit qui est le problème, mais la gestion du conflit !

Le plus grand dans le Royaume ?

Celui qui devient comme les enfants ! (Mt 18,1-5)

Qu’est-ce que cela veut dire pour les adultes que nous sommes ?

Celui qui accueille, au nom du Christ, un enfant « comme celui-là » (v. 5) .

Un enfant ? « Un seul de ces petits » (v. 6) ; l’accent se déplace.

Réapparaissent les « cieux », les « anges » (v. 10) de ces « petits », l’accès direct à la présence de Dieu le Père, l’ultime en soi, dont nous sommes devenus « enfants », grâce au Christ. La boucle se boucle, mais c’est une boucle, et on ne peut pas accéder, comme ça, sans détour, au salut. La vie est un détour par la vie menacée de mort. La « géhenne de feu » (v. 9) nous menace, si « chute » (v. 6.7.8, répétée quatre fois) « d’un seul de ces petits » (v. 6), à cause de nous, il y a.

« Chute » (« scandale » v. 6), « géhenne de feu », enfer dirions-nous, « cieux », « anges », et ce qui suit, « péché » (v. 15), « égarement » (v. 12), tous des mots qui ne nous parlent plus, qui sont décriés ou infantilisés, culpabilisent ou sont reniés, considérés comme dépassés et désuets.

Pourtant « coulpe », même sans faute objective, sans culpabilité, il y a tous les jours : « J’ai tout bien fait, en bonne conscience et selon mes convictions et dans les règles de l’art, mais l’histoire a quand même mal tourné. » Tout le monde connaît cela, et mieux qu’on veut faire, plus on pourrait rater la cible, sans coupable, sans faute : « J’ai tout fait, je me suis donné tellement de peine … ». Puis l’homme pense que la loi, l’ancienne, – les règles de gestion des conflits héritées, chez Matthieu la « correction fraternelle » (v. 15 à 18) -, ou une nouvelle, – des changements institutionnels, des restructurations, des nouvelles procédures et directives -, pourrait résoudre le problème, au lieu de ce qui s’impose, un moment donné, comme finalité de toute loi : la prière (v. 19-20) et le « pardon » (v. 21-22).

Prière et pardon ? Ce n’est pas simple, comme ça. La fin du chapitre l’illustre (v. 23-35).

Comment se remettre au « roi » de la parabole (v. 23) et faire comme il fait, lui ?

En acceptant que nous sommes tous débiteurs, comme sont débiteurs les enfants à l’égard de leurs parents, les enfants du début de notre chapitre ? En ne nous mettons pas nous-mêmes en position de roi et avoir raison, certitude ?

Devant Dieu, j’ai toujours tort, même en affirmant cela …

Armin Kressmann 2014

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