Le clown, figure de l’autre en soi-même

Vie&Liturgie, no. 99, mai 2014, p.6ss ; septième partie

Nous devons distinguer le clown comme métaphore de l’être devant Dieu voire de figure christologique, ce que je viens de développer, du clown comme méthodologie exégétique, catéchétique ou pastorale. Par le clown nous pouvons faire « comme si », expérimenter des formes d’être, de vivre et d’être ensemble, nous plonger dans les abîmes des émotions et des relations, vivre et mourir, tuer et ressusciter, resurgir et guérir symboliquement. Pour le clown il y a tout temps un temps pour tout (avec ou contre Qohélet, ou la sagesse ?). « Faire du clown » a une dimension thérapeutique (« catharsis » ; d’où son lien fort avec le psychodrame).

L’exégèse biblique clownesque

Les « Esperts », Armin Kressmann et Guy Labarraque, clowns exégètes (photo Gérard Jaton)

L’exégèse biblique clownesque, que nous pratiquons en petite équipe, consiste en :

1. La lecture du texte par le « Clown Un », – figure du clown blanc, ici théologien et expert -, qui pose la question de la compréhension au public à travers ses partenaires clowns.

2. Un débat sur la compréhension, – avec le « Clown Deux » (« Suiveur », plus pharisien que le pharisien, représentant le texte comme loi) et le « Clown Trois » (« Auguste », l’esprit du texte, représentant la liberté à laquelle appelle le texte) -, la « méta-physique », mène à des « reconstitutions » par improvisations de clown. Celles-ci, – étant « physiques », faisant donc vivre les émotions que le public pourrait avoir prenant le texte « au corps et au cœur » -, ramènent le texte, et cela d’une manière très fondamentale et ludique, dans l’ici et le maintenant (la vie quotidienne).

3. À partir des séquences filmées un canevas est défini et un numéro de clown est créé, qui, joué en église, devient à la limite «homélie » (« réunion », « être ensemble ») ou « prédication ».

La tension entre « méta-physique » et « physique » ne fait pas seulement rire, mais aussi et surtout surgir des enjeux exégétiques nouveaux et surprenants. Quand les joueurs risquent de se perdre dans leur jeu, un rappel au texte les ramène à l’essentiel¹ : « Le royaume des cieux s’est approché … ».

Le clown dans l’animation, la formation et dans la catéchèse

Le clown ne permet pas seulement de jouer et faire ressentir en une sorte de jeu de simulation les émotions du moment, – tout en disant que ce n’est qu’un jeu, ne menace donc pas -, mais peut en lui-même être sujet d’animation ou de catéchèse. Ainsi existe tout un parcours catéchétique sur le sujet « L’Église, quel cirque ! Et si Dieu était le clown ? ». Comportant des visites de cirque, de musées et d’écoles de cirque, un camp, des moments d’étude, d’exercice et d’animation allant jusqu’à la création de spectacles, il articule la tente de la rencontre avec le chapiteau et la colonne de nuée et de feu² avec le clown ou d’autres figures du cirque. Aux catéchètes, il offre aussi la possibilité de réfléchir sur leur rôle, en questionnant celui-ci à travers les différentes formes d’artistes circassiens, allant du directeur, à travers le dompteur, le magicien ou le funambule, jusqu’au clown.

Évidemment l’exégèse biblique clownesque se prête aussi pour la formation d’adultes.

Le clown dans la pastorale

Toute autre chose est le clown dans la pastorale, mettant en valeur sa fonction thérapeutique, comme clown hospitalier, en institution socio-éducative ou médico-sociale. Nous sommes ici dans le clown relationnel qui exige d’autres formes de régulation et de formation. Le clown, lui-même enfant ou dément, parle aux enfants et aux déments quand la raison ne les atteint pas ou plus. Entrer dans les situations extrêmes et s’en sortir de nouveau est sa profession, son métier et sa confession.

Armin Kressmann 2014